Publié le 19 May 2020 - 02:48
IMPACT COVID-19 SUR LE SHOPPING KORITE

Rien ne marche au marché HLM 

 

Le constat est inédit. Un marché HLM presque vide de son monde, à quelques jours de la Korité. À l’instar des autres secteurs d’activité, la vente de tissus et autres accessoires de beauté est au ralenti, à cause des mesures prises pour freiner la propagation de la pandémie. 

 
 
Il n’y a presque pas d’affluence, encore moins de vendeurs à la sauvette sur les trottoirs. Un silence plat dans certains coins. Le marché HLM a perdu sa ferveur habituelle.  En cet après-midi du jeudi 15 mai, à quelques jours de la Korité, l’ambiance est assez morose dans ce haut lieu de négoce qui, d’habitude, grouillait de monde en de pareils moments. La circulation sur l’avenue Cheikh Ahmadou Bamba est assez fluide et les deux voies qui partent de ce boulevard pour rallier la corniche des Hlm sont bien dégagées. A la place des sons de mégaphones et autres haut-parleurs qui, d’habitude, assuraient l’ambiance, l’on note un silence de cathédrale.
 
Les mines renfrognées des marchands ambulants arpentant les différentes allées du marché à la recherche d’éventuels clients renseignent sur l’ampleur du changement. Visages pâles, regards vides, fronts perlés de sueur, la plupart de ces vendeurs à la sauvette semblent perdre leur voix pour répéter leurs habituels cris par lesquels ils ‘’obligent’’ tout passant à jeter un coup d’œil sur leurs marchandises.  D’ailleurs, la plupart d’entre eux sont assis sous les petites tentes installées aux abords de la route, en attente d’éventuels visiteurs. 
 
Tee-shirt gris, pantalon jean noir, gros chapeau sur la tête, masque de protection bien serré, Aliou Sarr est allongé sous un gros parasol qui lui sert d’abri. Il est entouré de centaines de paires de chaussures. Fatigué de faire des va-et-vient incessants entre les différentes allées du marché en quête de clients hypothétiques. Il a décidé d’aménager une place de fortune au milieu de son commerce pour, dit-il, se reposer et discuter avec ses camarades. ‘’Je suis un marchand ambulant, mais je préfère rester auprès de mes collègues discuter au lieu de faire la navette dans le marché, puisque les clients sont introuvables. La situation est très difficile. On peut rester toute la journée sans voir un seul client.  Les gens ne viennent plus par peur d’attraper la maladie’’, fait-t-il savoir.  
 
Cette vendeuse de nuisettes à la Sénégalaise ne dit pas le contraire. La quarantaine révolue, robe en voile blanc assortie d’un foulard de shantung bleu, Magatte Faye s’occupe à tricoter un morceau de tissu blanc. A côté d’elle, des chapeaux, des pagnes traditionnels et des nuisettes sont superposés sur une natte dressée à même le sol. Elle confectionne des ‘’moussors’’ en shantung tout en discutant avec ses collègues. ‘’A pareil moment, HLM se remplissait de monde à cause des préparatifs de la fête. On recevait d’importantes commandes de chapeaux et d’autres ’moussors’ pour les femmes. L’on passait toutes nos journées à confectionner des chapeaux. Mais aujourd’hui on peine à voir des clients. On peut rester toute la journée sans vendre un seul article. Les clients sont très rares, parce que les gens ont peur de sortir et d’attraper le virus’’, laisse-t-elle entendre.   
 
Non loin d’elle, ‘’Ndiaga Panier’’ étale sa marchandise composée essentiellement de paniers confectionnés à partir des feuilles de palmier. D’habitude très prisés en pareille période pour les fameux ‘’Sukaaru Koor ou panier Ndogou’’, ils souffrent aujourd’hui, faute de preneurs. Covid-19 oblige ! Tout déplacement étant à bannir en ce moment, beaucoup de Sénégalais ont d’autres préoccupations que de distribuer des ‘’paniers Ndogou’’. ‘’Les clients viennent par petits nombres. Depuis ce matin, je n’ai vendu que dix paniers, alors qu’en temps normal, je pouvais en écouler jusqu’à 50 par jour.  On invite les entreprises à venir acheter les paniers pour le ‘’Suukarou Koor’’ comme elles le faisaient habituellement’’, lance-t-il. 
 
