Publié le 30 May 2017 - 19:35
DÉBAT SUR LE PÉTROLE ET LE GAZ

Attention aux ‘’dérapages’’ et aux ‘’dérives’’ !

 

Le colloque sur les enjeux de l’exploitation pétrolière et gazière a pris fin samedi dernier. Le Professeur Ismaïla Madior Fall a profité de cette tribune pour appeler les acteurs politiques à ‘’rééquilibrer leurs discours’’ et à ne pas utiliser le pétrole et le gaz comme ‘’rente politique’’.

 

Le Sénégal n’est pas encore un pays producteur de pétrole ou de gaz. Mais la polémique autour de l’exploitation de ces ressources minérales fait rage, depuis quelques années, avec les importantes découvertes. En novembre 2014, le gouvernement avait annoncé la découverte de deux blocs de pétrole brut : Rufisque offshore et  Sangomar Offshore Profond. Pour le gaz, c’est en décembre 2015 qu’on avait fait l’annonce de Saint-Louis Offshore Profond et Cayar Offshore Profond. À chaque fois que des ressources pétrolières et gazières sont découvertes dans un pays, le syndrome de la malédiction des ressources naturelles hante les populations.

Cependant, le Sénégal a une chance qu’elle peut bien saisir : le pays d’une ‘’tradition démocratique’’ doté d’une ‘’infrastructure démocratique solide’’, déclare le Professeur Ismaïla Madior Fall. Le président du Comité national de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) a profité du dernier jour du colloque sur les enjeux de l’exploitation pétrolière et gazière en Afrique, qui s’est tenu du 26 au 27 mai à Dakar, pour faire cette observation.

Faisant une présentation  sur ‘’la gouvernance démocratique du pétrole et du gaz au Sénégal’’, le proche collaborateur du Président Macky Sall informe que cette avancée démocratique peut être une ‘’chance’’ pour le Sénégal dans l’exploitation de ces ressources. Toutefois, le Professeur Fall précise qu’il n’y a ‘’aucune corrélation automatique entre la nature du régime politique et les succès de l’exploitation pétrolière’’. La preuve, dit-il, le Qatar n’est pas un exemple de démocratie, mais l’exploitation des hydrocarbures a permis à ce pays de se positionner parmi les nations les plus prospères au monde. Mais à côté de ce géant arabe, d’autres pays africains qui n’ont pas une culture démocratique très avancée n’ont pas pu tirer profits de leurs ressources naturelles, à cause d’une gestion opaque.

La différence est que le Sénégal est un modèle de démocratie, à travers le monde, à ses yeux. La liberté d’expression est aussi une réalité. Pour cela, depuis l’annonce de ces découvertes, les acteurs politiques, de la société civile, des médias débattent à longueur de  journée sur cette question. Mais attention aux ‘’dérives’’ et aux ‘’dérapages’’, met en garde le constitutionnaliste. D’après le Professeur de Droit à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, si le débat n’est  pas bien orienté et que l’ensemble des acteurs soient bien informés, il y a des ‘’risques’’ que les choses dégénèrent. Surtout que les études montrent qu’il y a une augmentation du risque de conflictualité quand une ressource pétrolière est découverte dans un pays. En terme plus clair, il y a 25% de risques d’avoir des conflits dans les pays riches en pétrole.

Leçon aux politiques

Par ailleurs, pour éviter que le Sénégal pique ce virus des autres pays dotés en ressources naturelles, notamment la République démocratique du Congo, l’Angola, le Nigeria…, le président du comité national ITIE invite les politiques, qu’ils soient de l’opposition ou du pouvoir, à ne plus utiliser la ressource pétrolière comme rente politique. ‘’Il faut que les uns et les autres redimensionnent et rééquilibrent leurs discours par rapport à la ressource et ne l’instrumentalisent pas. Le pétrole va transformer notre vie et il est important que nous ayons un solide consensus national, notamment, sur l’utilisation des revenus’’, plaide le ministre Conseiller juridique du président de la République, Macky Sall.

Le pétrole et le gaz aiguisent des appétits. Pour cela, le Pr Ismaila Madior Fall pense qu’il faut que ces attentes soient bien gérées. Au cas contraire, elles peuvent déboucher sur des problèmes. En effet, répondre aux attentes des populations demande une bonne gestion de ces ressources minérales. Pour y arriver, le Conseiller du chef de l’Etat demande au gouvernement de s’inspirer des pays qui ont fait l’option de gouvernance démocratique et de ‘’faire en sorte que l’option démocratique favorise une gestion vertueuse du pétrole et du gaz’’. Même si le Sénégal regarde ce qui se fait du côté du Qatar, le Pr Fall renseigne que le pays ne peut pas s’inspirer de ce pays encore moins du Koweït qui ne sont pas des modèles de démocratie.

Ce qui est attendu de l’Assemblée nationale

En outre, le Parlement sénégalais peut jouer un rôle prépondérant pour une transparence dans la gestion du pétrole et du gaz. De l’avis d’Ismaïla Madior Fall, ce débat sur la place publique doit être porté par l’Assemblée nationale. Cette dernière, poursuit-il, peut même intervenir dans le ‘’processus de signature et de validation des conventions pétrolières’’. Pour lui, l’entrée de l’Assemblée dans la chaîne de validation des contrats pétroliers peut changer beaucoup de choses.  

L’autre défi que le gouvernement du Sénégal se doit de relever est le renforcement de l’institution étatique. Selon le Professeur de Droit, la législation sénégalaise doit contenir une ‘’dimension transparence importante’’. Ainsi, il faut, dit-il, une nouvelle loi sur le code pétrolier. Ce dernier est même en train d’être révisé. Ce qui reste alors, suggère le constitutionnaliste, est de disposer d’une loi sur le ‘’local content’’ et sur la ‘’répartition des revenus’’. Toutefois, précise le Pr Fall, l’ajustement du cadre institutionnel ne doit pas entraîner une ‘’multiplication des superstructures susceptibles de conduire à la bureaucratie’’.

Le colloque sur les enjeux de l’exploitation pétrolière et gazière en Afrique qui a commencé à Dakar le vendredi dernier a pris fin le lendemain. Au cours de ces deux jours de rencontres, plusieurs tables-rondes sur la gestion du pétrole et du gaz en Afrique ont été animés par des experts venus d’ailleurs. Ainsi, le Professeur Ismaïla Madior Fall souhaite que cette rencontre se tienne chaque année pour qu’il y ait un débat démocratique sur ces ressources naturelles. 

ALIOU NGAMBY NDIAYE

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