Publié le 10 Sep 2013 - 17:00
INSTITUT DE PÉDIATRIE SOCIALE

 Un embryon de crise menace l'établissement de santé  

 

 

Fonctionnel depuis 1964, l'Institut de pédiatrie sociale est secoué par des accusations de magouilles dans sa gestion. EnQuête est allé voir de plus près.

 

 

Structure universitaire, basée à Pikine-Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise, l'Institut de pédiatrie sociale est au cœur d'histoires de détournements de biens publics, au point de susciter la grogne d'une partie de son personnel. A les en croire, des responsables de la structure, en complicité avec d'autres agents, se sucreraient, depuis des années, sur le dos des patients par le biais d'une fraude sur les tickets. Une source dans cet établissement, démembrement du ministère de la Santé et de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), dénonce avec rage des pratiques qui ont fini par vicier l'atmosphère, suscitant même des suspicions entre collègues.

''Au lieu de vendre les tickets, les responsables s'arrangent de sorte que le service ne soit pas opérationnel. Ils savent faire preuve d'ingéniosité pour encaisser l'argent des patients. C'est une pratique qui a cours depuis des années avec la bénédiction des responsables qui font semblant de fermer les yeux devant de tels agissements'', fulminent nos interlocuteurs qui ont souhaité garder l'anonymat. Pis, enfoncent-ils, le directeur fermerait aussi les yeux sur ''la vente parallèle de médicaments et de tests de grossesse qui ne vont pas dans les caisses de la Pédiatrie''.

 

Ticket gratuit

 

Pour autant, rien ne démontre, de visu, que l'Institut de pédiatrie sociale serait le théâtre de telles pratiques. Il donne l'image d'une structure sanitaire moderne de par ses grands bâtiments et son plateau technique très relevé.

L'entité universitaire réservée aux couches défavorisées de la banlieue dakaroise est en plein extension avec la construction d'un complexe pédagogique. L'établissement baigne dans la propreté avec des jardins bien entretenus. A l'intérieur, de jeunes dames, mine joviale, attendent de se faire consulter dans la structure qui offre des services de qualité à moindre coût. ''Le ticket ne coûte que 300 francs Cfa et le plus souvent, il nous est offert gracieusement par le médecin-chef, le Dr Aboubacar Diallo, qui est d'une générosité débordante avec les patientes'', a confié Mme Coly Astou Ngom, rencontrée sur place avec son bébé. Ses propos seront confirmés par d'autres dames qui saluent le personnel soignant. ''On nous offre aussi des médicaments au niveau de la pharmacie'', ont-elles renchéri.

Si cette gratuité des soins offerte à certains patients semble traduire l'excellente santé financière de l'hôpital, d’autres membres du personnel y voient une façon ''déguisée'' de se remplir les poches.

De même, certaines réalisations n’ont pas l’heur de plaire à tout le personnel de la Pédiatrie. Des agents de l’Institut maugréent, estimant que les priorités se trouveraient ailleurs. Et font-ils remarquer, ''dresser des parkings et des dallages ne profitent qu’à une minorité''. Ils disent préférer à la place ''la construction d’une maternité au sein de cette pédiatrie ou d’abris pour soulager les sinistrés'''.

D'avis de l’infirmier d'État en service, Pape Diop, l'institut reçoit, chaque jour, un grand nombre de patients venant des banlieues de Pikine, Guédiawaye, Parcelles Assainies, et surtout de la commune d’arrondissement de Djidah Thiaroye Kaw. ''C'est normal qu'on fasse souvent du social. On a aussi des activités curatives et préventives pour les femmes enceintes ; les consultations postnatales et prénatales se font à 500 francs'', avance-t-il.

 

''Mauvaise graine''

Pour sa part, le médecin-chef Aboubacry Diallo a répondu, avec un large sourire, aux accusations sur la gestion de l'Institut. ''Dans un groupe, il y a toujours de la mauvaise graine, mais je suis sûr que les membres de mon personnel ne sont pas plus consciencieux que moi. Personne ne peut mettre la main sur le Coran pour dire qu'il a pris quelqu'un la main dans le sac. Je n'ai jamais été témoin de mauvaise gestion. Au contraire, on est en train de tout faire pour améliorer la qualité de services'', a rétorqué Dr Diallo. Il a soutenu que ''200 millions de francs Cfa ont été injectés pour l'amélioration du cadre. Notre souci est de trouver des partenaires pour rénover la structure et offrir des soins de qualité aux patients''.

Se vantant des actes posés en faveur des couches défavorisées, le Dr Aboubacry Diallo souligne qu’''en guise d'exemple, les enfants malnutris disposent de deux repas avec collation chaque jour pour un ticket de 200 francs qu'on leur offre souvent. Nous sommes plus portés par le souci de faire du social et de voir comment pérenniser cette subvention''.

 

''Les comités de santé créent des problèmes''

 

Interpellé sur la question, dans ses bureaux à l’Ucad, le directeur de l'Institut, Dr Mamadou Sarr, ne nie pas l'éventualité d'un racket opéré au sein de cette structure comme cela arrive dans d'autres établissements de santé. ''Il y a des employés indélicats au niveau de tous les postes de santé. Ce sont des parasites qui vivent autour de la médecine. Des personnes qui gagnent bien leur vie ne vont pas se permettre des bassesses en opérant un racket sur des pièces de 100 francs'', a argué M. Sarr.

Pour les responsables de cet institut, il ne faut pas perdre de vue que des bénévoles issus des Associations culturelles et sportives (Asc) exercent dans l’Institut dans le cadre d’une participation communautaire et du concept des soins primaires. ''Ils ne sont payés que sur la base des frais générés par la participation communautaire. Cette catégorie est constituée des gardiens, des aides-soignants, des filles de salle, des matrones, qui perçoivent 25 000 francs à la fin du mois. S’il y a parmi eux qui manquent de sérieux, ils peuvent dérouler des stratégies pour racketter les malades. Ce n’est pas fortuit si les comités de santé ont été supprimés à Albert Royer, par exemple. Ce sont des personnes bien intentionnées au départ mais qui finissent par changer souvent de comportement.''

Des justifications qui ne convainquent pas des agents de l'Institut mécontents de leur hiérarchie. Ils continuent à réclamer la mise en place d’un comité de santé et le recrutement d’un personnel qualifié à la hauteur d’un institut de recherche rattaché à l’université. Ils déplorent également que l’établissement compte plus d’infirmiers et de sages-femmes que de pédiatres.

Le gouvernement est aussi invité à situer ''la pédiatrie dans la pyramide de la carte sanitaire du Sénégal (centre ou poste de santé). Car, disent les protestataires, on dirait que c’est de par son statut particulier qu’on ''assiste à une gestion dénuée de transparence et surtout méconnue des populations''. A ce propos, ont-il ajouté, ''ce n'est pas normal que l’ambulance soit toujours stationnée ici faute de carburant alors qu’elle reçoit une subvention de la ville de Pikine pour évacuer les malades vers les structures d’hospitalisation''.

Aux dernières nouvelles, le chauffeur de l’ambulance serait en congé durant ce mois de septembre.

 

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