La bande d’agresseurs avait tué sa victime pour 2 000F

La Chambre criminelle du Tribunal de grande instance de Dakar a condamné hier une bande d’agresseurs aux travaux forcés à perpétuité. Au nombre de quatre, les accusés avaient agressé mortellement un jeune pour la modique somme de 2000 F CFA.
Le hall du Palais de justice Lat Dior ressemblait hier, vers 13h, à une cour d’école où l’on vient de délibérer les résultats du baccalauréat où encore à une maison funéraire. Des groupes de personnes en pleurs. D’autres tentant de consoler des femmes effondrées, couchées à même le sol. Tout ce beau monde venait de sortir de la salle d’audience 4 où le président de la troisième session de la Chambre criminelle de Dakar et ses assesseurs avaient fini de vider la dernière affaire du jour. Une affaire de meurtre sanctionnée par quatre condamnations à la perpétuité. 24h après une première condamnation à perpétuité, dans le cadre de cette 3e session de la Chambre criminelle.
Ces effusions tranchaient avec l’impassibilité des accusés Mame Mor Fall Samb, Ngouda Cissé, Samba Diop et Khalilou Diagne, des habitués de l’environnement carcéral. Tous les quatre ont fait la prison à plusieurs reprises pour, entre autres, vol simple, vol avec violence, usage de chanvre indien. Le dernier nommé a même bénéficié de la grâce présidentielle en 2008. Mais à sa sortie, il a repris ses activités délictuelles. C’est ainsi que, dans la nuit du 20 au 21 novembre 2010, accompagné de ses trois acolytes, il a poignardé mortellement le jeune Doudou Matar Niang, au cours d’une agression survenue au niveau de la station de Colobane. La victime était avec un ami et leurs copines. Lorsque les deux couples ont été attaqués par la bande, Doudou Matar Niang a tenté de s’opposer. Malheureusement, il a reçu un coup de couteau au dos, avant d’être dépouillé de son téléphone portable et de la somme de 2 000 F CFA. Les agresseurs se sont également emparés des téléphones de ses amis. Evacuée dans un premier temps au centre de santé de Colobane, la victime a été transférée à l’Hôpital général Grand-Yoff qui a refusé de l’admettre. Finalement admis à l’hôpital Principal de Dakar, après des conciliabules, Doudou Matar Niang est décédé à 6h 10mn, soit 10 minutes après son admission.
Pendant qu’il agonisait, la bande poursuivait son équipée. Arrivés au Point E, les agresseurs sont tombés sur Maurice Sambou que ses frères avaient envoyé chercher des cigarettes. Il a passé un sale quart d’heure entre les mains du quatuor qui lui a pris son pantalon et son téléphone. Ainsi, Mamadou Almon Bodian a été surpris de voir arriver son jeune frère complètement dévêtu. Lorsque ce dernier lui a confié avoir été victime d’une agression, il s’est mis avec des voisins aux trousses des agresseurs. Qui n’ont pas pu aller loin, du fait de leur ivresse.
Ils ont pu rattraper Samba Diop alias Bathie Dembélé, Mame Mor Fallou Samb et Khalilou Diagne qui détenait un couteau et portait le pantalon de Maurice, avant de les conduire au commissariat du Point E. Ndouga Cissé a lui été cueilli chez lui. Devant les enquêteurs, les mis en cause avaient reconnu les faits. Ils ont réitéré leurs aveux, au moment de l’inculpation. Pour limiter sa responsabilité pénale, Khalilou Diagne, auteur du coup fatal à Doudou Matar Niang, a déclaré au magistrat instructeur qu’il n’avait pas l’intention d’ôter la vie à leur victime, mais qu’il voulait juste l’intimider.
Dénégations comme système de défense
Mais au cours de leur audition au fond, les inculpés sont revenus sur leurs déclarations. Ils ont eu la même attitude hier, à la barre, en déclarant que leurs aveux sont extorqués car ils ont été torturés. Ngouda Cissé a accusé Samba Diop de l’avoir accusé injustement, car ils avaient un différend lié à une fille. Ce dernier a tenté de corroborer la version de son co-accusé. Il a soutenu qu’il a été arrêté avec Mame Mor, alors qu’il revenait du stade.
‘’Je revenais de Liberté 5 et j’ai aperçu Samba Diop qui m’a demandé des nouvelles de mon grand frère. Les policiers sont venus nous réclamer nos pièces d’identité. Je leur ai dit que je l’avais laissée chez moi et ils nous ont embarqués, mais je n’ai jamais avoué’’, a soutenu Mame Mor. ‘’Tout ce que j’ai dit à la police, je ne l’ai pas fait de mon plein gré, car j’ai été torturé’’, a soutenu Khalilou Diagne, niant même ses aveux faits devant le magistrat instructeur. Or, ironie du sort, le greffier Me Abdoulaye Tall, devant qui il avait fait ses aveux, est devenu son avocat.
Quoi qu’il en soit, le substitut Birame Sène n’a pas été convaincu par les dénégations des accusés, surtout qu’ils traînent tous un lourd passé pénal. Même si cela n’est certes pas déterminant par rapport aux faits, le maître des poursuites considère que le passé pénal permet de cerner la personnalité des accusés. Au demeurant, il les a dépeints comme des personnes ‘’d’une extrême gravité et des dangers pour la société’’. Le substitut, qui a déploré le fait que Khalilou Diagne ne se soit pas amendé après la grâce présidentielle, a estimé que le quatuor ‘’ne mérite aucune clémence, mais une sanction exemplaire’’. A savoir les travaux forcés à la perpétuité.
Victime baladée d’hôpital en hôpital
Mais la défense a répondu que la prison à vie est loin d’être la solution. ‘’La perpétuité n’aura pas le mérite de ramener le défunt ni de dissuader les criminels’’, a répliqué Me Pape Massal Sow au cours de sa plaidoirie. Ses confrères Mes Tall et Babacar Ndiaye se sont eux aussi longuement appesantis sur l’attitude des structures sanitaires qui n’ont pas voulu prendre en charge la victime qui a fait la valse des hôpitaux de 2 heures à 6 heures du matin, avant de succomber. Pour finir, ils ont plaidé la clémence. Conseil de Khalilou Diagne, Me Tall a demandé que les faits de meurtre reprochés à son client soient disqualifiés en coup mortel. Ils n’ont pas été suivis, car les accusés ont été condamnés à la perpétuité pour association de malfaiteurs, vol en réunion commis la nuit avec violence et usage d’arme et meurtre et complicité de meurtre.
FATOU SY