Publié le 18 Aug 2020 - 04:51
AMADOU SAMBA NIASSE, DIRECTEUR OFFICE DU TOURISME SYNDICAL D’INITIATIVE DE SAINT-LOUIS

‘’L’activité touristique est complément en berne à Saint-Louis’’

 

La pandémie de la Covid-19 a frappé de plein fouet le secteur du tourisme, avec la fermeture des frontières synonyme de l’interdiction des voyages. Ville touristique, Saint-Louis souffre énormément de cette situation.  Amadou Samba Niasse, Directeur de l’Office du tourisme syndical d’initiative de Saint-Louis, revient, dans cette interview, sur les difficultés que traverse ce secteur en berne depuis le mois de mars.

 

Quel est l’impact de la crise sanitaire sur le secteur du tourisme à Saint-Louis ?

La maladie a eu un impact considérable sur le tourisme à Saint-Louis. Vous savez que le tourisme est un des secteurs phares de l’économie locale et même nationale. Il compte beaucoup dans la création d’emplois et de richesses à Saint-Louis, comme partout au Sénégal. Et depuis le mois de mars, on est fortement touché par la pandémie parce que, pour l’essentiel, les touristes que nous recevons viennent de l’extérieur et l’arrêt des vols et les mesures qui ont été prises pour protéger le pays de la pandémie ont fait qu’il n’y a plus de fréquentations touristiques et il n’y a plus, par conséquent, d’activités. Du coup, l’activité touristique est complément en berne à Saint-Louis, comme partout au Sénégal.  

Avez-vous en chiffres une idée des pertes engrangées ?

Au niveau local, pour l’instant, il n’y a pas de chiffres. Pour le moment, au niveau national, les chiffres sur les pertes sont estimés, depuis le début de la pandémie, à plus de 200 milliards de francs CFA pour le Sénégal globalement. Au niveau local, on sait qu’il n’y a pas mal d’hôtels et de réceptifs qui sont plus de 70 un peu partout à Saint-Louis, qui sont presque tous fermés. C’est environ 2 000 emplois qui sont aujourd’hui menacés, car il n’y a plus d’activités et de retombées. Ce sont les chiffres que nous avons. Et concernant l’impact réel, pour l’instant, nous sommes en train d’évaluer tout ça et on en saura un peu plus le temps venu, parce que jusque-là, ce qui est clair, c’est qu’il n’y aura pas de reprise avant au moins le mois de décembre. Ça, c’est certain, car pour l’essentiel, ce sont les étrangers qui viennent et plus particulièrement les touristes de l’Union européenne, principalement de la France, de l’Espagne, de la Belgique, de l’Italie, etc. Et tout ce beau monde n’est pas prêt à fréquenter des destinations comme le Sénégal où il y a encore des réticences. Il y a également les mesures qui sont prises au niveau étatique pour l’arrêt des vols et la réciprocité avec tous les pays qui interdissent au Sénégal l’accès. Tous ces facteurs ne vont pas du tout améliorer l’avenir du tourisme à Saint-Louis.  

Qu’en est-il du tourisme local censé relever le secteur ?

Le tourisme local, on en parle, mais il faut dire que ce n’est pas une chose qu’on peut inventer du jour au lendemain. Ça prend du temps. C’est une stratégie à mettre en place et tout le monde sait qu’en matière de stratégie, ça prend au moins 3 à 5 ans pour que ça puisse se mettre en place. Et au préalable, il y a des choses sur lesquelles il faut déjà réfléchir à savoir les prix et inciter les Sénégalais à le faire. Est-ce que les Sénégalais, aujourd’hui avec le contexte qui existe, sont prêts à voyager ? C’est une question qu’on se pose. Et au-delà, même les réceptifs qui doivent les accueillir ne sont pas prêts, parce qu’aujourd’hui, il y a un problème de survie. Les hôtels sont fermés pour la plupart. Il y a quelques hôtels qui sont ouverts sur l’ile, mais ce sont des gens qui essayent de se battre pour ne pas tellement fermer. Il faut dire que le tourisme local pourrait bien marcher, mais ça demande un travail de fond et ce n’est pas du jour au lendemain que ça va se faire.

Donc, pour l’instant, ça ne marche pas au Sénégal ?

Pour l’instant, on va dire clairement qu’il n’y a personne. Vous pouvez faire le tour, tout est fermé, à part quelques hôtels qui sont sur l’île. Mais pour le moment, l’activité économique est complètement à l’arrêt.

