Publié le 2 Jun 2013 - 06:03
CONSOMMATION DU TABAC

Astuces et pièges pour arrêter la cigarette

 

Le tabagisme tue actuellement un adulte sur dix dans le monde. Il est la première cause de décès évitable. Conscients de ses dangers, beaucoup de jeunes, de gré ou de force, ont arrêté de fumer. EnQuête est allé à la rencontre des personnes qui ont arrêté de fumer. Reportage.
 

Le verbe ''fumer'' dérange de nombreux citoyens qui ont réussi à décrocher de la cigarette. Aujourd'hui encore, son abus est la cause de nombreuses maladies telles que le cancer et les maladies cardiovasculaires.

Albert Kabo est père de cinq enfants. La blancheur de ses cheveux donne une idée sur son âge avancé. En boubou traditionnel de couleur beige, assis sur une chaise devant la porte de sa maison à la cité Derklé, il lit attentivement son journal. Cela fait douze longues années qu'il n'a plus fumé une seule cigarette, contre son gré. En une seule journée, il  lui arrivait de consommer trois paquets de cigarettes. ''Tout mon salaire était destiné à l'alcool et à la cigarette. Je passais mes nuits dans les bars et les restaurants à boire et à fumer avec mes amis jusqu'au petit matin'', confie M. Kabo. Il était la risée du quartier. ''Quand on est dépendant du tabac, on devient un grand alcoolique. Toute ma famille avait honte de moi. Un 12 septembre 2001, j'ai reçu un coup de fil venant de ma petite-sœur restée au village. Elle m'informait que ma mère été gravement malade et que je devais absolument me rendre au village''. Albert quitta la capitale le surlendemain, (23 septembre) pour la Casamance. Une fois à Tobor, son village situé à quelques kilomètres de Ziguinchor, poursuit-il, ''Mes oncles et ma sœur m'ont joué un tour, en cachant ma mère. Ils m'avaient dit qu'elle a été internée, à l’hôpital régionale de Ziguinchor. A la tombée de la nuit, ma petite-sœur m'a invité à discuter dans sa chambre. Auparavant, elle a fouillé mon sac et mouillé toutes les cigarettes que j'avais avec du lait de porc''. Ensuite, naturellement Albert Kabo alluma une cigarette, sans essayer de comprendre pourquoi la barre était mouillée. ''À peine, avais-je terminé la barre que je m'étais mis à vomir, pendant toute la nuit durant. Le lendemain j'avais la fièvre. Je suis resté alité pendant deux jours et c'est en ce moment là que ma mère est sortie de sa cachette. En un moment donné, ils ont tous eu peur, car j’avais vraiment mal et je n'arrêtais pas de vomir. Depuis ce jour, quand je sens l'odeur de la cigarette, j'ai mal à la tête''. C'est après qu'il a compris que sa maman n'était pas malade. Elle était allée se cacher chez des parents et attendre la réussite du coup monté.

Le même procédé a été utilisé par Joseph Preira. Mais contrairement à M. Kabo, le sociologue l'a fait sciemment, pour arrêter de fumer parce qu'il n'y parvenait pas seul. ''Depuis des années, je voulais arrêter de fumer. Un jour, ma femme m'a expliqué que le lait de porc peut m'y aider. Je n'y croyais pas. Mais un soir,  pendant que j'étais en congé, je suis parti à Keur Massar chez un ami qui élève des porcs. Il a confirmé les dires de ma femme. Ensuite, il m'a offert du lait et je suis rentré à la maison'', explique Joseph. Il a attendu la nuit quand les enfants sont allés au lit, pour imbiber sa cigarette de lait de porc. ''Mais j'ai cru que j'allais mourir, tellement que j'avais mal. J'avais la diarrhée et je vomissais sans arrêt'', dit-il. Mais tout cela a fini par payer. ''Maintenant, je me sens en bonne santé. J'ai retrouvé mon teint et j'ai même grossi'',  jubile Joseph.

''Un jour, on m'a diagnostiqué un cancer...''

Ciré Badiane est professeur d'espagnol à la Faculté des Lettres et sciences humaines. Le quinquagénaire, rencontré en train d'acheter du carburant dans une station de la place, estime que la cigarette n'est ni un ami, encore moins un parent. Le professeur déclare éprouver de la peur quand il voit des jeunes fumer. Il y a quoi, car il a réussi à vaincre un cancer. ''J'ai passé trois mois en Europe, à cause de la cigarette. J'avais le cancer. J'ai épuisé toutes mes économies pour me soigner. Aujourd'hui, je rend grâce à Dieu, même si j'y vais seulement pour des rendez-vous'', révèle-t-il. Au départ, il fumait juste par plaisir. Il a fini par devenir un ''accro''. Mais rapidement il a découvert qu'il avait un cancer. ''L'affaire a commencé par des toux intenses, la nuit. Un jour, j'ai décidé d'aller à l’hôpital, parce que la situation s'aggravait au jour le jour. À l'hôpital Le Dantec, on m'a informé de ma maladie. J'ai arrêté de fumer le même jour'', dit Ciré Badiane. Le sevrage brutal a été difficile pour le professeur. ''J'ai commencé à dépérir. Je tremblais comme une feuille morte. Et j'avais tout le temps envie de fumer, mais je ne pouvais pas le faire. Les jours ont passé et finalement j'ai résisté. Tout va bien aujourd'hui''.

''Ma maman a utilisé de l'urine de chèvre''

Nous sommes à la cité Aline Sitoé Diatta (ex-Claudel). Un flot continu d'étudiants entre et sort de la  cité. Un peu à l'écart, Cheikh Mbengue, 29 ans, étudiant au département d'Histoire, égrène son chapelet, en faisant les cent pas. De la cigarette, Cheikh n'en parle plus. Il a déjà tourné cette page depuis sa deuxième année à la Fac (il est en quatrième année). Sa maman a utilisé de l'urine de chèvre. En 2009, il est parti à Thiès pour célébrer la fête de Tabaski avec sa famille. A la veille de son retour, sa maman est allé acheter deux bâtonnets de cigarette, et les a déposés sur la table de nuit, après les avoir enduits de pipi de chèvre. ''De retour d'une soirée avec mes amis, j'ai voulu fumer mes les boutiques étaient fermées. Je suis entré dans la chambre et j'ai trouvé deux  bâtonnets  sur ma table. Je ne me suis pas rappelé les avoir posés là. Mais, j'en ai pris un et quand j'ai commencé à fumer, j'ai senti une odeur nauséabonde, mais j'ai continué à fumer. J'ai pris la deuxième cigarette'', raconte Cheikh. Le lendemain, sa langue et ses lèvres étaient irritées. Il a envoyé son petit-frère lui acheter une cigarette. ''Quand je l'ai allumée, j'ai commencé à avoir des nausées. La cigarette était dégoûtante. Ainsi, je n'ai pas fumé de toute la journée. Quand je suis rentré à Dakar, j'ai continué à sentir la même chose. Ce qui fait que quand un ami fume devant moi, j'ai la nausée. C'est mon petit-frère qui m'a expliqué ce qui s'est passé le jour-là'', confie-t-il.

Non loin de lui, Moustapha  Cissé, 23 ans, étudiant au département de Sciences, trouve qu'il n'y a pas de remède pour arrêter de fumer. ''Quand on veut vraiment arrêter de fumer, on peut le faire sans remède. Moi, j'ai arrêté de fumer, parce que je me suis rendu compte que je m'appauvrissais tous les jours. Il n'y a vraiment pas de remède'', soutient Moustapha.

 

Viviane DIATTA

 

 

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