Publié le 1 Apr 2021 - 21:36
ELECTIONS LOCALES

Le nouvel ultimatum de la majorité

 

Après plusieurs rendez-vous manqués, le régime promet finalement d’organiser les élections locales au plus tard le 27 février 2022. Jusque-là, tous les scénarii déployés semblent mener vers un couplage au moins des Législatives-Présidentielle, pour fuir le spectre d’une cohabitation.

 

Après décembre 2019, mars 2021, maintenant c’est février 2022 au plus tard. Et il faut vraiment y croire, parce que promis par les services du ministère de l’Intérieur. Les mêmes qui avaient donné les précédentes dates. Cette fois, les justifications sont relatives, d’une part, à la demande d’audit du fichier électoral ; d’autre part, à la Covid-19 qui a retardé les travaux du dialogue national.

En commission technique hier, les services d’Antoine Félix Diome ont plaidé pour une tenue des élections départementales et municipales au plus tard le 27 février 2022. Selon leurs explications, les simulations ont montré que tous les préalables, dont l’audit et l’évaluation du fichier, la révision des listes électorales, devraient pouvoir se faire au plus tard à cette nouvelle date butoir. ‘’Rien n’empêche de tenir les élections, si l’on parvient à terminer le processus avant’’, ont-ils précisé devant les parlementaires.

Naturellement, le report des élections a pour corollaire la prorogation des mandats des élus locaux. Lesquels sont en poste depuis 2014, juste pour une durée légale initiale de 5 ans. Alors qu’ils devaient se soumettre, à nouveau, à leurs électeurs depuis juin-juillet 2019, ils continuent de profiter des privilèges que leur confère leur statut, à cause de ces multiples prorogations.

Spectre d’un quatrième report

Les populations vont ainsi devoir prendre leur mal en patience jusqu’en 2022, soit presque 8 ans de mandature aux élus actuels. Le pire, c’est que tout laisse présager que les élections territoriales pourraient encore être repoussées pour une quatrième fois.

En fait, la question qui se pose de plus en plus est de savoir si le régime actuel veut aller à ces joutes électorales. Dans une émission sur Sen TV, Maitre El Hadj Diouf, membre de la majorité présidentielle, disait : ‘’Il y a quelque chose qui me fait peur dans son discours (de fin d’année du président de la République). Demandez-moi c’est quoi ?’’ Sans attendre la question, il enchainait : ‘’C’est quand il (Macky Sall) dit que tant que le fichier ne sera pas révisé, il n’y aura pas d’élections. Cela me fait peur, car lui-même a dit, en réunion de Benno Bokk Yaakaar, qu’il ne veut pas d’élections jusqu’en 2024. C’est extrêmement grave. Il ne veut pas d’élections sous le prétexte fallacieux de vouloir rationaliser le calendrier électoral.’’

A en croire l’ancien député, il n’y croyait pas, mais à entendre le discours du chef de l’Etat, il ne pouvait plus continuer de garder le silence. ‘’Je ne voulais pas trahir le secret. Mais quand il parle de la sorte, je ne peux m’empêcher de penser à ce qu’il avait dit. Et ça, je ne peux l’accepter. Macky Sall ne veut, en réalité, aucune élection. Ces gens prennent les Sénégalais pour des demeurés’’, commentait-il.

Selon lui, l’opposition a été piégée, en acceptant de lier l’organisation des élections à l’évaluation du fichier électoral. ‘’Il n’y a rien dans le fichier. Le vrai débat, c’était la suppression du parrainage. Pas le fichier qui a permis à l’opposition de gagner certaines localités, lors de la dernière Présidentielle. Si les Sénégalais le laissent faire, il n’y aura ni élections territoriales ni législatives avant 2024’’.

Selon nos interlocuteurs, en tout cas, il faut retenir qu’il est impossible de tenir les élections départementales et municipales avant 2022. Quant aux services du ministère de l’Intérieur, ils soutiennent que les projections font état de l’organisation des élections au plus tard à la date sus-indiquée.

Hier, les travaux de la commission en charge des lois se sont déroulés sans heurt. Comme à l’accoutumée, les députés de l’opposition ont brillé par leur absence. Seuls trois dont Cheikh Abdou Mbacké, Mor Kane et Marie Sow Ndiaye étaient présents. Malgré l’importance capitale de l’ordre du jour. Tous les autres attendant certainement la plénière et la présence des médias pour faire leur show.

Outre la trentaine de députés, étaient présents Antoine Félix Diome, la Direction générale des élections, la Direction des affaires générales et de l’administration du territoire, la Direction de l’automatisation des fichiers, entre autres. La rencontre a démarré vers les coups de 15 h 30, pour prendre fin deux heures plus tard.

Phobie de la cohabitation

Dernièrement, les parties prenantes au dialogue politique s’étaient montrées inconciliables, à cause de cette question du report des élections locales. Alors que les représentants de l’opposition, des non-alignés et de la société civile tablaient sur l’organisation des élections en fin d’année, la majorité escomptait, elle, 2022. Selon leur représentant Cheikh Sarr, techniquement, 2021 était impossible. Il expliquait : ‘’L’évaluation doit débuter le 1er avril. Dans le document de référence remis aux évaluateurs, il est inscrit que l’évaluation doit se faire entre 90 et 120 jours. Après l’audit, il y aura des recommandations qui seront discutées au niveau de la commission politique. Ajoutons à cela les discussions sur les points suspendus au niveau du dialogue (parrainage citoyen, bulletin unique, etc.). Cette étape risque de nous prendre au moins un mois…’’

S’il y a un consensus, faisait-il remarquer, le gouvernement fera un projet de loi qui passera par l’Assemblée nationale. ‘’On devra même changer le Code général des collectivités territoriales, puisqu’il y a des accords qui concernent le mode d’élection du maire. Cette période va nous prendre plus d’un mois’’, insistait l’expert, en invoquant même les projections de la DGE, qui parle d’un délai de 11 mois pour accomplir toutes les formalités.

Il faut rappeler que jusque-là, tous les scénarios déployés par la majorité semblent aboutir à un couplage au moins de la Présidentielle et des élections législatives. La majorité semble, en effet, avoir une phobie d’une cohabitation, en cas d’élections législatives avant 2024.  

MOR AMAR

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