Publié le 27 Jan 2020 - 22:57
FONCTION PUBLIQUE LOCALE

Les secrétaires municipaux n’en veulent pas 

 

La Fonction publique locale a été consacrée par l’adoption de la loi portant création du statut général des fonctionnaires, en 2011. Avant sa mise en œuvre, le ministre des Collectivités territoriales a entrepris une tournée dans les régions du pays, pour rencontrer les acteurs et leur expliquer les contours de cette Fonction publique locale dont les secrétaires municipaux ne veulent pas entendre. Oumar Guèye les rassure.

 

La Fonction publique locale n’a pas la cote, chez les secrétaires municipaux. Ces anciens assistants communautaires l’ont signifié au ministre des Collectivités territoriales, du Développement et de l’Aménagement du territoire qui présidait, ce samedi, un comité régional de développement (CRD) spécial sur la Fonction publique locale.

D’ailleurs, lorsque Mme Fatou Binetou Camara Fall, la directrice des Collectivités territoriales, a fini d’exposer les contours de cette Fonction publique locale, plusieurs secrétaires municipaux sont sortis de la salle de réunion du conseil départemental, parce que déçus des propositions contenues dans la loi et des décrets d’application y afférents. Ils ne peuvent pas comprendre, encore moins accepter que leurs salaires soient revus à la baisse.

Mieux, contrairement à la sécurisation des emplois dont il est question dans la loi créant la Fonction publique locale, les secrétaires municipaux, dont la plupart seront des commis d’administration, sont laissés à la merci des maires qui peuvent décider ou non de leur maintien. Aliou Ka, Secrétaire municipal de Kael, porte-parole de ses collègues, de dire au ministre : ‘’Nous fondions beaucoup d’espoir sur la Fonction publique locale. Mais, à la présentation et aux résultats de la commission ad hoc, si vous remarquez, la plupart de mes collègues sont sortis de la salle, parce que déçus. Depuis 2000, toute une génération a consacré toute sa carrière aux collectivités locales. Monsieur le Ministre, je vais vous rappeler ce que le vieux avait dit à Senghor en tournée à Dahra : ‘Est-ce-que nous n’allons pas retourner à la colonisation ?’ Pourquoi je le dis ? C’est parce que la convention collective qui nous régit présentement est meilleure que ce qu’on nous propose dans la Fonction publique locale. Ce qu’ils veulent, c’est rétrograder les salaires des secrétaires municipaux et des agents des collectivités territoriales.’’

Le secrétaire municipal de la commune de Kael d’ajouter : ‘’Nous n’avons pas de retraite, encore moins de prise en charge médicale. On nous avait dit qu’on devait être classés hiérarchie B. Maintenant, on sera classé dans la hiérarchie C. La Fonction publique locale, c’est presque 95 % d’agents qui sont d’anciens assistants communautaires reclassés par la commission ad hoc comme des commis d’administration. Alors que nous avons des diplômes professionnels. On nous propose des salaires vraiment très dérisoires, au moment où nous avons nos contrats à durée indéterminée avec les communes. Je parle le cœur meurtri. Nous ne pouvons pas accepter qu’on soit intégrés comme des commis d’administration, alors que nous pouvons être des secrétaires d’administration ou des chargés d’affaires locales.’’

Ce mal vivre des secrétaires municipaux préoccupe le 2e adjoint au maire de Keur Samba Kane. ‘’On note des arriérés de salaire chez plusieurs secrétaires municipaux’’, se désole Aliou Ka.

L’autre préoccupation des participants, est le statut de l’élu local et le recrutement des agents des collectivités territoriales. Pour le maire de Touba Moutoupha, ‘’il faut encadrer les recrutements qui (à son avis) à doivent faire l’objet d’un appel à candidatures’’. Les participants ont aussi soulevé la difficulté de respecter, dans les deux années, l’organigramme proposé par le ministère pour les collectivités territoriales.

Le ministre Oumar Guèye : ‘’Il n’y a pas d’inquiétude à avoir’’

Sur les inquiétudes des secrétaires municipaux, la directrice des Collectivités territoriales a répondu : ‘’Il y aura des indemnités qui vont compenser la différence qui existe entre les salaires perçus actuellement et ceux qui seront reversés dans la Fonction publique locale.’’ A sa suite, le ministre Oumar Guèye a confié : ‘’La Fonction publique locale, depuis plusieurs années, peine à être mise en œuvre. Nous allons passer au peigne fin la problématique de la Fonction publique locale, l’ensemble des 13 décrets plus la loi qui a été votée en 2011 pour implémenter cette Fonction publique locale dans les collectivités territoriales. Sans une bonne compréhension de cette Fonction publique locale, il sera difficile de concevoir sa mise en œuvre.’’

Ensuite, le ministre a listé les avantages de cette Fonction publique locale. ‘’C’est la sécurisation de l’emploi. La Fonction publique locale donne aux travailleurs un certain nombre de droits, de sécurité, d’assurance, de retraite, de cotisation au niveau du système de retraite. Nous encourageons beaucoup les collectivités territoriales à signer des contrats avec les travailleurs, dans le cadre de la mise en œuvre de la Fonction publique locale. Il ne s’agit pas de perdre des avantages, même s’il y a des seuils dans la Fonction publique locale. Si un employé avait un salaire d’un certain niveau, il y a la compensation directe avec le maire qui vient pour faire en sorte que le revenu net du travailleur recruté au niveau de la Fonction publique locale ne change pas. De ce point de vue, il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Il faut ajouter à cela la sécurité qu’offre la Fonction publique locale’’.

Interpellé sur les 2 000 agents qui n’ont pas été recensés lors de l’audit, Oumar Guèye a répondu : ‘’Sur les 11 000 agents recensés dans les collectivités territoriales pendant l’audit, 9 605 ont été proposés à la Fonction publique locale suivant, leurs diplômes. Quand il y a un audit, cela veut dire que ce sont ces 9 000 qui entrent en droite ligne avec les critères qui permettent de recruter. Ces personnes, si elles le souhaitent, peuvent être recrutées dans la Fonction publique locale. N’oubliez pas que ce n’est pas une obligation d’être recrutée dans la Fonction publique locale.

La Fonction publique locale présente des avantages que n’offrent pas les autres systèmes de recrutement qui existent au niveau des collectivités territoriales. Quand quelqu’un est recruté dans la Fonction publique locale, il y a forcément une évolution, avec l’ancienneté, les grades. Ce n’est pas un salaire qui est figé, comme c’est le cas également pour la Fonction publique de l’Etat où, régulièrement, le président de la République, Macky Sall, accorde souvent certaines augmentations de salaire.’’

Boucar Aliou Diallo

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