Publié le 31 May 2019 - 03:33

Dialogue et émergence

 

‘Il n’est de richesse que d’hommes’’ (Jean Bodin, 1529-1596). Cette célèbre citation  du philosophe et écrivain français n’a jamais été aussi d’actualité. L’émergence de l’économie de la connaissance et de l’immatériel, et la remontée des théories du capital humain, permettent de comprendre le rôle des individus dans le développement des nations. Selon Gary Becker (1992) l’investissement dans les hommes est une condition essentielle pour le progrès économique. Les pays doivent en effet s’attacher à leurs individus, car ils constituent leur ressource la plus inépuisable. Cet article s’attache à démontrer pourquoi la valorisation et le déploiement des ressources humaines du Sénégal est-il si urgent.

Le capital humain au cœur du capital immatériel

Le capital humain est l’une des composantes du capital immatériel. Ce dernier recouvre tous les actifs intangibles dont jouit un pays. On peut diviser le capital immatériel en trois grandes catégories : (1) le capitale image, inclut la stabilité politique, la réputation du pays[] (Mishina et alii, 2012), etc. ; (2) le capital relationnel, inclut le poids du pays sur la scène internationale, le nombre des alliés, l’étendue de ses relations externes, etc. ; (3) le capital humain, inclut les compétences du pays, (compétences détenues par les individus, savoir-faire industriel ou artisanal…), la culture locale, le caractère de la population, etc. Cependant, certains chercheurs associent systématiquement le concept du capital immatériel au capital humain (Bessieux-Ollier et Walliser, 2010), cela peut se comprendre vu que toutes les composantes du capital immatériel sont le résultat de l’effort humain, c’est ces derniers qui construisent le capital image et le capital relationnel.

Réussir les plans sectoriels et acquérir un avantage concurrentiel

Depuis  plus de deux décennies, le Sénégal s’est engagé dans des projets et programmes de développement multisectoriel : Plan d’ajustement, PPTE, GOANA, Omega, Plan d’émergence,  Programmes spécifiques.. L’aboutissement de ces programmes et la réalisation de leurs objectifs nécessite la valorisation du capital humain du pays, le seul actif capable de contenir les secrets de l’avantage concurrentiel durable, de capitaliser et développer ses métiers mondiaux. Selon les nouvelles théories du Commerce Internationale, les pays ne sont pas -naturellement- dotés des avantages comparatifs, ces derniers sont plutôt le résultat d’une volonté affirmée dans la durée et d’une construction idiosyncratique]. Les efforts en termes d’éducation, d’infrastructure et de R&D ont un rôle plus grand dans la construction des avantages comparatifs des nations.

Comme il est prévu dans ces programmes (notamment le Plan Sénégal Emergent), l’Etat a mis en place des mesures pour faire appel à l’assistance des Firmes Multinationales (FMN), en les invitant à investir dans le pays ; certainement, le flux des Investissement Directs Étrangers entrant est une opportunité, mais les IDE sont très contingents et dépendent largement des aléas politiques et économiques dans le monde, une stratégie doit donc être mise en place pour internaliser le savoir-faire apporté par les FMN et le pratiquer indépendamment de l’assistance étrangère. Cette attitude est désignée par le terme « Capacité d’absorption » (Tijani, 2011), elle permettra à notre pays de réaliser une indépendance technologique vis-à-vis des FMN. Le cap est donc mis sur la formation des ressources humaines locales.

L’insertion dans l’économie de savoir et de l’immatériel

Depuis les années 1980, la croissance économique repose sur des éléments liés au savoir et à l’immatériel tels que les connaissances, les brevets, les franchises, les services, etc. Un simple regard sur les économies des pays du sud-est asiatique permettrait de conclure que la valeur ajoutée -des produits ou des exportations- est appréciée par la contenance de technologie et de connaissance et que les économies qui se développement sont des économies qui innovent et qui « mettent » de la connaissance dans leurs outputs. L’insertion du Sénégal dans l’économie de connaissance passe par le fait de donner une place centrale au capital humain, notamment à l’éducation et à la formation tout au long de la vie, également faciliter l’accès aux NTIC. Il ne faut considérer l’économie de l’immatériel comme un branche de l’économie (qui dépend du secteur tertiaire), mais plutôt comme une économie transversale. La connaissance doit « embrasser » tous les secteurs économiques.

