Publié le 24 Nov 2015 - 04:12
ME AHMED SALL, AVOCAT DE «IMAM » SALL, UN DES PRESUMES TERRORISTES ECROUES

’’Rien ne justifie ces graves atteintes aux libertés’’

 

Avocat au Barreau de Dakar, Me Ahmed Sall est l’un des conseils de Mamadou Sall dit «Imam Sall» arrêté à Rufisque et écroué pour blanchiment de capitaux et complicité d’acte de terrorisme avec l’imam Alioune Badara Ndao de Kaolack. Plus que convaincu de l’innocence de son client, Me Sall revient sur les raisons de l’arrestation de ‘’Imam Sall’’ ou plutôt Professeur Sall. L’avocat dénonce au passage ‘’de graves atteintes aux libertés’’ qui sont en train d’être commises au nom de la lutte contre le jihadisme. Foncièrement contre le transfèrement de son client à la prison de Saint-Louis, Me Sall espère que rien n’arrivera à son client.

 

Vous êtes un des avocats de « l’imam » Sall. Commençons par lever l’équivoque sur l’identité de votre client. Est-il réellement imam ou enseignant seulement ?

Mon client est enseignant et technicien supérieur en génie civil. Il exploite également avec ses amis une entreprise de bâtiment et de génie civil- une start-up- qui n’est qu’un prolongement de ses compétences professionnelles. Il est ensuite un fervent musulman. Toutes ses relations peuvent en témoigner. Le vocable imam lui a été collé par les enquêteurs et par le parquet ensuite. Peut-être pour donner plus de crédit à la procédure.

Mais c’est une grossière contrevérité, et c’est un euphémisme. Il ne se réclame pas imam, ses proches et ses amis ne lui connaissent pas cet attribut. Il ne dirige aucune communauté, ne dirige aucune mosquée, fût-ce de quartier. Cela dit, il lui arrive de se mettre devant sa famille et ses amis, des personnes de confiance pour diriger la prière. Au sens islamique du terme, celui qui dirige une prière est un imam. Mais je ne crois pas que ceux qui distillent cette contrevérité veulent la faire entendre sous cette acception. Ce qui se passe dans ce pays est inquiétant, et je ne parle pas seulement du traitement que l’on fait de la question de l’extrémisme religieux. C’est le principe fondamental de la présomption d’innocence qui est piétiné.

Complicité de terrorisme, financement du terrorisme, blanchiment de capitaux… Que pensez-vous de toutes ces accusations portées contre votre client ?

Vous avez oublié association de malfaiteurs aussi. Ce sont des charges d’une légèreté extraordinaire. C’est un ensemble de charges qui sont communes à presque toutes les réquisitions du parquet. Et il est dommage que la Chambre d’accusation estime que le parquet ne soit pas obligé de les motiver. Vous auriez été surpris par le réquisitoire introductif en ce qui concerne mon client. Il est dommage que sous nos cieux, la vie humaine n’ait pas pour certaines personnes la valeur que lui reconnaissent toutes les nations civilisées. Pour un rien, on envoie une personne en prison. Avant d’agir, que ce soit, moi ou qui que ce soit d’autre, nous devrions nous poser les questions suivantes : Et si c’était mon frère ? Et si c’était ma mère ? Si c’était mon père ? Ça aiderait beaucoup à humaniser les procédés. La liberté est loin d’être un principe au Sénégal.

Nous sommes tous en danger. En ce moment, des élèves sont privés d’un enseignant de qualité qui faisait faire un stage pratique aux meilleurs de sa classe et qui n’a jamais professé autre chose que ce pour quoi l’éducation nationale l’a recruté. Sept enfants, dont le tout dernier a tout juste un mois sont privés de leur père et de la seule source de revenus de leur foyer. Il lui est reproché d’avoir voulu blanchir environ 11 millions de F CFA qu’il aurait reçus de Makhtar Diokhané, alors qu’il a uniquement agi dans le cadre de ses activités professionnelles. C’est un entrepreneur en bâtiment, à qui un client a remis de l’argent pour acheter un terrain et lui construire une maison.

Tout cela est matérialisé par des écrits, des contrats et des factures. Le dossier existe, il est clair avec toutes les pièces justificatives. Comment peut-on parler de blanchiment dans ce cas ? Et il faut signaler que cela n’a jamais été ignoré par les autorités policières qui faisaient depuis belle lurette une enquête au cours de laquelle mon client a donné tous les éléments de preuve qu’il n’a commis aucun acte criminel. Ils n’ont rien trouvé d’autre et ils ne trouveront rien, parce qu’il n’y a rien. Tout le reste n’est que supposition et émotion.

Est-ce qu’il n’a pas été imprudent, en signant un contrat avec une personne fichée par les services de sécurité ? Où, quand et comment se sont-ils connus ?

Comment aurait-il manqué de vigilance ? Qui lui dit que cette personne était fichée ? Est-ce parce qu’une personne joue aux illuminés qu’on doit lui refuser une vente ou une prestation de service ? Est-ce qu’on doit vouer aux gémonies tous ceux qui ont été en contact avec Makhtar Diokhané à un moment ou à un autre ? Nul ne choisit les personnes qu’il croise sur son chemin. Que l’on vienne aujourd’hui nous dire que mon client doit avoir des accointances, ou à tout le moins une sympathie avec des personnes faisant l’apologie du terrorisme, cela n’a aucun sens. Aujourd’hui, Diokhané est arrêté au Niger et il semblerait que les autorités refusent de demander son extradition parce tout simplement notre pays ne serait pas prêt à accueillir un vrai jihadiste dans ses geôles.  Alors, on nous expose des épouvantails. C’est bien dommage.

S’il a été arrêté, n’est-ce pas parce que les enquêteurs ont trouvé des indices contre lui ? Où bien a-t-il été perdu par son apparence, sa barbe comme certains le pensent ?

Je vous ai exposé plus haut le lien contractuel qui existe entre mon client et Makhtar Diokhané. S’il a été arrêté, c’est parce qu’il a passé un contrat d’entreprise avec une personne qui aurait été fichée. Mais c’est peut-être bien plus complexe que ça. D’une manière générale, il y a une psychose liée à l’insécurité qui sévit un peu partout dans le monde et qui inquiète forcément tout citoyen. Mais cela ne doit pas entraîner des arrestations tous azimuts, sans avoir des indices clairs, nets et précis. Par ailleurs, il me semble que le seul fait d’avoir une barbe ne peut justifier qu’on soit un jihadiste.

Mon client a effectivement une barbe, mais est-ce un délit ? Ils ont mobilisé des unités d’élite, encagoulés, pour casser, humilier une personne qui aurait pu répondre à une simple convocation, et pour une perquisition qui n’a finalement même pas produit un pistolet factice, ou un pétard mouillé. Mon client a été menotté devant sa famille, ses enfants et ses voisins. Tout ceci n’est en réalité qu’une grossière opération de communication, destinée à divertir et/ou peut-être à capter des fonds. Il fallait être à la Section de recherches ou, moins que dans une ambiance d’enquête, on était plutôt dans une ambiance de fête. Les enquêteurs ne risquaient pas d’y mourir de faim, d’indigestion peut-être. Paradoxalement et pour la petite histoire, à mon client, les enquêteurs ont prélevé près de 20 000 F CFA sur l’argent qu’ils ont trouvé par devers lui pour, disent-ils, les frais de son séjour dans leurs locaux, avant de sceller le reste. Il rend grâce à Dieu d’avoir été nourri avec son argent, qui est licite, et non avec le budget d’une parodie de traque.

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«Je ne pense pas que quelqu’un dont la famille fréquente le système scolaire classique et dont la belle fille fréquente une école catholique, qu’il paie, peut être sérieusement taxé de terroriste»

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D’un autre côté, beaucoup craignent que cette traque contre le terrorisme fasse naître l’extrémisme religieux. Partagez vous cet avis ?

Je ne saurais l’affirmer. Je pense juste qu’en toutes circonstances, il faut faire preuve de retenue et de modération. Il ne faut pas verser dans l’émotion qui conduirait à commettre des erreurs irréparables. Nous aspirons tous à la sécurité et à la paix, c’est la raison pour laquelle il faut faire preuve de pondération et de responsabilité pour ne pas verser dans un extrémisme dangereux pour tous. Cet extrémisme peut d’ailleurs venir de tous bords. Aussi bien de ceux qu’on qualifie de jihadistes que de ceux qui les qualifient de jihadistes. La question de l’extrémisme religieux nous interpelle tous et nous devons la traiter avec beaucoup plus de responsabilité.

C’est de manière méthodique, raisonnée, qu’il faut procéder pour éradiquer un mal qui gangrène toute la planète, et non de manière aveugle en arrêtant tous azimuts n’importe qui, n’importe quand, n’importe où, sans aucun argument sérieux. C’est l’erreur qu’il ne faut pas commettre. Nous avons tous des familles, des enfants et aspirons à une stabilité sociale, morale et religieuse. Je ne pense pas que quelqu’un dont la famille fréquente le système scolaire classique et dont la belle fille fréquente une école catholique, qu’il paie, peut être sérieusement taxé de terroriste. C’est le cas de mon client. Cela dit, le sentiment de révolte face à l’injustice que constitue une parodie de traque est déjà là, il pourrait être exacerbé, surtout chez les prosélytes qui n’ont pas encore les arguments nécessaires pour contenir leur foi. La menace terroriste est également bien réelle.

De jeunes Sénégalais partent faire le jihad et meurent sur le terrain. Ils continuent à être approchés par des personnes malintentionnées. C’est un fait. Mais ça ne justifie point que l’on viole délibérément ce qui fait le socle de notre état de droit, encore qu’aucune arme, aucun squelette, n’ont été découverts. Aucun acte séditieux n’a été entamé et il n’y a au Sénégal aucune menace imminente qui justifierait ces graves atteintes aux libertés. On nous parle maintenant d’action préventive. Je trouve ça un peu léger.

Vous fustigiez le transfèrement de votre client à la prison de Saint-Louis alors que des raisons de sécurité justifieraient cette mesure ?

Quelles raisons de sécurité ? Pensez-vous que Saint-Louis puisse être plus sûre que Dakar qui regroupe l’essentiel des unités d’élite en matière de sécurité ? Pensez-vous que c’est faire dans la sécurité que de déplacer la menace vers le nord, plus près de la Mauritanie qui a produit la plupart des quelques jihadistes que compte le Sénégal. Les autorités ont décidément une curieuse perception de la sécurité. On crée une psychose inutilement.

On les éloigne de leurs familles, et on ajoute à leur peine. On les éloigne de leurs avocats et du juge d’instruction. Les standards les plus élémentaires en matière de respect des droits de l’Homme, des principes de la détention, de la présomption d’innocence et du droit de la défense sont allégrement piétinés. L’Etat sera responsable de tout ce qui lui arrivera. Qu’on ne nous invente pas une tentative d’évasion à l’issue malheureuse, ou un quelconque accident. Mon client ne souffre d’aucune affection et il ne servira pas d’agneau de sacrifice.

Comment votre client ainsi que sa famille vivent-ils cette situation ?

Mon client a été éduqué dans la foi en Dieu. Son père, sa mère, ses frères vivent cette situation avec beaucoup de sérénité. Lui et sa famille sont convaincus que le destin ne fléchit jamais. Cette affaire connaîtra forcément son épilogue un jour. Pour l’heure, pour notre santé mentale et notre sécurité commune, nous devons tous croire que nous avons une justice qui fonctionne bien, qui ne fonctionne pas à l’émotion, qui n’est en rien influencée par le politique, et qui n’est l’otage de qui que ce soit. 

Propos recueillis par FATOU SY

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