Publié le 21 Nov 2022 - 21:21
CONCLUSION DE LA COP 27

Un accord pollueur-payeur obtenu par les pays du Sud

 

Les pays qui polluent le moins sont souvent ceux qui souffrent le plus des conséquences des changements climatiques. À Charm el-Cheikh, les pays les plus vulnérables ont obtenu un accord pour la mise en place d’un fonds pour les ‘’pertes et dommages’’ dus aux effets néfastes du climat.

 

L’Afrique a enfin eu son accord ! Ou sa promesse. L’accueil de la 27e édition de la Conférence annuelle des Nations Unies sur le climat, la Cop 27, en Égypte, y est-il pour quelque chose ? De Glasgow (Cop 26) à Charm el-Cheikh, les discours ont bien changé. Si leur proposition de créer un nouveau système opérationnel de financement pour les pays vulnérables aux effets des changements climatiques a été bloquée à la Cop 26, l’accord signé hier prévoit désormais la création d'un fonds d'aide aux pays les plus touchés par les impacts du changement climatique.

Toutefois, déplorent certains participants, très peu d’efforts ont été faits pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Dénommé fonds pour les ‘’pertes et dommages’’, les nouvelles ressources promises ambitionnent d’aider financièrement les pays en développement ‘’particulièrement vulnérables’’ à faire face à ces dégâts irréversibles causés par le réchauffement climatique.

Une décision ne sera toutefois prise que l'an prochain sur les mesures les plus controversées prévues dans le fonds, lorsqu'un "comité de transition" aura formulé des recommandations aux pays lors de la Cop 28 qui se déroulera en novembre 2023. Ces recommandations porteront notamment sur "l'identification et l'élargissement des sources de financement", une référence à la question épineuse de savoir quels pays devraient contribuer au nouveau fonds.

Une avancée historique pour les pays les plus vulnérables

Cet accord constitue une avancée historique pour les pays les plus vulnérables qui avaient fait du lancement de ce fonds une priorité. Ce qui avait prolongé les débats, alors que la conférence devait se terminer vendredi. L'accord a finalement été approuvé, après un dernier examen dans la nuit du samedi au dimanche.

Pour Collins Nzovu, ministre zambien de l'Économie verte et de l'Environnement, ‘’très, très excité’’, il s’agit d’un ‘’résultat extrêmement positif pour le 1,3 milliard d'Africains. Car pour nous, le succès de la Cop en Égypte est basé sur ce que nous aurions pu obtenir en termes de pertes et de dommages climatiques’’.

Représentant moins de 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES), l’Afrique est particulièrement exposée aux conséquences du changement climatique. Selon la contribution ‘’La Cop 26 dont l’Afrique a besoin’’ coécrite par Akinwumi A. Adesina, Président de la Banque africaine de développement, Ngozi Okonjo-Iweala, Directrice générale de l'Organisation mondiale du commerce, Vera Songwe, Secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique, et Ibrahim Assane Mayaki, Directeur général de l'Agence de développement de l'Union africaine, ‘’le changement climatique coûte au continent 7 à 15 milliards de dollars par an et menace à la fois la sécurité alimentaire et l'utilisation de l'hydroélectricité’’ d’une Afrique subsaharienne qui ‘’ne reçoit que 5 % du financement climatique total en dehors de l'OCDE’’.  

Néanmoins, l’on est encore loin des objectifs affichés par les accords de Paris, en 2015, lors de la Cop 21. Un accord historique avait permis à 195 États de limiter à 2°C le réchauffement planétaire par rapport à 1850. Il va même un peu plus loin en ajoutant que les efforts des États doivent s'intensifier pour espérer limiter l'augmentation généralisée des températures à 1,5°C. D’autres décisions importantes ont concerné la création d’un fonds pour le climat doté de 1 000 milliards de dollars destiné à la lutte contre les effets du réchauffement climatique et l’investissement dans des énergies propres. Également, les pays développés doivent débloquer chaque année 100 milliards de dollars à destination de leurs homologues en développement dès 2020 pour les aider dans leur transition.  

Un accord qui ne satisfait pas tout le monde

Pour le secrétaire général de l’ONU, ‘’cette Cop (27) a fait un pas important vers la justice. Je salue la décision d’établir un fonds pour les pertes et dommages et de le rendre opérationnel dans un futur proche. Ce ne sera clairement pas assez, mais c’est un signal politique tout à fait nécessaire pour reconstruire une confiance brisée’’. Antonio Guterres n’est pas le seul à avoir relevé un accord loin d’être réellement satisfaisant. Beaucoup d’ONG évoluant dans la protection de l’environnement déplorent le manque d'avancées dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Pour le WW, ‘’l’Afrique est en première ligne de la crise climatique et est très vulnérable à ses impacts. Nous constatons déjà de terribles impacts, des pertes et des dégâts sur tout le continent. "Si l’ONG salue les progrès accomplis dans la création d’un fonds destiné à aider les pays à se remettre des catastrophes liées au climat, cela ne suffit pas si nous ne prenons pas d’autres mesures pour éviter que la crise climatique ne devienne incontrôlable. Nous devons également aller plus loin pour garantir que le fonds soit doté de ressources et qu’il soit aligné sur l’équité et la justice ", encourage-t-on.

La crise énergétique relègue le climat au second plan

Conformément au projet présenté précédemment, l'accord conclu dimanche ne vise pas la réduction progressive de l'utilisation de "tous les combustibles fossiles", comme l'avaient demandé l'Inde et l'Union européenne. Il appelle toutefois les pays à prendre des mesures en vue de "l'abandon progressif du recours au charbon et la suppression des aides publiques inefficaces aux carburants fossiles", comme convenu lors de la Cop 26 de Glasgow.

Malgré la volonté affichée des pays occidentaux de réduire les émissions de produits dégradants pour l’environnement, la crise énergétique découlant de la guerre en Ukraine a relancé la course vers les sources d’énergie. En France, le gouvernement a annoncé la remise en service, le 25 décembre 2022, de 28 réacteurs nucléaires mis  à l’arrêt pour des soucis écologiques. Selon le ‘’Wall Street Journal’’, l'Allemagne s'apprêterait à prolonger la durée d'exploitation de ses dernières centrales nucléaires, une conséquence spectaculaire de la crise énergétique qui balaye l'Europe depuis l'effondrement des exportations de gaz russe.

Lamine Diouf

 

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