Publié le 11 Oct 2019 - 22:57
GOUVERNANCE TERRITORIALE

La hantise d’une pénurie de terres

 

Spéculation foncière, mauvaise tenue de l’état civil, aménagement anarchique du territoire, Macky Sall a exprimé, hier, ses inquiétudes devant les élus locaux.

 

Le président de la République est le citoyen le mieux informé, a-t-on l’habitude de dire. Sans doute ! Et si tel est le cas, il devient plus qu’urgent de prendre à bras le corps la question foncière pour éviter que le pire ne se produise dans le pays. Dernièrement, dans des sorties successives, le chef de l’Etat a, en effet, montré combien cette question menace la stabilité du pays. Après avoir révélé récemment, à l’occasion du 31e Congrès des notaires d’Afrique, que 90% des alertes de conflits qui lui parviennent sont relatives à la gestion foncière, Macky Sall en a remis une couche, hier, mettant les collectivités locales face à leurs responsabilités. Il déclare : ‘’Nous avons un sujet qui fâche, c’est un sujet difficile. C’est la question foncière. Bougn ko wakhee reck, gars yi nee tekk (dès qu’on l’aborde tout le monde se tait)’’, ironise-t-il d’emblée devant les élus locaux hilares. Macky Sall enchaine : ‘’C’est (le foncier) le principal facteur d’instabilité au niveau national, en milieu urbain comme en milieu rural. On peut comprendre dans la région de Dakar qu’il y ait une pression foncière. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons créé Diamniadio pour désengorger la capitale...’’

Si le président de la République insiste tant sur une telle question, c’est qu’au rythme où vont les choses, le Sénégal risque de se retrouver dans une situation où toutes les terres seront privatisées. Et l’Etat se retrouverait ainsi dans une situation où il serait dans des difficultés de trouver des terres même pour construire des infrastructures. Dès lors, affirme le président de la République, ‘’une réflexion sérieuse doit être faite entre l’Etat et les collectivités locales pour que le pays ne vive pas ce qu’ont vécu certains pays en Afrique australe, que toute la terre soit privatisée’’. Mais cette ère semble déjà avoir sonné. Du moins dans certaines zones, surtout dans Dakar et environ. A Pikine comme à Guédiawaye, Macky Sall souligne : ‘’Dès fois vous voulez construire des infrastructures mais il n’y a pas de terrains disponibles. Pas de terrain pour un hôpital, pas de terrain pour un lycée… Si on continue comme ça à faire la spéculation foncière, à vendre tous les terrains qui existent, on ne s’en sort pas parce que tout va rentrer dans le domaine privé. Il faut qu’on réfléchisse très sérieusement sur cette question, revoir comment il faut distribuer les terres’’.

Ainsi donc, cela semble être un virage à 180 degrés si l’on sait qu’à son accession à la magistrature suprême, le chef de l’Etat avait pris plusieurs initiatives dans le cadre de la réforme foncière et dont le but était d’instaurer plus de privatisation de la terre. Maintenant, il  déclame : ‘’Il ne faut pas donner toutes les terres. Tôt ou tard, nous sommes obligés de prendre des mesure de sauvegarde pour les générations futures’’.

Autre question qui préoccupe au plus haut point le chef de l’Etat c’est celui de la gestion de l’état civil qu’il lie avec la problématique sécuritaire. Selon le chef de l’Etat, avec le développement du terrorisme, la question de l’état civil devient centrale. ‘’Il faut que cette question soit enfin stabilisée sur toute l’étendue du territoire’’. Par ailleurs, Macky Sall semble bien avoir trouvé la source des inondations et compte attaquer le mal à la racine pour que jamais le Sénégal n’ait à revivre les mêmes situations dans le moyen et long terme. ‘’Il faut, fait-il savoir, un plan national d’aménagement du territoire sur lequel doivent s’adosser tous les autres plans. Ici, c’est le désordre total. On ne planifie pas, on ne gère pas. On fait du pilotage à vue et cela nous rattrape. Toutes les inondations que nous vivons découlent d’un manque de planification et d’aménagement antérieur’’.

Afin de résoudre cette question, il préconise : ‘’Je demande au ministre Oumar Guéye de mettre en place une commission avec les deux ordres de collectivités locales ou avec l’UAEL pour me soumettre, avant la fin de l’année, vos réflexions et propositions auxquelles j’apporterai des réponses au cours d’un conseil présidentiel sur la décentralisation’’.

TERRITORIALISATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Opération de charme du Président envers les élus locaux

Hier, au Centre international de conférence Abdou Diouf, le président de la République a dévoilé ses grandes ambitions pour les collectivités territoriales.