On a ouvert les frontières avec certains pays et les mesures de restriction ont été allégées. Est-ce que cela a eu un impact positif sur le secteur ou l’activité est toujours en berne ?

En fait, comme je vous l’ai dit, c’est qu’aujourd’hui, pour le Sénégal, les niches, c’est-à-dire la clientèle même du tourisme en général, c’est l’Europe. Et actuellement, les principaux pays émetteurs de touristes ne viennent pas au Sénégal. C’est la France, l’Italie, l’Espagne, la Belgique, l’Angleterre, etc. Ce sont ces pays qui, pour la plupart, envoient des touristes visiter le Sénégal. Et aujourd’hui, ces gens ne peuvent pas venir au Sénégal. Il est donc clair que le tourisme ne peut pas reprendre du jour au lendemain sans une fréquentation réelle de ces destinations. Ce qui fait qu’actuellement, on parle de tourisme intérieur. Les frontières ont été ouvertes, mais ce n’est pas ça qui règle le problème du secteur.

On sait que Saint-Louis est une ville touristique qui reçoit beaucoup de visiteurs. Est-ce qu’on peut savoir le nombre de personnes qui dépendent du secteur ?

Saint-Louis est une destination qui, quand ça marchait bien, et quand ça marchait bien c’est juste dans les années 2008, recevait environ 50 mille visiteurs. Après, il y a eu les années de crise qui sont venues avec la crise financière de 2008. Puis, il y a eu d’autres évènements comme Ebola. Des facteurs qui ont fait qu’à un moment donné, le tourisme a connu beaucoup de difficultés à Saint-Louis.

En 2019, ça avait commencé à reprendre entre janvier et février ; il y a eu une forte fréquentation. Mais malheureusement, depuis le mois de mars 2020, avec ce qui s’est passé, ça a été un arrêt brutal. Aujourd’hui, c’est plus de 2 000 personnes qui dépendent du secteur directement sans compter les activités transversales. Il y a d’autres secteurs comme l’artisanat, le commerce et plein d’autres activités qui dépendent de ce secteur. Et aujourd’hui, tous ces gens souffrent de cette situation dont on ne sait pas quand est-ce que cela va arrêter.

L’Etat a déboursé de l’argent pour le secteur. Est-ce qu’au niveau de Saint-Louis les fonds sont arrivés à destination ?

Oui. Je pense qu’il faut saluer cet accompagnement de l’Etat, parce que depuis que le tourisme existe au Sénégal, c’est la première fois que l’Etat injecte autant d’argent pour accompagner le secteur. Ça, c’est une grande première. Mais il faut rappeler que c’est un prêt. Ce sont des prêts que les gens vont devoir rembourser. Les mesures sont souples ; tous semblent le reconnaitre. Comme je l’ai dit l’Etat a fait beaucoup d’efforts, mais il faut dire que ce n’est pas suffisant pour soutenir ce secteur, parce que la crise risque d’être très longue et à ce jour, les gens sont certains qu’il n’y aura pas de reprise d’ici la fin de l’année. Et pour cela, il faut encore que la somme soit encore plus conséquente que ce qu’on a déjà eu.  Mais pour ce qui a déjà été fait, beaucoup de réceptifs ont bénéficié de ces prêts qui leur ont permis de se maintenir au moins 2 à 3 mois. Ça c’est déjà un pas, mais nous attendons que ça soit un plus conséquent et que ça puisse également accompagner les établissements à franchir cette étape qui va être très difficile.

La plupart des hôtels sont encore fermés à Saint-Louis, comme vous l’avez dit. L’Etat avait demandé de payer les salaires à 70 %. Quelle est la situation des salariés ?

La situation est qu’aujourd’hui, les gens font l’effort de respecter les directives de l’Etat pour la plupart, mais encore faut-il que les ressources soient là. Pendant longtemps, ça a été fait, mais aujourd’hui est-ce que les gens sont en mesure de continuer cette situation ? C’est une interrogation qui est là. Je pense que forcément, il va y avoir des discussions entre l’Etat et les entreprises pour voir comment continuer à soutenir les salaires, parce que c’est une situation qui est là. Il n’y a pas de ressources et les charges sont toujours là. Continuer donc à payer ces salaires, si c’est une directive de l’Etat, c’est une obligation, mais encore faut-il avoir les ressources pour le faire.

ABBA BA

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