Publié le 16 Dec 2015 - 01:32
PLUSIEURS INITIATIVES UN PEU ECLATEES

Les balbutiements des énergies renouvelables

 

En matière d’énergie renouvelable, le Sénégal est encore un bébé qui cherche à ânonner ses premiers mots. Les initiatives sont nombreuses et ne manquent pas de pertinence, mais un problème de mise en cohérence se pose. Les financements sont aussi à trouver. Mais le plus grand défi serait peut-être la maintenance d’équipements sensibles à l’humidité et la chaleur et surtout exposés aux comportements inciviques des populations.

 

Le Sénégal développe un programme d’énergie renouvelable pour renforcer la production de la Société nationale d’électricité (SENELEC). Mais à côté de cela, il y a des projets çà et là, indépendants du réseau de la SENELEC. L’un d’eux est le programme national d’éclairage public par voie solaire. Une première phase pilote financée par l’UEMOA à hauteur de 2,25 milliards a été bouclée. Il s’agit de l’installation de 18 035 lampadaires solaires dans la banlieue dakaroise et dans certaines grandes villes du pays comme Kaolack, Thiès, Fatick, Tamba, et Kolda. Le projet dans sa globalité vise l’implantation de 50 000 lampadaires, entre 2014 et 2020, pour un coût estimatif de 65 milliards. L’Etat compte sur le partenariat public-privé pour le financement, souligne le directeur de l’ANER.  

A côté de cela existe un autre projet d’électrification du monde rural. Il s’agit de doter 124 infrastructures communautaires d’électricité solaire, dans une phase pilote. Sont concernés : des écoles, des maternités, des cases des tout-petits, des postes de garde du parc de Niokolokoba, des postes de douane et de police. Les 300 millions nécessaires à cette première étape sont tirés du budget national. A terme, ce sont 1 000 villages qui sont visés, dans l’espoir que les partenaires techniques et financiers dégageront les 25 milliards nécessaires.

En fait, l’Agence nationale d’électrification rurale (ASER) a pour objectif de brancher 60% des villages du pays à l’électricité. Si ce cap est atteint, il restera 40% des villages du Sénégal pour qui le courant sera non pas un minimum vital, mais un luxe. Les 1 000 villages à couvrir permettront donc de réduire le gap. Mais à la différence de l’ASER, dans ce programme, on ne cible que les bâtiments publics, en plus de quelques lampadaires. ‘’Nous n’allons pas toucher les ménages’’, précise Djibril Ndiaye. Il y aura toutefois des pompes solaires pour les villages qui ont des difficultés d’accès à l’eau.

Outre ce projet, il y a un autre qui cherche l’autonomisation des bâtiments publics. Toutes les institutions étatiques dotées d’un siège permanent sont concernées. Il s’agit entre autres des universités, des grands hôpitaux de Dakar et des hôpitaux régionaux, des gouvernances, de la Présidence de la République, de l’Assemblée nationale, du ministère de l’Economie, du Conseil économique, social et environnemental, etc. Elles seront toutes dotées de panneaux solaires qui les rendront autonomes en matière d’énergie. Ce projet est actuellement à l’étude. Il se complète avec le programme qui concerne les 1000 villages pour rendre davantage les structures publiques indépendantes de la SENELEC.

Dans le domaine de la santé, les autorités, en partenariat avec la coopération néerlandaise, entendent installer des kits solaires dans 120 postes de santé, dans le bassin arachidier. 71 chauffe-eau solaires sont également prévus dans ce volet. Le consultant est déjà recruté, si l’on en croit le DG, et l’appel d’offres sera lancé en 2016. Parlant de chauffe-eau solaires, il est prévu d’en installer une vingtaine d’autres, d’ici 2017, dans des maternités qui n’en disposent pas.

Solutions contre le vol et la destruction

Si tous ces projets aboutissent, le solaire sera sans aucun doute dans le quotidien des Sénégalais. Mais il faudrait une mise en cohérence de tout cela pour plus d’efficacité et peut-être même d’efficience. Pour le moment, chacun agit dans son coin. L’ANER reconnaît que le moment est venu de trouver un fil d’Ariane entre les différents programmes pour ne pas se perdre dans les labyrinthes des câbles. ‘’Il faut la mise en place d’un cadre de concertation pour réunir les acteurs, une entité de référence qui doit avoir une vision générale, et que les projets soient validés par l’ANER ou une autre structure que l’Etat mettra en place’’, suggère Gora Niang.

Avec ces nombreux projets, se pose également un défi sur le plan de la pérennisation. Non pas à cause de la qualité du matériel, puisque l’Etat saura trouver les bons équipements et les bons techniciens pour l’installation. Mais plutôt la maintenance. Le plus gros problème pourrait être les lampadaires solaires. Il suffit juste de voir que l’autoroute Patte d’Oie-échangeur Malick Sy était bien éclairée en un moment. Mais par la suite, elle est devenue sombre à cause essentiellement de deux facteurs : le vol du matériel et la destruction de poteaux par les véhicules. Pour le cas du vol, les autorités ont voulu trouver un argument rédhibitoire. Ainsi, la plaque et la batterie sont situées au-dessus de la lampe à 7 mètres du sol. Le DG de l’ANER espère qu’un voleur réfléchira à deux fois avant d’entreprendre une opération de subtilisation d’un outil situé à 7 mètres de hauteur. Pour l’instant, aucun cas de vol n’est noté.

La destruction semble toutefois être le cas le plus difficile à résoudre. Il existe des pare-chocs pour protéger les lampes, mais Gora Niang a déjà relevé une lampe complètement renversée par un bus Dakar Dem Dikk. D’autres véhicules ont également heurté les pare-chocs d’autres lampes, sans pour autant les déterrer. Mais dans le temps, vu l’incivisme de certains chauffeurs, cela pourrait poser un problème de durée de vie. Les actes de vandalisme sont aussi à redouter. En outre, ce qui constitue jusqu’ici une solution pour éviter le vol complique en même temps l’entretien. Assurer la maintenance d’un appareil placé à 7 mètres d’altitude constitue en effet une opération qui nécessite des moyens. Il faut nécessairement des engins d’élévation pour le faire.

Le problème reste le même pour les structures communautaires ainsi que les institutions étatiques. Une solution n’est pas encore trouvée à cette difficulté, mais M. Ndiaye pense que la mise en place d’une société nationale de maintenance des équipements solaires pourrait être une solution. Autant de difficultés qui prouvent que le Sénégal veut peut-être basculer vers le solaire, comme l’a souhaité le président Macky Sall, mais il lui faudra d’abord trouver des réponses à un certain nombre de questions cruciales pour l’avenir des équipements.

BABACAR WILLANE

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