Publié le 5 Sep 2020 - 17:16

Le Challenge politique au Sénégal

 

Faut il le Rappeler encore la politique est l’Art de gouverner  ou de gérer la Cité qui du fait de son cosmopolitisme, de sa diversité et des chocs  des cultures et des intérêts, a besoin d’un Ordre et d’institutions agrées et chargées de veiller sur cet Ordre. Cet ordre peut être absolu (Monarchique ou dictatorial) ou Républicain et démocratique et dans ce cadre précis, objet de renouvellement et donc de compétition. Le Sénégal à l’instar de la plupart des pays du Monde moderne, depuis son indépendance, se meut avec plus ou moins de bonheur dans  cette sphère Républicaine  où le jeu politique détermine  les pulsions giratoires.   

Ce jeu politique dans un pays est organisé  le plus souvent autour de deux parties : d’un côté ceux qui sont au Pouvoir et confrontés  à la Réal politique,  à l’exercice du Pouvoir,  à la gestion de l’Ordre, ceux-ci  sont dans  la conception  et  la mise en œuvre des politiques publiques pour la satisfaction des besoins des populations, ils sont dans l’action politique  et  d’autres parts  ceux  qui sont encore dans l’intention, la spéculation et les incantations politiques, dans la critique parfois facile, ils constituent l’Opposition. Parmi celle-ci il arrive qu’il y ait une frange constructive, patriotique, l’Homme d’Etat se reconnaît dans cette posture. 

Cependant dans nos pays sous –Développés, sous assistance politique, économique, financière, comme le Sénégal, les pays et institutions qui assistent,  ont créé un troisième acteur  ou larron politique, à partir des Années 80, avec  comme prescription de  suivre , de contrôler l’utilisation  de l’Aide  et d’aider à la mise en œuvre des  projets de Développement. Ce troisième acteur connu sous le vocable ambigu de  « Société civile » a  très vite pris goût à la chose publique et finalement politique, au point  qu’il  semble  ne  plus  vouloir d’être confiné dans un « faire-faire » technique, didactique et pragmatique. Ainsi devient-elle  chez nous au Sénégal, plus audible et plus visible sur les questions politiques que sur celles relatives au Développement.  Elle est  plus fréquemment à table avec le camp de l’opposition, donc avec ceux qui convoitent le Pouvoir  où elle  s’arroge parfois  le statut de Maître de séance.

 C’est là une première bizarrerie de la politique au Sénégal : un  grand brouillard où  l’ on  peine  à savoir Qui est Qui  et Qui fait Quoi ? Ainsi est-il devenu une pratique courante que des Organisations de la Société Civile (Associations  et Mouvements, originellement  à caractère religieux, caritatif, syndical ou professionnel, consumériste) soient vandalisées, victimes de détournement d’objectifs  par leurs Animateurs, pour finalement se muer en Partis politiques qui n’auront jamais de virginité politique et d’assises Républicaines  inaltérables. Ce faisant une nouvelle famille de « braconniers politiques », adeptes des raccourcis politiques, une escouade de tireurs au flanc, est entrain d’essaimer au Sénégal, créant pagaille et désordre dans le landerneau politique ( plus de 300 partis).

Loin de moi d’imaginer des frontières dans l’art de servir  la Cité qui  ne doit laisser aucun citoyen en rade et qui répond à un choix  volontariste, solitaire. Ce pendant pour plus d’efficacité cet engagement doit être solidaire, organisé dans des cadres bien définis et aux missions précises, c’est pourquoi, il me semble  périlleux  que par opportunisme politique, qu’il faille procéder  au travestissement et à l’édulcoration de la substance de chaque  structure et cadre social.

Ce pendant  au-delà du Réflexe politique primaire qu’est le volontarisme chez chaque citoyen, la politique est essentiellement un art  bâtir autour d’un projet de Société réalisable à travers un programme  réaliste, à la fois  factuel et prospectif  qui répond aux besoins actuels et futurs de la société. Ce challenge  requiert  une certaine représentativité sociale et une représentation organisationnelle autour du même idéal porté  par le projet de  société, une  élaboration collective et ouverte, que seul le parti politique  représentatif et structuré est à mesure de relever. 

Alors c’ est ici un autre talon d’Achille de la Politique au Sénégal : l’absence de projets de Sociétés, donc de programmes,  surtout de représentativité pour bon nombre de partis politiques  qui n’ont d’existence que par leur récépissé et de visibilité que dans le petit écran à travers la personne morale. Ainsi donc  le landerneau politique  Sénégalais  gouille de « monstres politiques » sans expérience ou expertise, sans projets, sans attache réelle avec le pays des profondeurs,  fabriqués de toutes pièces par une certaine Presse et certains réseaux sociaux.

L’une dans l’autre,  ces deux tares de la politique au Sénégal,  impactent négativement  le jeu politique et la capacité du citoyen moyen de faire un choix  libre et lucide  entre  projets et Acteurs politiques. Une telle situation non seulement expose  le pays à l’aventure et aux périls de phagocytage  de beaucoup de ces éphémérides  dont les animateurs,  en quête de renom et parfois de pain, peuvent  tomber facilement sous le charme  des groupuscules activistes ou de puissants lobbies qui cherchent à étendre leurs zones d’influences. Ainsi le risque de  mettre le pays dans l’antre des loups est permanent  avec des populations à majorité analphabètes et une jeunesse désemparée dans un contexte  où la communication et ses supports ont atteint   leur  stade ultime : celui  de la Manipulation.

In fine  à  la place d’une concurrence saine d’offres  de projets de Société  et de programmes  alléchants, l’on assiste à  des oppositions crypto-personnelles, sur fond de rancunes,  de frustrations  mal digérées, de jalousies, voire  de haine  et d’ intrigues pour faire échouer son vis-à-vis.  Le constat est amer,  inquiétant,  général chez cette garde montante  de politiciens. A la place d’une opposition saine et constructive, l’on a une opposition braquée, à propension  nihiliste. De statut d’adversaires  politiques certains  glissent  vers  une posture d’ennemis jurés même devant le péril national. Alors quelle compréhension de la politique au Sénégal ?  Cherche- t- on  à en faire un comburant à une déflagration sociale ? Non, la politique est bien un jeu  d’adultes,  qui doit se jouer dans l’élégance et la plus grande sportivité, malgré les passions. Vivement que certains acteurs  le comprennent ainsi et puissent revenir à la raison.    

MAÎTRE WAGANE FAYE

 

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