Publié le 23 Sep 2012 - 23:02
EN VÉRITÉ-HUGUETTE LABELLE PRÉSIDENTE DE TRANSPARENCY INTERNATIONAL(Troisème et dernière partie)

«Contre la corruption, il est temps de passer à l'action»

 

 

 

Avez-vous senti, chez le président de la République, de la détermination à lutter contre la corruption ?

 

Il est évident que la corruption est apparue dans nos discussions comme un fléau qui mérite d'être détecté et traité. Quand je dis traité, cela veut dire pour nous qu'il faut passer à l'action rapidement, d'autant plus que le Parlement sénégalais est désormais en place. La question des biens mal acquis fait partie des priorités. Notre point de vue est de s'assurer que le gouvernement sénégalais veille à ce que les forces vives de la corruption ne ralentissent pas le processus dans ce secteur. J'estime que les populations sénégalaises et les organisations de la société civile doivent continuer de rappeler que le mandat que le gouvernement s'est donné sur cette question ne doit pas être mis de côté.

 

Une partie de l'opinion craint en effet des velléités de ralentir la machine lancée contre les auteurs d'infractions ?

 

Je crois qu'il est un peu tôt pour soutenir une telle affirmation, mais le Forum civil est mieux outillé que moi pour faire des commentaires à ce sujet. Ce que je vous ai dit tout à l'heure est très important : il est vital que les autorités passent à l'action pour résoudre les problèmes de gouvernance et de corruption. A mesure que les mois et les semaines passent, il va être de plus en plus difficile de faire bouger les lignes. Je vous assure qu'après neuf ou dix mois, il devient très dur de faire quoi que ce soit.

 

Pourquoi ?

 

Parce que les corrupteurs ont beaucoup d'argent ! Ils sont très sophistiqués, ont accès à une multitude de ressources, savent utiliser tous les moyens à leur disposition y compris le système judiciaire, pour bloquer les enquêtes.

 

C'est une course de vitesse ?

 

Absolument, mais il est fondamental que le travail soit bien fait par les autorités en ce qui les concerne. Le Forum civil est en train d'accompagner ce processus à plusieurs niveaux, comme dans la formulation des lois susceptibles d'être posées en frein contre la corruption et la non transparence.

 

Quelle image avez-vous du pays en matière de corruption ?

 

Le Sénégal se situe au 112e rang mondial sur 180, soit au bas de la moyenne. Il y a donc énormément de travail à faire. Par ailleurs, je pense que c'est un pays que la communauté internationale doit appuyer pour deux raisons. D'abord, il jouit quand même d'une bonne stabilité par rapport à d'autres de la sous-région ouest-africaine, mais il possède un taux de chômage très élevé, surtout chez les jeunes. Et ça, c'est de la dynamite, c'est une bombe ! L'enjeu est donc de faire en sorte que les jeunes retrouvent le plus rapidement possible des emplois créés à partir des investissements publics et par le secteur privé, que les jeunes acquièrent un niveau d'éducation élevé. Il faut se rappeler que le Sénégal est aujourd'hui entouré de pays troubles. On pensait que le Mali était un pays stable, on a vu ce qui y est arrivé ! Avec ce qui se passe dans la zone saharo-sahélienne, les trafics illicites de drogues, d'armes, de personnes, etc., et tout autour, je pense qu'il est du devoir de la communauté internationale de soutenir ce pays en matière de bonne gouvernance car c'est un moyen d'en assurer la stabilité pour l'avenir en le rendant prospère, mais dans l'équité.

 

Il y a souvent des contestations dans l'établissement des indices de perception de la corruption, notamment au Sénégal ?

 

Dans un premier temps, il faut voir que les pays qui réussissent bien dans la lutte contre la corruption ne se plaignent pas. En bas de l'échelle, vous constatez que ce sont des pays qui ne disent rien car ils ne fonctionnent plus ou presque plus. C'est le cas de la Somalie, du Soudan, la Corée du Nord, pour ne citer que quelques exemples. Ce sont les autres pays situés en bas de la moyenne qui protestent le plus. Certains disent en effet ne pas comprendre le système de notation. Ce qu'il faut dire ici, c'est que Transparency international dispose de très grands méthodologistes et statisticiens qui affinent chaque années ces indices de perception pour arriver à une plus grande objectivité dans les résultats en s'appuyant sur des sources et documents fiables autant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger. En plus, nous utilisons un minimum de trois études qui nous garantissent des résultats très souvent en conformité avec ceux de la Banque mondiale, des Nations-Unies, etc., ce qui aboutit à peu près au même rang pour un pays donné. D'ailleurs, le Sénégal se situe à un niveau plus bas dans l'indice de développement humain que dans l'indice de perception de la corruption. A côté de l'indice, nous avons le baromètre qui va plus loin et qui est plus pointu. Il ne donne pas un indice comme tel, mais qui, pour chaque pays, il établit comment la population détermine les secteurs les plus corrompus.

 

Quels sont vos rapports avec la Banque mondiale ?

 

Nous travaillons avec elle pour qu'elle joue un plus grand rôle de leadership dans la bonne gouvernance. Nous voulons nous assurer que la Banque mondiale travaille dans un pays pour arriver à changer des situations qui méritent d'être changées et qu'elle n'accepte pas d'investir dans des pays où les gouvernements sont très corrompus et où l'argent n'est pas mis au service des populations. D'où la pertinence des plans anti-corruption. Nous avons également réalisé des efforts pour que le système d'investigation de la Banque mondiale soit beaucoup plus financier qu'il ne l'était auparavant, qu'elle publie les noms des entreprises et des personnes qui sont sur les listes noires de la corruption – ce qu'elle a d'ailleurs bien commencé à faire depuis – afin que l'opinion et d'autres instances sachent que ces entités là ne peuvent plus postuler à des marchés pour un certain temps. Avant, la Banque mondiale établissait cette liste et la remettait au pays concerné.

 

MOMAR DIENG

 

 

AVERTISSEMENT!

Il est strictement interdit aux sites d'information établis ou non au Sénégal de copier-coller les articles d' EnQuête+ sans autorisation express. Les contrevenants à cette interdiction feront l'objet de poursuites judiciaires immédiates.

 

 

 

Section: