Publié le 24 Dec 2014 - 14:00
PLAN SESAME

Un bébé presque mort-né qui traîne une dette de 5 milliards

 

Le plan SESAME initié pour prendre en charge et gratuitement les personnes du troisième âge, par le prédécesseur de Macky Sall, peine à prendre son envol. La dette de 5 milliards qu’il doit aux différentes structures sanitaires plombe son décollage.

 

L’ancien chef de l’Etat du Sénégal Me Abdoulaye Wade, dans son discours à la Nation du 3 avril 2006, avait décidé d’initier le plan sésame. il consistait à accorder des médicaments gratuits aux personnes âgées d’une part et d’instaurer une prise en charge gratuite pour 70% des personnes âgées de la population (soit plus de 650 000 à l’époque) qui n’avaient jamais bénéficié de couverture médicale.

Cet acte traduisait l’idéal de solidarité intergénérationnelle si caractéristique de notre peuple, de l'avis de ses concepteurs. Plusieurs années plus tard, les dettes colossales estimées à plus de 5 milliards que l’Etat devrait aux différentes structures sanitaires de la place ont fait que ce projet peine à atteindre son objectif. Le gouvernement de l’époque et les structures sanitaires se sont renvoyé la balle.

Le Président Macky Sall, depuis son accession au pouvoir, a mis en place la couverture maladie universelle, tout en faisant le mort sur le fameux plan sésame. Et depuis lors, c’est silence radio. De l’avis du Dr Mamadou Koumé, qui a eu à travailler dans le cadre du plan sésame, pendant plusieurs années, ce plan  n’a atteint sa vitesse de croisière qu’au niveau de l’IPRES.  Selon ce Pr à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, l’IPRES a noué un partenariat avec le ministère de la Santé, ce qui lui permet d’avoir des tarifs préférentiels dans les structures hospitalières.

Les affiliés de l’IPRES sont à 100%. Alors qu’au niveau général, poursuit-il, il y a cette dette de plus de 5 milliards que le plan sésame doit aux structures de santé qui fait qu’il est appliqué de manière pas uniforme au niveau des structures hospitalières. ‘’Il y a des hôpitaux qui sont de bons élèves du plan sésame, au moment où d’autres refusent et n’appliquent pas correctement le plan, du fait de la dette. Cela peut être normal, mais je pense que le plan sésame, c’est une volonté du chef de l’Etat de permettre aux personnes âgées d’avoir accès aux soins’’, soutient le Pr agrégé en Gériatrie.

A son avis, l’Etat doit d’une part négocier la dette pour trouver un échelonnement et solder ses dettes, et d’autre part, négocier des paquets de prestations, qui sont éligibles au plan sésame et accessibles au budget. ‘’Je pense que dans la cadre de la couverture maladie universelle, l’Etat a renforcé considérablement l’enveloppe. Elle est passée de 850 millions à 1,7 milliard. Il suffit simplement de bien mettre en place des procédures et une cellule de gestion qui pourrait être une interlocutrice entre  les personnes âgées et les structures hospitalières pour leur permettre d’avoir accès à des soins et gratuitement’’, conseille Dr Koumé. Et le médecin chef du centre médico-social de l’IPRES de conclure : ’’Aujourd’hui, le plan sésame est en train d’être restructuré, et des paquets de prestations éligibles au plan sésame sont en train d’être négociés avec des structures hospitalières. Et ces dernières devraient manifester une volonté pour permettre aux personnes âgées d’avoir accès au soin dans leurs structures’’.

3 QUESTIONS AU DR MAMADOU KOUME (MEDECIN CHEF DU CENTRE MEDICO-SOCIAL DE L’IPRES)

‘’Nos 60 000 malades par an souffrent de maladies cardio-vasculaires, infections métaboliques, diabète…‘’

 

Quelles sont les maladies les plus fréquemment soignées au sein du centre médico-social de l’IPRES ?

