Publié le 19 May 2025 - 19:57

DIALOGUE ET RUPTURES

 

Le moins qu’on puisse dire, c’est que nos nouvelles autorités, dont on attend, qu’elles opèrent des ruptures décisives dans la manière de conduire les affaires de l’Etat, font parfois preuve d’un conformisme consternant. C’est dire que la tenue prochaine du dialogue appelle des remarques sur la forme et le fond.

LE 28 MAI, JOURNEE DE DIALOGUE OU DE DUPERIE ?

Quelle idée saugrenue de confirmer la date du 28 mai comme journée du dialogue national !

Instaurée par l’ex-président Macky Sall, cette journée prétendument dédiée au dialogue politique n’a servi qu’à entériner les forfaitures de son défunt régime.

Il faut rappeler que cette journée du dialogue national avait été instituée en 2016, au lendemain du référendum du 20 mars 2016, qui correspond au tournant, à partir duquel, on peut acter le renoncement, par l’ancien président, de tous les engagements, qu’il avait pris devant le Peuple des Assises. Il s’agit, en premier lieu de la promesse de réduction de la durée de son septennat de deux ans, qu’il avait claironnée, à travers toutes les grandes capitales occidentales, mais aussi et surtout de toutes les dispositions en faveur de la séparation et de l’équilibre des principales Institutions.

Il faut dire que son projet de réforme constitutionnelle, voté par 62,54% des électeurs et ne contenant essentiellement que des modifications insignifiantes voire pernicieuses, n’avait été approuvé que par moins d’un sénégalais sur quatre, en raison du faible taux de participation.

Depuis cette période, le pouvoir de Benno Bokk Yakaar devenu minoritaire ne s’est maintenu au pouvoir, que grâce à des combines et stratagèmes avalisés par ces fameux dialogues. On a ainsi procédé à des tripatouillages systématiques du code électoral et/ou de la charte fondamentale, pour diverses raisons, dont l’éviction ou la réhabilitation de leaders politiques de l’Opposition, en leur déniant (ou leur restituant) leur qualité d’électeur ou l’adoption d’une loi sur le parrainage, déclarée illégale par la cour de justice de la CEDEAO.

Enfin, cerise sur le gâteau, le dialogue de Diamniadio, summum de l’illégalité et de la défiance envers la Loi, a entériné le report de l’élection présidentielle du 25 février 2024, montrant, de manière caricaturale, à la face du monde, la nature anti-démocratique du régime de Macky Sall.

En définitive, les pseudo-dialogues de l’ère Benno Bokk Yakaar étaient plus un piège à cons ou un marché de dupes, permettant à certains politiciens véreux de rejoindre les prairies beige-marron ou d’être admis au banquet électoral, au prix de compromissions douteuses.

UN DIALOGUE CONFINE AUX QUESTIONS ELECTORALES

A examiner les termes de référence du dialogue national sur le système démocratique, on se rend compte, que même dans le fond, ce dialogue ne diffère pas foncièrement des précédents, qui avaient essentiellement pour vocation d’insuffler un nouvel élan à un système décadent. On se rappelle, que devant des Assisards impatients de voir le nouveau projet de constitution de la Commission Nationale de Réformes des Institutions (CNRI) soumis à référendum, le ministre-conseiller juridique du président Sall avait rétorqué que le vénérable Amadou Mahtar Mbow et son équipe avaient outrepassé leurs prérogatives. Et Mr Ismaila Madior Fall, de poursuivre, occultant les révoltes citoyennes de 2011-2012, que « le Sénégal n’est pas dans une situation de crise, de rupture ou de révolution nécessitant une refondation de l’Etat et de l’ordre constitutionnel ».

Comment se fait-il que plus de 13 ans après, au lendemain de ce qui est généralement admis comme étant une révolution démocratique consécutive à des actions quasi-insurrectionnelles, où l’ancien système moribond doit céder la place à l’anti-système, on retrouve la même logique, qui avait inspiré le précédent régime ?

Qu’est ce qui peut donc expliquer cette méfiance maladive à l’endroit du processus de refondation institutionnelle ?

Le camp patriotique et ses alliés ont tout à gagner en changeant de paradigme, en sortant de la logique « électoraliste » qui transparaît, de bout en bout, dans le document des termes de référence.

Il ne s’agit plus simplement de réanimer une démocratie électorale agonisante mais d’instaurer une thérapie de choc pour éradiquer les causes réelles et profondes du « mal-être démocratique », qui bien qu’universel, a une résonance particulière dans nos pays.

RENOUER AVEC L’ESPRIT DES ASSISES

Et pourtant, le duo Diomaye-Sonko semble conscient de la nécessité et de l’urgence de mettre en œuvre des réformes institutionnelles. Dès leur installation, ils se sont attaqués au secteur de la Justice, en organisant des Assises. Ils semblent maintenant vouloir confiner le dialogue national sur le système politique au processus électoral, en essayant de juguler les signes externes de dysfonctionnement, tout en occultant les causes profondes.

Avec une approche aussi fragmentaire, il sera difficile pour les nouvelles autorités de mener à bien la noble entreprise de refondation institutionnelle figurant, depuis plus de 25 ans, en première place de l’agenda politique des patriotes et démocrates de notre pays.

Quid de la question des droits et libertés, dont l’Opposition semble vouloir faire un fonds de commerce, précisément, parce que sentant que c’est le talon d’Achille du nouveau régime préférant parfois rester dans l’illusoire zone de confort d’une violence d’Etat légitime ? Sinon, qu’est ce qui les empêche d’abroger les lois liberticides, de protéger les libertés de manifestation et d’expression, de traiter le secteur de la Presse avec la même bienveillance que le secteur religieux, de s’attaquer à l’hyper-présidentialisme, de revoir le mode de scrutin majoritaire à un tour (raw gaddu), de promouvoir la démocratie participative…

Toutes ces questions ont un début de réponse dans le projet de constitution et les recommandations de la CNRI repris par le pacte de bonne gouvernance démocratique signé par au moins douze des dix-neuf candidats de la dernière présidentielle, dont Bassirou Diomaye Diakhar Faye.

En somme, toute la question est de savoir s'il s'agit d'un dialogue de rupture ou de rafistolage.

NIOXOR TINE

Section: 
Politique carcérale et droits des détenus au Sénégal
Lettre ouverte à Son Excellence Bassirou Diomaye Diakhar Faye Président de la République du Sénégal : De la gestion désastreuse du foncier : Le dépeçage de MBANE continue avec l’agro-business  
GUY MARIUS SAGNA, LE COL BLEU DE L’HEMICYCLE
Conflits armés au Moyen Orient ou dans le monde : Quelles solutions durables de paix ?
Robert BOURGI, le cokseur qui l’a raté, avec les dirigeants actuels de notre pays
Le Sénégal va mal : Entre morosité et rhétorique politicienne
LE MONDE SE FERME : À l’Afrique d’ouvrir la voie
Quelle reforme pour le code du travail au Sénégal
Macky Sall, PASTEF et la vérité qu’on refuse de dire
Colloque du Gingembre Littéraire : vers une justice postcoloniale ? : Le Portugal face à ses responsabilités historiques
LEOPOLD SEDAR SENGHOR  PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE du SÉNÉGAL : RAPPEL HISTORIQUE
Le Phosphate Sénégalais : Un Levier de Croissance Économique ?
REDUCTION DE L'AIDE PUBLIQUE AU DEVELOPPEMENT : Quels impacts et quelles alternatives pour les pays africains ?
L’innovation militaire au Sénégal : Entre ambition et précautions
Oignons et pommes de terre : Les prix s’envolent, la spéculation commence à s’installer, et les mesures prises semblent ne pas convaincre
La candidature de M. Hott à la présidence de la BAD
Election de Sidi Ould Tah a la tête de la Bad : Soit une preuve d’amnésie, de tolérance des noirs africains ou de grand enfants
Macky SALL À L'ONU : DE L'URGENTE NÉCESSITÉ DE SOUTENIR SA CANDIDATURE !
Zone CFA : Trois forces financières mondiales à surveiller de près !
Sénégal, pays de paradoxes