Publié le 30 Mar 2019 - 14:59
DEBAT SUR LE FRANC CFA

Bruno Le Maire prend le contre-pied des activistes 

 

Le franc Cfa n’est pas un obstacle au développement des pays africains membres de la Zone franc. C’est l’avis du ministre français de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, en visite officielle au Sénégal.

 

Le débat sur le franc Cfa fait couler beaucoup d’encre, ces dernières années. Selon les activistes africains qui prônent la sortie de la Zone franc, cette monnaie empêche le décollage économique des pays d’Afrique. ‘’Nous avons eu une très bonne réunion sur la Zone franc à Niamey, au Niger. Nous sommes ouverts à toutes les propositions d’amélioration de la Zone franc. Si ces propositions sont audacieuses, la France est prête à suivre cette audace. Mais c’est aux États membres de cette zone d’imaginer l’avenir de leur zone économique et de le faire de manière indépendante et souveraine’’, déclare le ministre français de l’Economie, des Finances et du Plan. Bruno Le Maire, qui est en visite officielle au Sénégal depuis hier, s’exprimait lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue sénégalais, à Dakar.

Au fait, selon le ministre français, la France est ‘’respectueuse’’ de l’indépendance et de la souveraineté de tous les États de la Zone franc. ‘’Quand on regarde les résultats de la Zone franc, il y a des pays qui ont particulièrement bien réussi. Le Sénégal est un bon exemple, de même que la Côte d’Ivoire. Ces deux pays sont, au cours de ces dernières années, les pays en développement qui ont obtenu les meilleurs résultats économiques. Je le dis pour tous ceux qui critiquent la Zone franc, le franc Cfa et qui nous disent qu’on ne peut pas réussir économiquement dans le cadre de la Zone franc. C’est faux’’, renchérit Bruno Le Maire. Ainsi, il estime que le Sénégal et la Côte d’Ivoire sont deux exemples ‘’très convaincants’’ qu’on peut ‘’réussir et on réussira’’ dans ce cadre.

Le ministre français des Finances considère que cette monnaie apporte de la ‘’stabilité, des garanties’’ aux investisseurs. ‘’Il y a d’autres pays qui connaissent plus de difficultés. Mais nous sommes là pour apporter des réponses à ces difficultés, trouver les voies de développement, essayer de renouveler aussi la manière dont on peut accompagner ce développement. Ce sont des discussions très utiles que nous avons eues à Niamey. Nous voulons réfléchir avec les tous États de la zone à la manière par laquelle nous pouvons mieux accompagner les réformes et les États’’, fait savoir M. Le Maire.

‘’Les grands groupes français participent au développement du Sénégal’’

En dehors de la question du franc Cfa, le ministre français de l’Economie souligne qu’il a entendu parfois des critiques sur les grands groupes français. Or, pour lui, ces groupes ‘’participent au développement du Sénégal’’, qui permet à chacun ‘’d’y trouver son compte’’. ‘’Ils créent des emplois, de la prospérité pour le Sénégal et pour les habitants du Sénégal. Ils vous permettent aussi de franchir des étapes importantes. Ce qui fait vivre chaque petit coin du territoire, ville, commune, dans n’importe quel pays, ce sont les Pme’’, ajoute le ministre français de l’Economie.

‘’Choose Africa’’, la nouvelle manière de conquérir l’Afrique

Il faut noter que la visite de Bruno Le Maire a été l’occasion, pour les autorités françaises, de lancer l’initiative ‘’Choose Africa’’. ‘’Nous voulons lancer ce nouveau visage du partenariat économique entre le Sénégal et la France. L’objectif, c’est de consacrer plus d’un milliard d’euros, un fonds propre en faveur des Pme d’Afrique. Aujourd’hui, en lançant, ici, ‘Choose Africa’ pour l’Afrique de l’Ouest, nous manifestons cette volonté de réaliser concrètement cet objectif’’, explique le ministre français de l’Economie. Au-delà du ‘’partenariat traditionnel’’ entre les grandes entreprises françaises et le Sénégal, M. Le Maire indique qu’il est temps de passer à ‘’autre chose’’. ‘’Il s’agit du développement de vos Pme, start-up, microentreprises qui vont permettre de répondre à des besoins économiques croissants de la part de votre population. Vous êtes confrontés, en Afrique, à des défis démographiques ; 450 millions de jeunes qu’il va falloir insérer sur le marché de l’emploi, d’ici 2050. Des défis environnementaux. Le Sénégal est un pays phare de l’Afrique innovante’’, dit-il.  

Cependant, le ministre français reconnait que l’accès au financement des Pme est un problème que tous les pays ont. ‘’Nous l’avons en France. Pour que les Pme se développent, elles ont besoin d’argent, d’un financement pérenne, simple, solide. Pour soutenir le secteur privé africain, nous devons passer par l’accompagnement de ces Pme. Cette complémentarité entre le financement et l’accompagnement doit créer un cercle vertueux qui est indispensable à l’émergence d’un secteur privé africain productif et créateur d’emplois’’, estime Bruno Le Maire.

Donc, pour lui, l’initiative ‘’Choose Africa’’ répond précisément à cet objectif, pour permettre aux chefs d’entreprises créateurs de Pme de disposer de ‘’financements nécessaires’’ pour ‘’accélérer’’ cette transformation et cette transition. ‘’Notre objectif n’est pas simplement d’importer l’argent privé. C’est créer aussi un effet de levier avec l’argent public. Les fonds privés mis à disposition doivent permettre aussi de lever des partenariats avec le public’’, poursuit-il. En effet, à travers cette initiative, l’Agence française de développement (Afd) va octroyer 2,5 milliards d’euros aux Pme africaines, d’ici 2022, dont 1 milliard en fonds propre et le reste en dette garantie. ‘’L’Agence française de développement va mettre en œuvre cette initiative. Soyez offensifs, réclamez et on donnera. C’est un moyen de changer la relation économique entre la France et les pays africains’’, rassure Bruno Le Maire.

Pour sa part, le ministre sénégalais de l’Economie, des Finances et du Plan a relevé que le tissu de toutes les petites entreprises (Tpe) et Pme n’est pas constitué d’acteurs aux profils homogènes. Mais ils sont dotés d’un ‘’savoir-faire appréciable’’, dans des domaines aussi variés que la transformation agro-alimentaire, la confection, le numérique et les services. ‘’L’accès au financement constitue l’une des principales difficultés rencontrées par les Pme. Seule une Pme en Afrique sur cinq accède au crédit bancaire et une start-up sur dix en bénéficie.

L’insuffisance des moyens financiers augmente les défaillances notées dans la maîtrise de la chaine d’approvisionnement et de commercialisation. Cette absence d’appui financier limite leurs marges de manœuvre pour saisir les opportunités offertes par la montée en puissance de la classe moyenne sur le marché national’’, renchérit Amadou Ba. Sous ce rapport, l’initiative ‘’Choose Africa’’ constitue, selon lui, à côté des efforts des organisations sous-régionales, de l’Union africaine, à travers son agenda 2063, et de la Banque africaine de développement (Bad), une ‘’réelle opportunité’’ de financement et d’encadrement des micro et moyennes entreprises.

Pour Amadou Ba, ce programme permettra ‘’d’améliorer’’ la valorisation du savoir-faire des jeunes et des femmes en Afrique, dans un partenariat gagnant-gagnant avec les entreprises étrangères, à travers la structuration des chaînes de valeur. Ceci, pour une meilleure connexion aux marchés porteurs.

MARIAMA DIEME

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