Finalement, le développement du capital humain revêt une importance qui dépasse les enjeux économiques ; sur le plan social, la qualification du capital humain est susceptible de réduire le taux de chômage, faciliter la transition vers la société moderne, etc. Par ailleurs, l’amélioration du classement du Sénégal dans les index des institutions économiques internationales passe nécessairement par son avancement dans l’Indice de Développement Humain..

C’est là tout le sens des appels à la  concertations nationales initiés par Son Excellence Monsieur Macky SALL  Président de la République pour un consensus national fort et dynamique.  Ce processus devra à terme permettre à notre pays de disposer, au sortir de ce mandat de rupture et de consolidation des acquis, d’un système de gouvernance qui répondra aux nombreux défis qui l’assaillent..

Cette option stratégique qui traversera nécessairement les divergences et autres considérations politiques, est à encourager et à accompagner pour les générations futures. Ceci qui  passe par la nécessité de définir une vision partagée et la communiquer.

Aussi , l’obligation d’atteindre sous peu l’objectif de  développement et la nécessité de conférer à ce dialogue un caractère inclusif, suppose la création de cadres ou commissions recoupant les orientation suivantes : politique, sécurité et NTIC, Socio-professionnel et en fin Gouvernance et Réforme.

En effet, dans un contexte en changement permanent, fonder sa stratégie uniquement sur des prévisions, c’est-à-dire la projection dans le futur de la situation actuelle n’est plus efficient. Pour orienter l’action au quotidien d’autres approches doivent être développées. Les organisations ont besoin de leaders qui définissent une vision c’est-à-dire une image volontariste et positive de l’avenir. Le fait que le leader soit orienté vers le futur plutôt que le passé est, dans ce sens, une condition indispensable. Son mode de pensée est déterminant car il oriente sa réflexion, ses émotions et ses actions. En étant proactif, il se programme pour réussir : en période de crises, il sait transformer les contraintes en opportunités pour introduire des innovations en rupture.

Une autre compétence attendue de la part d’un leader est sa capacité à donner sa dimension stratégique à un objectif. Son rôle consiste à traduire la vision stratégique en objectifs et en actions collectives et individuelles. Il permet ainsi de mettre en perspective l’avenir pour construire le présent.

Gandhi aurait « prêché dans le désert » si sa vision de l’Inde indépendante n’avait pas été une réponse à une aspiration (même latente) du peuple indien. La vision doit être partagée et proposer à chacun un enjeu stimulant qui l’invite au dépassement de soi et oriente son action au quotidien. Passer d’une vision individuelle, celle du leader à une vision partagée, celle des collaborateurs nécessite un acte conscient et volontariste. C’est la capacité du leader à mettre en perspective les représentations de la situation actuelle et les attendus de la situation souhaitée qui fera la différence. Ainsi, l’acte managérial vise le progrès tout en préservant l’essentiel pour l’organisation.

Une autre caractéristique commune reconnue aux grands leaders réside dans leur capacité à faire adhérer à leur vision : ils savent capter l’attention et les regards de leur auditoire et ils installent très vite leur présence quand ils prennent la parole. Cette présence est liée à la confiance qu’ils ont en eux-mêmes et leur capacité à mettre en cohérence ce qu’ils disent (le contenu), la manière dont ils le disent (voix, ton, rythme, volume, timbre…) et les signes non verbaux (posture, gestuelle, mimiques, regard). En effet, l’impact d’un message est non seulement lié aux mots utilisés mais également à la forme, à la façon de le faire passer d’autant plus que la communication non verbale traduit les intentions et la conviction du leader dans la réussite du projet.

Abdoulaye SECK, Economiste, Spécialiste en finance, Banque et Gestions des Risques

Ancien Conseiller à la Présidence, mail : laillesec@yahoo.fr

 

 

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