Publié le 16 Nov 2019 - 04:26
ASSEMBLEE GENERALE RACOP

Les experts cernent le mal dans les marchés publics

 

Efficience de la dépense publique, part du secteur privé national dans les marchés de l’Etat, partenariat public et privé, le Réseau africain de la commande publique (Racop) se penche sur les maux qui grèvent les budgets des Etats africains.

 

Plus de 2 000 milliards de francs Cfa. C’était le montant de la commande publique au Sénégal, en 2017. En Afrique, cette commande, selon le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence, Mahammed Boun Abdallah Dionne, était estimée, il y a deux ans, à 93 milliards de dollars, soit 15 % du Pib de l’ensemble du continent (chiffres de la Banque mondiale). Une manne financière énorme, objet de toutes les convoitises. Pendant que les géants non africains se taillent la part du lion, les entreprises africaines, elles, se disputent les restes.

Au Sénégal, si l’on en croit le Dr Abdourahmane Diouf, Président du Conseil des investisseurs sénégalais, le secteur privé national ne gagne que 33 % de cette manne financière. Hier, à l’occasion de la première Assemblée générale du Réseau africain de la commande publique (Racop), la question était au centre des débats. Comment faire pour que les privés national et africain puissent profiter davantage de la commande publique pour se développer ?

Au moment où le secteur privé sénégalais pleure, Mahammed Boun Abdallah Dionne, lui, se félicite des efforts accomplis par le Sénégal en faveur de son secteur privé. A l’en croire, le gouvernement a déjà pris plusieurs initiatives salutaires allant dans le sens de soutenir la participation du secteur privé national et sous-régional à travers la commande publique. ‘’Je peux citer la discrimination introduite dans la nouvelle loi sur les partenariats publics-privés, en vue de faire participer davantage le privé national au développement des infrastructures.

Aussi, la réforme du Code des marchés publics intervenue en 2014 répondait à cette dynamique. De l’avis de l’ancien Premier ministre, ces aménagements ont souvent permis aux Pme-Pmi de pouvoir soumissionner régulièrement dans les marchés publics en lots séparés et de bénéficier de la sous-traitance dans les marchés complexes.

Un secteur privé aux abois

Mais, du côté du secteur privé, le discours a toujours été différent. Selon les acteurs, le privé national est, en effet, en butte à plusieurs obstacles d’ordre financier et législatif. Parmi ces obstacles, il y a les conditionnalités financières hors de leur portée et qui sont glissées dans les appels d’offres de la plupart des marchés. Pour rectifier le tir, ils préconisent un accompagnement de l’Etat sur le plan financier, mais aussi une réforme des textes en vigueur.

En tout cas, semble convaincu le directeur général de l’Autorité de régulation des marchés publics, par ailleurs président du Racop, Saër Niang, point de développement sans émergence d’un privé national fort. Il déclare : ‘’On ne peut pas se développer, si la commande publique ne profite pas, au premier plan, au secteur privé national. Voilà une problématique souvent agitée, pas seulement au Sénégal, mais au niveau de l’espace africain. Le Racop s’engage à aborder cette question de façon tout à fait objective et voir ce qu’il peut suggérer aux Etats pour renforcer la présence du secteur privé national dans la commande publique.’’

Aussi, renchérit-il, si l’Afrique veut régler la question de l’emploi, il faut absolument revigorer le secteur privé qui est créateur d’emplois.  ‘’La question du développement passe forcément par le renforcement du secteur privé. Il faut donc revigorer le secteur privé qui est porteur de développement. 

Des alliances entre entreprises africaines

L’autre thème majeur de cette rencontre, c’était les ‘’Partenariats publics privés’’ (Ppp). Un thème extrêmement important et stratégique, selon Saër Niang. Il explique : ‘’Nos Etats n’ont pas suffisamment de ressources pour pouvoir construire leurs projets de développement. Pour ce faire, il faut absolument compter sur les ressources du secteur privé, étrangères y compris. Il va falloir renforcer le partenariat entre les Etats et le secteur privé. Ces derniers n’étant ni des philanthropes ni des enfants de chœur, encore moins de la Croix-Rouge, il faut se préparer en conséquence, en outillant nos Etats pour une meilleure défense des intérêts de nos pays.’’