Les clients se font aussi désirer dans les gros magasins
 
Ce constat d’une activité en berne est le même dans les grands magasins et autres enseignes qui ont pignon dans le marché. C’est le cas du complexe El Hadj Babacar Sy. C’est vraiment le lieu à ne pas manquer, en période de fête. Les bons deals, c’est ici qu’on le trouve sans faute. Mais cette année, nul ne s’y bouscule. L’ambiance y est d’ailleurs morose.  La clientèle reste limitée. Excepté quelques dames qui s’arrêtent par moments devant la porte pour s’enquérir des nouveautés pour la Korité, à l’intérieur, l’endroit est presque vide de clients. Mère Sadio, l’une des employés du magasin, décrit une situation nouvelle. ‘’A pareil moment, le magasin était plein à craquer. Mais actuellement, on ne voit presque personne. Le silence qui règne ici en renseigne clairement. Que ce soit les tailleurs, les vendeurs de tissus ou les ambulants, tout le monde est touché’’, se désole-t-elle.  
 
 Un peu plus loin, le complexe Balamagnsé Sagnsé affiche le même décor.  Le gérant, Demba Thiam, est assis au seuil de la porte en train d’écouter des versets du Coran que distillent mélodieusement les baffles de la radio d’à côté. Ici comme presque partout ailleurs dans le marché, les clients ne se bousculent pas. Et même la décision du président de la République d’assouplir les mesures de restriction n’a, pour le moment, pas permis de reconquérir la clientèle. Beaucoup de Sénégalais sont encore méfiants quant à la fréquentation des marchés, foyers de plusieurs cas de transmission communautaire de la Covid-19 au Sénégal. 
 
L’interdiction des rassemblements tels que les mariages et baptêmes ne fait pas aussi l’affaire de ces commerçants de tissus de luxe. ‘’Aucune activité n’est épargnée.  Rien ne marche. C’est vrai que les commerçants sont les plus impactés, parce que les premières mesures concernaient l’interdiction des rassemblements et des manifestations comme les mariages et les baptêmes.  C’est difficile pour nous parce que l’on fait des dépenses chaque jour, alors qu’il n’y a plus de rentrée d’argent. On vient encore parce qu’on n’a pas l’habitude de rester à la maison, mais on ne gagne pas grand-chose en venant ici’’, soutient Demba Thiam.
 
‘’Comparer aux autres années, le marché a beaucoup changé. Ce n’est plus pareil. La pandémie a tout bloqué. La vérité est que cette année, il ne peut pas y avoir de fête ou d’évènement. C’est évident, les gens n’ont pas la tête à festoyer. Chacun craint pour sa santé. Comme vous le constatez, on est tous là à attendre d’éventuels clients’’, renchérit Youssoufa Cissé, l’un des gérants du complexe Sacko & Frères.  
 
L’autre problème, souligne-t-il, c’est la fermeture des frontières avec pour conséquence la suspension des importations de tissus. ‘’Depuis presque 4 mois, on n’arrive plus à importer des tissus. Il n’y a plus de nouveautés. On a ici que des tissus disponibles sur le marché depuis des mois. D’habitude, à l’approche des fêtes, on voyageait en Thaïlande, en Chine, en Inde ou en Autriche pour s’approvisionner. Mais maintenant que les frontières sont fermées, on ne peut plus le faire’’, ajoute-t-il. 
 
Les articles devenus moins chers
 
Chez les rares clients venus faire des achats, on affiche satisfaction. Les prix sont abordables et l’ambiance assez propice pour le shopping.  ‘’Les tissus sont moins chers. Ce qu’on achetait à 7 000 ou 8 000  F CFA, on peut l’avoir aujourd’hui à 5 000 F.  En plus, c’est calme et il n’y a plus d’embouteillage. Vraiment, je préfère  HLM  ainsi’’, confie, Marie-Jeanne Kakou qui vient de sortir du complexe Serigne Babacar Sy.  Ivoirienne de nationalité, Marie-Jeanne dit venir faire des emplettes de tissus qu’elle envoie au pays pour les besoins de la fête. Elle prie ainsi pour l’ouverture des frontières dont la fermeture bloque son business.  
 
‘’Je trouve l’ambiance du marché assez morose par rapport à l’année dernière où c’était plein à craquer. Actuellement, les gens sont méfiants. Ce n’est pas comme d’habitude. Mais, personnellement, je préfère le marché comme ça. On fait facilement nos achats sans bousculades, ni embouteillages. On gagne du temps pour rentrer tôt’’, laisse entendre Aïssatou Souaré Kondé, guinéenne venue au Sénégal depuis le 19 février pour un contrôle médical et qui profite de l’occasion pour faire ses shoppings. 
 
ABBA BA 

 

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