Le sermon de Souleymane Téliko contre les justiciables et ses collègues

Le président de l’Union des magistrats sénégalais (Ums) n’est pas du tout content des attaques subies par la justice, mais aussi de l’attitude de certains de ses collègues. Souleymane Téliko leur reproche de jeter le discrédit sur l’institution judiciaire par la sélectivité dans le traitement de certains dossiers, les déclarations politiques de certains magistrats…
Les attaques verbales contre ses collègues préoccupent le président de l’Union des magistrats sénégalais (Ums). Souleymane Téliko les a dénoncées, samedi, lors de leur assemblée générale ordinaire. Il trouve que ‘’les scènes de violence’’ auxquelles ils assistent, aujourd’hui, dans les salles d’audience, ‘’sont tout simplement injustifiables’’. Aussi, estime-t-il que ‘’les attaques verbales et personnelles, venant parfois de ceux qui sont censés contribuer à la bonne administration de la justice, doivent être condamnées sans réserve et donner lieu à des sanctions appropriées à la mesure de leur gravité’’.
Le magistrat analyse cette attitude comme la résultante d’une rupture de confiance entre les justiciables et la justice elle-même. ‘’L’honnêteté intellectuelle nous impose aussi de reconnaître qu’au-delà des dérapages que l’on peut mettre sur le compte d’une passion mal maitrisée ou d’une citoyenneté de mauvais aloi, ces attaques traduisent aussi une inquiétante et progressive rupture de confiance’’, s’alarme-t-il. Non sans inviter ses collègues à ‘’un devoir d’introspection pour rétablir la nécessaire confiance entre la justice et les citoyens au nom de qui elle est rendue’’. Parce que, de l’avis de M. Téliko, ils ont une part de responsabilité dans ‘’ce discrédit croissant’’ de l’institution judiciaire.
Il dénonce la ‘’sélectivité’’ dans le traitement des dossiers
Dès lors, il exhorte les magistrats à plus d’indépendance vis-à-vis de tout pouvoir, afin de garantir ‘’leur honneur, leur liberté et leurs biens’’. Très critique à l’endroit de ses collègues, le juge d’asséner que ‘’la considération et le respect auxquels nous avons naturellement droit, ne nous sont accordés que sous réserve de l’application scrupuleuse des principes qui garantissent la tenue d’un procès juste et équitable’’. C’est le droit, dit-il, ‘’de chaque magistrat de traiter le dossier qui lui est soumis conformément à la loi et à sa conscience. Mais c’est notre devoir à nous tous de veiller à ce que rien, dans nos postures, ne soit pas de nature à susciter suspicion et rupture de confiance’’.
Parmi ces facteurs de suspicion, il relève ‘’les activités et déclarations politiques que font certains magistrats en violation flagrante de leur statut’’, la ‘’sélectivité’’ dans le traitement des dossiers, le rythme particulier auquel sont soumises certaines affaires.
En somme, d’après lui, ‘’les postures et positions de certains d’entre nous contribuent à conforter dans l’esprit de nos concitoyens le sentiment d’une justice à deux vitesses et aux ordres’’. Comme pour regretter ces dérives, M. Téliko de rappeler que ‘’rien ne peut justifier que la justice de notre pays le Sénégal, celle de Kéba Mbaye, Leyti Kama, Seydou Ba, Assane Bassirou Diouf et tant d’autres figures emblématiques qui ont écrit les plus belles pages de l’histoire judiciaire de notre continent, soit, à ce point, indexée’’.
D’après son analyse, pour mettre fin à toutes ces dérives, il leur faut donc, parallèlement aux condamnations et poursuites judiciaires, apprendre à se conformer davantage à leur serment qui leur fait obligation de ne se soumettre qu’à la loi. ‘’C’est par l’affirmation non équivoque de son indépendance que la justice préserve son honneur devant les autres pouvoirs et sa crédibilité devant les citoyens’’, a-t-il conclu.
FATOU SY