MOR AMAR

Un temps nouveau souffle sur le ‘’royaume’’ du Président Macky Sall. Face aux élus locaux de tous bords, hier, il est largement revenu sur ses initiatives majeures en cette nouvelle ère qui s’ouvre sur le Sénégal selon ses dires. Ainsi, les nouveaux termes en vogue sont : PSE jeunesse, PSE économie sociale et solidaire, PSE femmes, PSE société numérique inclusive qui prépare la société sénégalaise aux défis des sociétés du futur et PSE vert pour la reforestation durable du Sénégal. ‘’Je compte sur les élus pour reverdir le Sénégal et pour nettoyer nos villes et campagnes en vue d’avoir un Sénégal propre’’, informe le président de la République.

Investir sur la jeunesse, estime le chef de l’Etat, c’est investir sur l’avenir, car 63% de la population a moins de 25 ans. Pour relever le défi de la formation et de l’épanouissement de la jeunesse, il réitère sa volonté de construire un Centre de formation professionnel moderne dans chaque département du Sénégal. Ce n’est pas tout. Dans ce volet PSE jeunesse, Macky Sall souhaite aussi construire une maison de la jeunesse et de la citoyenneté dans chaque département ‘’pour aider les jeunes à développer leurs talents et mettre à leur disposition des outils créatifs et d’éveil autour de notre patrimoine culturel’’.

Le président de la République a aussi rappelé les trois grands programmes sectoriels du plan d’action prioritaire du PSE. Il s’agit du programme zéro bidonville avec 100.000 logements nouveaux, majoritairement de logements sociaux, en vue de faciliter l’accès à la propriété et lutter contre le désordre urbain. Ensuite, il y a le programme qui semble le tenir particulièrement à cœur, à savoir le programme zéro déchet. ‘’J’espère, dit-il, que je pourrais compter d’abord sur les élus locaux, ainsi que sur toutes les populations de nos communes, villes et villages pour débarrasser notre pays de ses déchets’’. Enfin vient le troisième programme, à savoir : la ville créative pour placer l’innovation, la créativité et les industries culturelles au cœur de la cité.

A en croire Macky Sall, aucun de tous ces objectifs ne peut être atteint sans l’implication effective des collectivités territoriales. ‘’Aujourd’hui, si j’ai souhaité vous réunir et partager avec vous les cinq initiatives majeures, les trois programmes sectoriels, et les cinq accès universels que je compte développer, c’est que mon option est de faire jouer aux collectivités territoriales tout leur rôle dans la vie de la nation. C’est une option irréversible’’.  Ainsi, Macky Sall lance un appel à la mobilisation de tous les acteurs pour relever les défis de la deuxième phase du PSE. Dans la foulée, il a annoncé l’élargissement du PACASEN à l’ensemble des communes du Sénégal. Jusque-là, ce programme de 130 milliards FCFA était concentré en milieu urbain.


Macky ampute les ministres et renforce les élus

Hier, lors de la rencontre consacrée à la territorialisation des politiques publiques, le président de la République, Macky Sall, a couvert de largesses les élus locaux venus de tous les recoins du Sénégal. Désormais, informe-t-il, le 10 octobre est décrété journée nationale de la décentralisation. En cette journée, souligne le chef de l’Etat, il sera question chaque année d’évaluer les progrès qui auront été faits en la matière.  ‘’A partir de cette journée, souligne le Président Sall, rien ne sera plus comme avant. Nous allons transférer davantage de ressources. Je sais qu’il y a souvent eu des réticences, c’est normal. Mais l’Etat doit pouvoir se délester des questions qui peuvent être mieux prises en charge au niveau local’’.

Désormais, informe le président de la République, les départements et communes auront davantage de prérogatives en matière d’éducation, de santé, d’infrastructures, entre autres. ‘’L’éducation, du préscolaire à l’élémentaire, doit revenir aux communes. Les collèges, lycées et infrastructures de base aux départements qui peuvent prendre en charge leur gestion, leur construction et leur réhabilitation’’, avance le chef de l’exécutif.

Cela, selon lui, n’enlève en rien au travail des ministères qui est un travail d’impulsion et de supervision. ‘’Il faudrait donc, dans la mise en œuvre du budget 2020, voir les mécanismes de transfert possibles pour que les collectivités territoriales puissent, au-delà de la réhabilitation, prendre en charge la construction des salles de classes, des écoles…’’ D’ores et déjà, il annonce, dans le cadre de la construction des centres de formation professionnelle, le démarrage d’ici décembre avec 15 départements.

MOR AMAR

 

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