Publié le 15 Nov 2021 - 20:26
ACCORD DE GLASGOW SUR LE CLIMAT

Un coup de pied à la face des pays africains 

 

Six ans et une pandémie n’ont pas permis aux pays riches de trouver un moyen de respecter leurs promesses des accords de Paris. Les deux semaines qu’ont duré la Cop26 n’y ont pas changé grand-chose pour des Africains repartis bredouilles de leur quête de financements pour s’adapter aux changements climatiques.

 

A Glasgow (Ecosse), les pays riches ont fait, comme à leur habitude, de la politique. Les discussions sur le climat, ouvertes dans le cadre de la 26e Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (Cop26), se sont conclues, samedi, par un accord à ‘’l’amiable’’. Ou plutôt un accord qui cherche plus à éviter de frustrer un pays influent que de donner un coup de fouet à l’urgence de protéger la planète. Il aura fallu un  jour de négociation de plus (la Cop était prévu du 1er au 12 novembre 2021) pour adopter le ‘’Pacte de Glasgow’’. Le texte a connu des modifications de dernière minute introduites par la Chine, l’Inde et l’Arabie saoudite sur les énergies fossiles. Si le premier projet de texte appelait les pays à "accélérer la sortie du charbon et des subventions aux énergies fossiles", les trois pays ‘’émergeants’’ ont réussi à affaiblir la rigueur de ces engagements. Le document adopté appelle finalement à "intensifier les efforts vers la réduction du charbon sans systèmes de capture (de CO2) et à la sortie des subventions inefficaces aux énergies fossiles".

Avec près de 200 pays ayant pris part aux discussions, le continent africain n’a été en reste tout comme le Sénégal qui a dépêché une équipe sur place. Représentant moins de 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), l’Afrique est particulièrement exposée aux conséquences du changement climatique. Selon la contribution ‘’La Cop26 dont l’Afrique a besoin’’, coécrite par Akinwumi A. Adesina, Président de la Banque africaine de développement, Ngozi Okonjo-Iweala, Directrice générale de l'Organisation mondiale du commerce, Vera Songwe, Secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique et Ibrahim Assane Mayaki, Directeur général de l'Agence de développement de l'Union africaine, ‘’le changement climatique coûte au continent 7 à 15 milliards de dollars par an et menace à la fois la sécurité alimentaire et l'utilisation de l'hydroélectricité’’ d’une Afrique subsaharienne qui ‘’ne reçoit que 5 % du financement climatique total en dehors de l'OCDE’’.  

Le changement climatique coûte au continent 7 à 15 milliards de dollars par an

Autant de raisons qui ont fait du concept de ‘’réparation’’, le maître mot de la participation des pays africains à la Cop26. C’est ainsi que le concept de ‘’pertes et préjudices'' a émergé depuis 2013, en référence aux catastrophes qui ne peuvent plus être évitées (inondations, vagues de chaleurs, périodes de sécheresse, etc.) Mais les pays africains, en compagnie de tous les pays pauvres de la planète, n’ont pas été écoutés. Leur proposition de créer un nouveau système opérationnel de financement a été bloquée, notamment par les Etats-Unis qui craignent de possibles conséquences juridiques d'un tel engagement. Au lieu d’un financement immédiat, les pays riches ont ‘’offert’’ aux africains un "dialogue" annuel jusqu'en 2024 pour "discuter des modalités pour le financement des activités".

Cette Cop26 était la première occasion de faire un bilan sur les accords de Paris, en 2015 lors de la Cop21. Un accord historique avait permis à 195 Etats de limiter à 2°C le réchauffement planétaire par rapport à 1850. Il va même un peu plus loin en ajoutant que les efforts des Etats doivent s'intensifier pour espérer limiter l'augmentation généralisée des températures à 1,5°C. D’autres décisions importantes ont concerné la création d’un fonds pour le climat doté de 1 000 milliards de dollars destiné à la lutte contre les effets du réchauffement climatique et l’investissement dans des énergies propres. Également, les pays développés doivent débloquer chaque année 100 milliards de dollars à destination de leurs homologues en développement dès 2020 pour les aider dans leur transition. Ce montant est un plancher qui sera amené à augmenter par la suite.  

Keriako Tobiko, Ministre kenyan de l'Environnement : ‘’Nous avons supplié (…), comme lors des rendez-vous précédents, notre plaidoyer a été rejeté.’’

Dans le Pacte de Glasgow, les pays riches font également volte-face sur ces engagements.  Le texte mentionne les ‘’regrets’’ des pays développés de ne pas avoir mobilisé les 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 comme promis dans l’accord de Paris pour accompagner les plus vulnérables. Mais il n’y a aucune garantie ni pour les atteindre dès 2022 ni pour augmenter l’enveloppe par la suite. Une triste réalité que l’intervention du ministre kenyan de l'Environnement, Keriako Tobiko, résume parfaitement : ‘’Nous étions venus pour négocier un accord robuste sur les pertes et les préjudices subis. Nous voulions davantage de financements pour notre action climatique. Nous espérions du soutien pour nos situations et besoins particuliers. Nous avons supplié comme nous l'avons fait à la Cop22, à la Cop23, à la Cop24, à la Cop25... Nous espérions être entendus, mais comme lors des rendez-vous précédents, notre plaidoyer a été rejeté.’’

Ce qui semble bien paradoxal pour les auteurs de la contribution ‘’La Cop26 dont l’Afrique a besoin’’. Ainsi, relèvent-ils : ‘’Le fait que le monde développé ait mobilisé 10 000 milliards de dollars pour lutter contre la pandémie rien qu'en 2020 montre à quel point un montant de 100 milliards de dollars par an est vraiment minime. Pourtant, au cours de la même période, l'aide publique au développement n'a augmenté que de 3,5 % en termes réels.’’ Au lieu d’attendre des financements incertains, ces experts des questions de développement invitent les africains à explorer les solutions locales. Comme l'Accélération de l'adaptation en Afrique (AAAP), créé par la Banque africaine de développement (Bad) et le Centre mondial pour l’adaptation pour aider à augmenter les investissements d'adaptation rentables dans la région.

Pour la première fois dans un accord international sur le climat, les termes ‘’énergie fossile’’ ont été inscrits dans le document. Cette dernière catégorie est responsable de la majeure partie du réchauffement climatique. 11 pays ont présenté à la Cop26 l'Alliance ''Beyond Oil and Gas'' (Boga), visant à fixer une date de fin de l'exploration et de l'extraction pétrolières et gazières nationales. C’est ainsi qu’ils se sont engagés à mettre fin à toutes les nouvelles concessions et à tous les cycles d'octroi de licences et de baux sur leurs territoires. Une orientation qui interpelle un pays comme le Sénégal, à l’aune des investissements pour l’exploitation future de pétrole et de gaz. Comme l'ont montré les pays riches lors de ces négociations avant chaque signature, l’intérêt national prime souvent sur la raison internationale.

Lamine Diouf

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