Le Sénégal comme la plupart des pays en voie de développement, vu sa transition démographique, c'est-à-dire le vieillissement de la population,  en même temps qu’épidémiologique, caractérisée dans notre pays par  la persistance des maladies transmissibles et l’émergence des maladies chroniques, tous les travaux qui ont tourné autour des pathologies des sujets âgés révèlent les mêmes statistiques, avec le même profil. S’agissant des maladies chroniques, elles sont dominées par les maladies cardio-vasculaires et en tête l’hypertension artérielle pour près de 55%.

Puis viennent les infections métaboliques, le diabète et les infections rhumatismales. Ensuite, viendront les infections urogénitales (les infections prostatiques chez l’homme et utéro-ovariennes chez la femme), ophtalmiques, avec 30% (qui constituent le tiers des infections qui frappent les personnes âgées après les infections cardio-vasculaires et métaboliques), avec en tête la cataracte et le glaucome. Pour les pathologies cancéreuses, nous n’avons pas une maîtrise. Mais je peux dire que le cancer le plus fréquent chez l’homme est celui de la prostate. Pour les pathologies aiguës, c’est classiquement ce qui est observé chez la population générale. Il s’agit du paludisme, les infections diarrhéiques, les traumatismes (chez l’homme avec la fracture du col fémoral, et celle du poignet chez la femme).

Peut-on avoir  une idée sur les statistiques ainsi que le taux de fréquentation du centre ?

En moyenne, ce centre national de référence gériatrique que l’IPRES a ouvert depuis 1982, et qui est réservé uniquement aux retraités affiliés et à leurs familles, reçoit en moyenne 60 000 malades par an. Nous avons dans ce centre toutes les spécialités médicales. Aujourd’hui, je peux dire que l’IPRES est la seule institution, dans le cadre de la mise en œuvre de la couverture maladie universelle, à être présente sur l’ensemble du territoire national et qui prend en charge à 100% ses bénéficiaires. Mais retenez que les statistiques du centre sont les mêmes au niveau du plan national.

Comment voyez-vous la prise en charge de la question liée aux personnes du troisième âge ?

Aujourd’hui, le Sénégal est bien avancé par rapport aux pays de la sous-région. Quelles que soient les imperfections, le Sénégal a la meilleure prise en charge des personnes âgées de la sous-région africaine. Nous avons deux structures gériatriques à Dakar, et dans chaque région une structure gériatrique secondaire. Nous avons des médecins formés à la gériatrie gérontologie sur l’ensemble du territoire, de même que des infirmiers. Et nous avons un plan sésame de soins gratuits qui prend en charge et gratuitement les personnes âgées, même s’il n’a pas atteint véritablement sa vitesse de croisière. L’IPRES, quant à lui, a donné le ton en mettant en place une véritable couverture maladie universelle pour les affiliés.

Par ailleurs, je pense qu’il y a encore des efforts à faire au niveau national pour faire en sorte que la prise en charge des personnes retraitées soit universelle. Si on regarde les statistiques au plan national, nous avons plus de 650 000 personnes âgées (NDLR : 400 000 lors du dernier recensement fait en 2013). Les 30% sont affiliées entre l’IPRES et le Fonds national de retraite qui bénéficient d’une couverture. Le reste c'est-à-dire les 70%, sont pris en charge dans le cadre du plan sésame. Et là, je pense qu’il y a des efforts à faire (….). 

A mon avis, le ministère de la Santé, dans le cadre de la couverture maladie universelle, est en train de trouver une solution pour modifier un peu le décret qui régit la protection sociale des fonctionnaires pour permettre aux retraités fonctionnaires d’avoir 5/5 en lieu et place de 1/5 actuellement. Ce projet était en cours et bien avancé. Maintenant il faut simplement revoir, dans le cadre du plan sésame, les paquets de prestations qui sont éligibles au budget alloué au plan sésame, pour permettre aux personnes âgées d’être prises en charge dans les structures ciblées. 

 

 

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