Publié le 1 Oct 2020 - 03:36
EAU, SANTE, EDUCATION, ELECTRICITE…

Vers une plus grande privatisation

 

Après la distribution de l’eau, le Sénégal compte aussi privatiser davantage la production de l’électricité, la santé, l’éducation….

 

C’est l’ère des privatisations tous azimuts. Le Conseil présidentiel, tenu hier à Diamniadio, a été l’occasion, pour le président de la République, de tracer le nouvel agenda du Sénégal en matière économique. A cette occasion, dans un contexte de relance économique à travers le PAP (Plan d’actions prioritaires) 2 ajusté et accéléré, le président Sall a lancé un vibrant plaidoyer en faveur de l’investissement privé.

Parlant du secteur névralgique de la santé, le président de la République affirme : ‘’Il faut se tourner vers les PPP (partenariat public-privé). Et quand je dis PPP, ce n’est pas comme ce qui se passe à Touba avec l’hôpital Matlaboul Fawzeyni. Là, à la limite, c’est un partenariat public et semi-public’’, ironise-t-il, avant d’ajouter : ‘’Il nous faut des privés qui peuvent aller lever des financements sur le marché et venir investir. Cela évitera à l’Etat d’aller s’endetter pour investir dans le domaine. C’est aussi ça le but des PPP. Sinon, l’endettement devient intenable pour l’Etat. On m’a parlé d’un projet à Saint-Louis avec des Américains. J’espère que cela va aboutir.’’

Pour le chef de l’Etat, il n’y a pas de doute qu’un hôpital privé performant va être une entreprise rentable. ‘’Nous voyons tous les jours des gens qui partent à l’étranger pour des bilans et autres… Et c’est payé cher. Pourquoi ils ne le paieraient pas ici ? Mais c’est à condition d’avoir un service qui fonctionne H24’’, souligne-t-il, espérant le même engagement dans le domaine de l’industrie pharmaceutique. Ce qui ne saurait être possible sans des réformes majeures dans le secteur.

‘’Il faut, estime-t-il, créer les conditions d’un investissement plus conséquent dans le secteur de la santé : cliniques, hôpitaux privés…’’.

Dans le domaine de l’enseignement, le processus a été enclenché depuis longtemps. L’heure est surtout aux évaluations et au renforcement. Il annonce : ‘’C’est comme les écoles privées. On n’a pas beaucoup parlé de l’enseignement privé, mais c’est aujourd’hui presque 1/3 des effectifs. Combien l’Etat met dans ce tiers ? Combien il met dans les 2/3 qui sont dans le public ? Ce sont des réflexions importantes à mener, pour pouvoir accompagner, de façon convenable, le secteur privé, même dans ces secteurs sociaux.’’

Pour ce qui est de l’agriculture, le président de la République ne manque plus d’occasion pour lancer un appel aux privés, nationaux comme étrangers. Il dévoile ses ambitions dans le cadre du Pap2 accéléré et ajusté. L’Etat, selon Macky Sall, va poursuivre sa politique d’accompagnement de l’agriculture vivrière. ‘’Pour matérialiser cette option, dit-il, nous attendons la mobilisation globale du secteur privé. Cette contribution est attendue à hauteur de 4 770 milliards F CFA, d’ici à 2023. C’est 39 % des investissements à réaliser sur la période du Pap2 A’’.

Ce sera, sans doute, l’occasion de corriger les erreurs commises dans la première phase du PSE et qui ont mené à l’échec des politiques d’autosuffisance alimentaire, en 2017-2018. ‘’Nous savons maintenant pourquoi on n’a pas atteint l’objectif. Grâce au développement de la riziculture pluviale, nous pourrions atteindre plus vite l’autosuffisance. Encore qu’on n’a aucune maitrise sur la pluviométrie. S’il pleut, on fera de bonnes récoltes, sinon c’est la catastrophe pour l’agriculture. Il faut donc aller vers plus d’irrigation, au moins 40 %. Je pense que c’est possible pour maitriser davantage ce secteur’’.

L’Etat, pour sa relance, mise aussi sur la pêche : pêche maritime, mais aussi pêche continentale et l’aquaculture. Dans ce sillage, le président de la République a lancé un appel pour le développement des cultures fourragères. ‘’Il faut aider les éleveurs à dépasser des vaches qui font deux litres pour des vaches qui pourront faire 10 litres au moins. Pour ce faire, il faut, en sus des cultures fourragères, développer l’insémination artificielle et l’amélioration génétique’’, soutient le président de la République.

L’appel au privé national 

Dans le domaine de l’énergie, l’accélération de la privatisation de la production a commencé depuis 2012. ‘’Dès que je suis arrivé, j’ai dit plus de production par la Senelec. Toute la production va être laissée aux IPP. Ces derniers nous ont permis de mobiliser très vite 1 200 milliards que l’Etat ne pouvait emprunter pour le seul secteur de l’électricité. C’était difficile, parce que les gens étaient dans une logique de dire : la Senelec peut le faire, elle a les ingénieurs…’’.

A l’heure du bilan, le gouvernement ne semble pas avoir de regrets. Mieux, il s’engage dans une nouvelle phase de privatisation, mais avec le privé national, cette fois. ‘’Je veux associer les nationaux dans la production. Et il y a une première expérience qui est en phase de finalisation, avec une IPP nationale qui va nous produire 300 MW. Un second IPP est en projet dans le Nord, avec British Petroleum’’.

Selon le président Sall, au bout de sept ans, l’Etat a revu ses ambitions et accordé la Senelec à participer comme actionnaire dans les IPP, à hauteur de 15 %.

Actionnariat Sen-Eau, autoroute à péage : l’Etat cherche preneurs  

Avec tous ces projets en ligne de mire, le chef de l’Etat invite le secteur privé à s’organiser davantage. Il donne l’exemple du secteur de la distribution de l’eau et de l’autoroute à péage où l’Etat porte encore des actions destinées au secteur privé national. Il informe : ‘’Je suis bloqué, parce que je ne sais pas comment distribuer. Je ne veux pas qu’on m’accuse de favoritisme. Sur l’eau, nous avons 45 % qui sont toujours portés par le Fonsis, mais une bonne partie doit revenir au secteur privé. Pour l’autoroute à péage, également, nous avons 25 % à distribuer. On a mis le Fonsis en attendant, mais si le secteur privé s’organise, on va leur céder ça.’’

En fait, le chef de l’Etat souhaite le même schéma qui a été mis en place pour le port. Le président Sall explique : ‘’Pour le port, il y avait sept groupements sénégalais, chacun avec son partenaire étranger. J’ai dit non. Il faut les mettre tous ensemble pour avoir un consortium national. A charge pour ce consortium d’aller chercher un partenaire extérieur. Et cela a été fait. C’est comme ça que nous pourrions mettre du contenu dans le contenu local. Avec méthode et perspicacité, on peut arriver à des choses sur les concessions, les secteurs minier, pétrolier… Sinon, ce n’est pas possible’’.

Cela dit, le président de la République a relevé un autre problème qui se pose dans le cadre du choix des actionnaires de Sen-Eau. ‘’La question de fond qui se pose est comment choisir ce secteur privé ? Est-ce qu’on doit choisir les mêmes à chaque fois, leur donner toutes les richesses du Sénégal ? Il faut des mécanismes transparents. C’est ça mon problème. Bou nii mossee, après niennen moss (il ne faut pas toujours choisir les mêmes). On ne peut choisir les mêmes, tout le temps. Ce ne serait pas juste’’.

Mor AMAR

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