Mais la tâche risque d’être assez compliquée, si l’on en croit les participants. Car l’adversaire des Etats, sur ce plan, est souvent bien en avance. Mais des solutions sont envisageables, selon M. Niang, qui propose des alliances entre entreprises africaines et non plus seulement entre les entreprises africaines et étrangères.

Par ailleurs, 49 délégations de pays, experts et partenaires, ont également beaucoup échangé sur la nécessité de développer des infrastructures, en s’appuyant sur des principes de transparence, de célérité et d’efficacité. Pour Boun Dionne, l’utilisation efficiente et rationalisée des ressources publiques ‘’rares et limitées’’ est devenue un impératif de gouvernance dans les pays en développement, surtout ceux qui aspirent à l’émergence. ‘’Il convient d’accélérer la transformation économique de notre continent, en accordant à l’investissement dans les infrastructures socioéconomiques notamment une haute priorité’’, souligne le secrétaire général de la présidence. Avant d’ajouter : ‘’Face à l’importance des besoins en infrastructures notamment, il faut innover dans l’approche et la conduite des politiques publiques en matière de marché public. Pour aller vite et bien dans la voie de l’efficacité et de la performance, bien entendu sans affaiblir le contrôle.’’

Malgré les progrès réalisés, il reste tout de même convaincu que les procédures de passation et d’exécution des marchés publics doivent être revisitées pour atteindre une célérité satisfaisante dans la conduite des projets d’infrastructures qui portent le développement et le progrès social des nations. Il s’agira aussi de se préparer dans un contexte d’ouverture des marchés en Afrique, à travers la Zone de libre échange (Zleca).

Le Racop, selon son président, qui passera le témoin à la fin de cette rencontre de Dakar, se propose d’impulser et d’harmoniser les réformes des systèmes de la commande publique sur le continent. ‘’Nous avons besoin d’une relation de confiance avec les Etats, le secteur privé et la société civile, de manière à optimiser et rationnaliser la gouvernance dans nos Etats’’.

ASSEMBLEE NATIONALE, CESE…

Ces ‘’zones de non droit’’ des marchés publics

Hier, en marge de la cérémonie d’ouverture de la première Assemblée générale du Réseau africain de la commande publique, la lancinante question du contrôle du budget de l’Assemblée nationale et de certaines institutions s’est invitée au débat. Répondant à cette problématique qui n’en finit pas d’exaspérer certaines organisations de la société civile, Saër Niang a plutôt exprimé des regrets.

A en croire ses explications, cette obstination de l’institution dirigée par Moustapha Niasse à ne pas se soumettre aux règles du Code des marchés publics s’explique par de dispositions spéciales que l’Assemblée s’est données elle-même. ‘’En vérité, renseigne-t-il, ils (les députés) ont une loi organique qui a défini le mécanisme par lequel les acquisitions au niveau de cette institution sont organisées’’.

Pour beaucoup, cette attitude de l’Assemblée nationale ne s’explique nullement et qu’il faudrait y mettre un terme. Mais, pendant longtemps, l’institution a plutôt fait dans le dilatoire. En effet, d’après Saër Niang, la question avait été abordée entre sa structure et les parlementaires. Ces derniers n’étaient pas contre le principe, mais il y avait un obstacle d’ordre législatif.

Le directeur de l’Armp : ‘’Quand on avait discuté à l’époque, ils étaient dans de bonnes dispositions à appliquer le Code des marchés publics. Mais cela demande que cette loi soit d’abord réformée.’’

Sauf qu’il ne dépend que des députés et du président de la République qui est également chef de la majorité parlementaire, pour que le vœu devienne réalité. ‘’Il faudra peut-être relancer la question, la remettre sur la table pour que les dispositions idoines soient prises’’, se borne à plaider M. Niang.

Aussi, il convient de signaler que l’Assemblée nationale est loin d’être la seule institution dans cette situation.  

MOR AMAR

 

Section: