Publié le 10 Mar 2023 - 14:33
MATAM

Les femmes d’Ogo triment dans leur jardin, à cause du manque d’eau 

 

Les femmes d’Ogo se sont érigées en véritables remparts contre la pauvreté. Loin de subir, impuissantes, les affres de la conjoncture  qui sévit dans tout le pays, elles ont renoncé à leur coquetterie temporairement pour travailler durement dans leur jardin public.

Cependant, leurs efforts titanesques sont annihilés par un manque d’eau criant. L’unique robinet ne peut pas satisfaire la forte demande. Elles demandent partout et à tout le monde la réhabilitation du puits du jardin dont le coût est de… 200 mille F CFA. Mais il y a personne pour les aider.

Ogo est un village chef-lieu de commune qui se situe à près de 6 km de Ourossogui, la ville-carrefour, poumon économique de la région de Matam. Ici, les femmes sont des battantes ; elles sont quasiment dans des activités génératrices de revenus pour soulager leurs maris dans la prise en charge des besoins familiaux.

C’est dans un espace mal clôturé, à quelques encablures du lycée d’Ogo, que les braves dames de la localité ont aménagé pour y cultiver la terre. Une terre fertile, selon elles. Seulement, l’eau est un grand obstacle pour l’atteinte des objectifs. Elles sont une centaine de femmes : des veuves, des divorcées, des mariées et même de jeunes filles à avoir versé les 1 000 F de frais d’adhésion au jardin public. Mais pour trouver la quantité d’eau suffisante pour arroser les 2 planches allouées à chaque femme, c’est la croix et la bannière.

Aissata Ba ne se ménage pas pour pouvoir arroser ses planches et pour cela, elle part puiser l’eau chez elle. ‘’L’eau nous cause beaucoup de difficultés, parce qu’elle est introuvable dans le jardin. Le seul robinet qui s’y trouve ne peut pas nous donner la quantité d’eau nécessaire à toutes les femmes. C’est pourquoi  je préfère aller chercher de l’eau chez moi. C’est extrêmement pénible, car je dois porter une bassine d’eau sur ma tête et marcher sur près d’un kilomètre. Ça nous donne des courbatures, mais c’est le prix à payer pour arroser ces planches. Sinon, elles vont s’assécher’’, confie la dame.

Ce calvaire est quasi général chez ces femmes battantes. Une autre dame, la cinquantaine bien révolue, affronte les mêmes péripéties au quotidien. Malgré son âge avancé, elle n’a pas renoncé. ‘’Vous avez bien vu que je suis une femme âgée. Normalement, je devrais rester chez moi et me reposer. Mais je suis ici dans le jardin pour travailler et avoir de quoi nourrir ma famille. Le travail serait plus simple, si nous avions de l’eau sur place et en quantité suffisante. Mais on doit aller trouver de l’eau ailleurs, ensuite le transporter avec des charrettes et parfois nous le portons sur nos têtes. Nous devons le faire, sinon tout ce que nous avons semé va être anéanti. À cause du manque d’eau, le travail dans ce jardin est devenu fastidieux. La nuit, on est si lessivées qu’on dort sans même manger’’, témoigne la vieille femme.

Les femmes font preuve d’un immense courage et d’une volonté remarquable pour entretenir leurs cultures, mais les conditions sont contraignantes. Le jardin dispose bien d’un robinet, mais son débit est faible. Pour remplir une bassine, il faut faire la queue qui démarre à 8 h. Pour chaque bassine remplie, il faudra débourser 10 F CFA. Le coût ne semble pas poser problème à ces dames. Elles se plaignent juste du temps long pour remplir une bassine. ‘’Pour juste remplir une bassine ici dans le jardin, il faut venir très tôt le matin vers 8 h et rester jusque vers 13 h. Pour tout ce temps-là, tu ne peux remplir qu’une seule bassine, car il faut permettre aux autres aussi de remplir leur bassine’’, explique Aissata, l’adjointe à la trésorière.

Pourtant, le jardin disposait d’un puits, mais depuis plus de deux mois, il n’est plus opérationnel. Le montant pour sa réhabilitation s’élève à 200 000 F CFA. Elles ont, depuis, frappé à toutes les portes, sans succès. La présidente Hawa Thiam a multiplié les sollicitations auprès des bonnes volontés, mais en vain.

Selon Aissata Ba, le puits soulagerait considérablement les femmes. ‘’La seule chose que nous demandons est qu’on nous trouve un 2e robinet ou bien qu’on réhabilite le puits. Nous avons demandé les services d’un spécialiste, il nous a demandé 200 000 F pour que le puits soit à nouveau opérationnel’’, relate la jeune femme.

Elles ont crié sur tous les toits, mais les richissimes hommes politiques semblent faire la sourde oreille, attendant le moment propice des élections pour diligenter et poser des actes forts, mais à portée ponctuelle.

Djibril Ba

 

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