Publié le 20 Mar 2021 - 09:38
CHRONIQUE PAR PHILIPPE D’ALMEIDA

Adji, Médée et Antigone…

 

De cet exercice médiatique dont elle ne connait ni les codes ni les ressorts, elle ressort manifestement essorée. Dans la gestuelle, l’évidence de la gêne et de la lassitude. Dans le propos, comme un surgeon de colère, mais la permanence d’une certitude : qu’elle est la victime et non la pute d’une république en aspiration…

Adji Sarr parle et accuse ; mais elle baisse la tête, comme si sa nuque était impuissante, à elle seule, à supporter le poids d’une histoire qui lui est tombée dessus comme une fatalité. Mais elle assume et contraint Ousmane Sonko à un engagement moral : ‘’Qu'il jure sur le Saint Coran que l’on n’a jamais entretenu le moindre rapport sexuel…’’ L’autre ne jurera pas ; embarqué dans une rébellion idéologique on ne peut plus confortable, pour le coup, contre l’Etat, il se plait, pour l’heure, à jouer les tribuns de l’injustice sociale et l’aède des sanglots de tous les damnés de la terre…

Mais elle, elle est là ; assise comme soumise… incapable de vérité, aurait-on dit ; femme fatale, instrument de tous les pouvoirs ; pourvoyeuse de sexe pour la vérité des forts. Mais que nenni !

Dans le ‘’Médée’’ de Corneille, on a cet échange : - Néarque : ‘’Votre patrie vous hait, votre époux est sans foi… Dans un si grand revers, que vous reste-t-il ?’’

Médée : ‘’Moi ! Moi, dis-je, et c’est assez !’’

Il y a du Médée, dans Adji ; elle lance un défi à Sonko. Elle convoque la fibre religieuse, dans ce pays si totalement religieux en apparence ; cela devrait faire mouche. Mais, déjà, la cour des thuriféraires du trotskysme patriotique se déchaine : la pute ment. N’est-ce pas la vocation des putes de mentir ? Trucages et contraintes ont formaté le déroulé de la vidéo et Adji Sarr n’est que le guignol de ce cirque ‘’apérien’’ (APR)… Peut-être.

Mais que dire de ce qu’elle a dit ? Que penser de ce qu’elle a pu subir sous le diktat d’une concupiscence toute puissante dans l’enfer de ces nuits plus sombres que la nuit où il lui aura fallu d’abord lutter, ensuite subir et dans la douleur et dans l’humiliation, quelques fois, jouir… ?

Que dire de l’insupportable, peut-être vécu, jusqu’à ce moment où elle a cru devoir dénoncer ? Rien.

La puissance des ambitions de Sonko est plus forte que les larmes d’une pute.

Mais justement, parce qu’au fond d’elle, un jour, elle aura rassemblé ce qui subsiste de rejet et de refus, la ribaude des princes à la bonne conscience a dit ‘’non’’ à l’ordre insupportable des choses. Antigone contre Créon ; la conscience contre la loi ; l’éthique contre l’ordre des choses…

Il y a aussi un peu d’Antigone dans Adji ; le refus de la peur… la haine du mépris.

On l’embrasserait presque, si l’on était sûr de sa vérité. Rien ne l’indique. Elle mentirait aussi bien que ceux qu’elle accuse.

Et c’est bien la raison pour laquelle s’impose un procès. Au-dessus de toutes les passions, de tous les commentaires, de ‘’l’hybris’’, parfois ordurier de ceux qui ont décidé de se mettre en marge de toute rationalité, c’est la confrontation des thèses qui exhumera la vérité.

Adji n’a plus grand-chose à perdre ; son honneur n’a jamais compté : elle parlera pour libérer le doute de l’esprit de ceux qui ont en horreur le doute et qui aiment la république.

Sonko a tout à perdre, dans l’hypothèse d’une vérité qui le confondrait : son honneur d’abord ; le sceptre et le siège d’un pouvoir qu’il a en désir, ensuite. Et ce n’est pas rien.

Mais non, Sonko ne peut pas avoir tort ; il écume, chaque jour, tous les foyers de lamentations de la cité, par sa présence solidaire et compassionnelle ; il aime les gens, les faibles, les fourbus les ratés de la vie, les affligés, les contrits. Sonko ne peut pas avoir fait ça ; il a en horripilation, les offenses faites aux faibles…

Alors, un procès aura lieu ; et Sonko lavera son honneur, sans présumer de la partialité des juges. En homme courageux, responsable, vertueux tout court.

Et cela sera son honneur ; l’honneur de tous ceux qui croient en lui… L’honneur de la république.

Et tant pis pour la trop légère… Adji !

 

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