Publié le 16 May 2023 - 14:00
AFFAIRE ADJI SARR

Les avocats ruent dans les brancards

 

À côté de la bataille de rue qui a été déclenchée depuis Ziguinchor et qui a touché d’autres localités du pays, il y a la pression médiatico-judiciaire menée par les avocats, qui appellent à l’intervention de la communauté internationale.

 

Alors que certaines sources proches du dossier soutiennent que le président de Pastef/Les patriotes, Ousmane Sonko, a bel et bien été sommé de se présenter, hier, auprès du greffe de la Chambre criminelle, Maître Saïd Larifou, depuis Paris où il se trouve, soutient le contraire. À l’en croire, Ousmane Sonko allait répondre si on l’avait convoqué. À la question de savoir s’il va déférer à la convocation demain, il rétorque : ‘’Il faut se demander d’abord s’il sera convoqué. S’il est convoqué, M. Sonko se rendra au tribunal…’’ Toutefois, s’empresse-t-il d’ajouter, ‘’il répondra si toutes les conditions de sécurité lui sont garanties. Pourquoi ces conditions ? Alors qu’il comparaissait au tribunal correctionnel pour répondre des faits de diffamation, il a été agressé. Nous avons aussi les certificats médicaux qui établissent sans contestation qu’il est victime d’une tentative d’assassinat, en plus du harcèlement avec ce qui se passe autour de sa maison qui est barricadée. C’est comme si on veut le pousser à bout’’.

Lors de cette conférence, Me Larifou s’est efforcé de présenter Sonko comme un citoyen respectueux des institutions. Pour lui, contrairement à ce que tentent de faire croire ses détracteurs, l’opposant radical a toujours déféré aux convocations de la justice. ‘’Depuis un an, il a fait preuve de civisme. Il a répondu à toutes les convocations de la justice, malgré les difficultés, la violence physique exercée sur lui, notamment dans l’affaire de diffamation. Au cours de l’instruction de cette affaire criminelle, il y a eu trois auditions, il a répondu à toutes les convocations. Il a répondu également à la confrontation avec la partie civile. Ce n’est donc pas vrai de dire qu’il ne respecte pas les institutions de la République. Il a toujours répondu et continuera de répondre, à condition que sa sécurité soit garantie. Ce qui n’est pas le cas’’.

Joint par WhatSapp sur cette question de la convocation de Sonko, Maître Ciré Clédor Ly affirme avec force : ‘’Il n’y a eu aucune convocation. C’est la force brutale et aveugle qui est en train de suppléer à une convocation par voie administrative prévue par la loi.’’

Les deux conditions de Me Larifou

De l’avis de l’avocat, Ousmane Sonko est victime de l’instrumentalisation de la justice. Il déplore : ‘’Nous regrettons qu’ils se servent de l’institution judiciaire pour régler un problème politique. C’est cette instrumentalisation que nous dénonçons. Ousmane Sonko n’entend pas donner à ses adversaires la possibilité d’utiliser les institutions judiciaires. Nous ne pouvons pas accepter qu’un citoyen digne de briguer les hautes fonctions dans son pays fasse l’objet d’un tel harcèlement à quelques mois d’une élection présidentielle. Ousmane Sonko fait l’objet d’un harcèlement parce qu’il est en tête de tous les sondages. Mais il n’est pas l’ennemi de la justice ; il respecte les institutions. Ce sont ses adversaires qui méprisent la démocratie, qui méprisent les institutions du Sénégal, en utilisant des magistrats’’, soutient Said Larifou, qui estime que l’affaire Adji Sarr n’a ni queue ni tête. 

Loin de la capitale française, Maître Ciré Clédor Ly a, pour sa part, alerté la communauté internationale sur ce qui se passe à Ziguinchor. ‘’Les images diffusées par la presse nationale et internationale montrent à la présente heure et de par le passé, un usage disproportionné de la force sur une population civile et qui pourrait dégénérer au crime contre l’humanité, si ceux qui ont le pouvoir d’y mettre fin s’abstiennent de le faire. L’Organisation des Nations Unies et la Cour pénale internationale sont alertées pour qu’elles dépêchent des experts et des enquêteurs à Ziguinchor et qu’il y ait une mise en garde ferme d’arrêter dans l’immédiat l’usage de la force disproportionnée et sans précédent sur l’ensemble du territoire national’’.

Ciré Clédor Ly : ‘’La situation est grave et nul n’est censé l’ignorer’’

Cette alerte, insiste l’avocat, est aussi faite à l’adresse de l’Union africaine, du Parlement américain, de l’Union européenne et de son Parlement, de la CEDEAO et de toutes les organisations internationales qui disposent de mécanismes de préventions et de règlements des conflits internes, ou ayant des intérêts pour la préservation de la paix et de la sécurité au Sénégal ou dans la sous-région.

‘’Les violences et atteintes graves aux droits politiques et civils du président Ousmane Sonko ne concourent qu’à empêcher ce dernier de renverser par les urnes un potentiel candidat à sa propre succession aux élections en vue. Rester inactif au nom de la non-ingérence est une forme de complicité active et de refus de défendre l’idéal de démocratie et de respect des droits humains dans le contexte et la situation présente du pays’’, prévient l’avocat.

Il ajoute : ‘’La situation est grave. Et désormais, nul n’est censé l’ignorer.’’

Il faut noter que contrairement à ce qui a été avancé par l’avocat, le leader de Pastef, lui, a clamé depuis quelques jours être entré dans une phase de désobéissance civique. Pour rappel, si l’on se fie aux dispositions de l’article 238 du Code de procédure pénale, ‘’l'accusé qui a été mis en liberté ou qui n'a jamais été détenu (c’est le cas de Sonko) se présente, au plus tard la veille de l'audience, au greffe qui s'assure de sa représentation en justice. ‘’Si dûment convoqué par voie administrative au greffe de la Chambre criminelle et sans motif légitime d'excuse, l'accusé ne se présente pas au jour fixé pour être interrogé par le président de la Chambre criminelle, l'ordonnance de prise de corps est exécutée’’, précise l’article 239 al 1er CPP. ‘’L'ordonnance de prise de corps est également exécutée sur décision motivée du président de la Chambre criminelle lorsqu'il estime que la détention de l'accusé est nécessaire. Cette décision est sans recours’’.

Les options de la chambre

Toutefois, l’ordonnance de prise de corps n’est pas systématique. ‘’Si l'accusé ne peut être saisi ou ne se présente pas, il est statué contre lui par contumace’’, prévoit la loi. Interpellé sur les options qui s’offrent à la chambre criminelle demain, Amadou Khomeiny Camara explique : ‘’Tout dépend du président de la chambre. S’il estime que le dossier est en état d’être jugé, il peut décider de juger, sans avoir besoin de décerner une ordonnance de prise de corps. Il peut aussi estimer que c’est la première audience, il demande que les diligences administratives soient faites pour qu’il puisse recevoir la citation. S’il tient à ce qu’il soit présent, il peut délivrer une ordonnance de prise de corps, pour qu’on lui amène l’accusé.’’

MOR AMAR

Section: