Choix impertinent pour certains députés, choix justifié pour d’autres, le Parlement a profité du passage du ministre de la Pêche pour se prononcer sur la traversée en mer meurtrière de jeudi dernier.

Posture moralisatrice pour la plupart des députés de la majorité, discours de légitimation pour l’opposition, la mort de quinze jeunes Sénégalais en partance irrégulière pour les côtes espagnoles a occupé les débats à l’Assemblée nationale, hier. Pour une députée du groupe parlementaire Bby, élue de Mbour, la mort de ces migrants engage d’abord la responsabilité du cercle familial. ‘‘Tout commence dans les maisons. Le gouvernement ne peut pas tout faire. Parlons à nos enfants. Comment une femme enceinte peut entrer dans une pirogue et tenter pareille aventure ?  (...) Avant de pointer la responsabilité du gouvernement, parlons à nos enfants, d’abord. Que les jeunes restent ici et sachent que c’est possible de travailler et de réussir ici’’, a asséné la représentante de Mbour.

Sa collègue fustige le choix de migrants irréguliers à vouloir opter pour l’Europe vaille que vaille. ‘‘Les gens qui choisissent de partir sont bien ici et ont des emplois. Ils choisissent de mettre de l’argent dans un départ hypothétique. Une fois là-bas, ils acceptent de se plier à des travaux subalternes qu’ils n’accepteraient pas de faire ici’’, a déclaré Bousso Ngom. Elles ont exclu, pour la plupart, l’échec des politiques publiques concernant l’emploi des jeunes. Adji Mergane Kanouté a listé les programmes du président de la République dont 2 milliards de F Cfa au ministère de la Santé, 9 milliards pour l’Agriculture, 6 milliards pour la lutte contre l’immigration etc., la création d’agences comme l’Anpej. Certains ont même dénoncé une politisation de cette question par l’opposition dont le phénomène était beaucoup plus perceptible sous le régime précédent.

Jeudi dernier, 58 jeunes Africains ont perdu la vie au large de Nouadhibou (Mauritanie) après que leur embarcation a coulé. Quinze jeunes Sénégalais, dont 8 femmes, ont péri contre 8 rescapés. La Gambie a payé un lourd tribut. Mais pour d’autres députés, la fuite de ces jeunes compatriotes est parfaitement légitime, au vu de la situation exsangue de ce pays. Ils estiment que les politiques d’emploi ont failli. D’après le député de la diaspora Mor Kane, ce départ périlleux se justifie. ‘‘Personne ne peut retenir les jeunes. De gros gaillards dans un pays ne peuvent pas passer tout leur temps qu’à ne boire du thé. On ne peut légitimement pas les retenir ici sans rien leur proposer de concret’’, avance le député de l’Europe du Sud.

Le parlementaire de Tekki, Mamadou Lamine Diallo, a pris le contrepied de son homologue de Mbour, allant même plus loin dans ses pronostics. D’après lui, le phénomène n’est pas prêt de toucher à sa fin. ‘‘Je pense que Macky ne peut pas régler l’émigration et l’emploi des jeunes, car ils écoutent le Fmi et la Bm, ses parrains européens. Donc, les filles vont prendre les pirogues’’.

OUSMANE LAYE DIOP