Publié le 23 Aug 2020 - 03:15
PRISE EN CHARGE PSYCHOSOCIALE DES COVIDES

La touche de l’OMS

 

Il n’est plus difficile, pour un malade de la Covid-19, de bénéficier d’une prise en charge psychosociale. L’Organisation mondiale de la santé a organisé hier, en collaboration avec la Cellule nationale de soutien psychosocial du ministère de la Santé, une formation des psychiatres, des psychologues et des assistants sociaux qui vont permettre aux acteurs communautaires de mieux s’adapter, afin de répondre efficacement aux besoins psychologiques et sociales des populations.

 

La prise en charge psychosociale n’est pas très connue au Sénégal. Beaucoup de personnes ignorent même son existence. Plusieurs acteurs de la santé soulignent qu’elle est un peu négligée. Dans la lutte contre la pandémie du coronavirus, cette prise en charge fait partie du traitement des patients et de leurs accompagnants. Sauf que pour le faire, il faut assez de personnel. A ce sujet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a organisé hier une session de renforcement de capacités pour des formateurs (psychiatres, des psychologues et des assistants sociaux). Ces derniers vont, à leur tour, dans les différentes régions du Sénégal, former les acteurs communautaires à la prise en charge psychosociale.

En effet, souligne le point focal Prise en charge psychosociale de l’OMS, Docteur Boris Houga, la Covid est une pathologie nouvelle qui peut générer de l’anxiété. C’est pourquoi, soutient-il, il est important d’associer à la prise en charge médicale la prise en charge psychosociale.  A son avis, depuis la décision de la prise en charge extrahospitalière et à domicile, ils se sont rendu compte qu’il était important d’outiller des acteurs communautaires à la prise en charge psychosociale. ‘’Ces acteurs doivent être formés pour prendre en charge des patients. Nous voulons qu’à travers cela, quand il y a un problème dans les régions, sur le terrain, qu’un acteur communautaire puisse le régler. On n’a pas besoin d’un assistant social pour se déplacer. Donc, il faut que les acteurs communautaires bénéficient d’une capacitation pour mieux faire face aux réalités de la Covid dans cette prise en charge. Parce qu’au Sénégal, nous n’avons pas assez de psychiatres, ni d’assistants sociaux, et le métier de psychologue au Sénégal n’existe pratiquement pas’’, explique le Dr Houga.

Cependant, notre interlocuteur précise qu’avant l’avènement de la prise en charge hospitalière, extrahospitalière et domiciliaire, la Cellule de soutien psychosocial national existait déjà. Mais ils se sont rendu compte qu’il y avait beaucoup plus de patients que de psychiatres et d’assistants sociaux. ‘’S’il y a une leçon à tirer de la Covid, c’est l’importance de la prise en charge psychosociale dans nos contrées’’. Dans la rédaction de la riposte contre la Covid, c’est un maillon que les autorités ne veulent plus négliger. Docteur Hougo : ‘’On se rend compte aussi à posteriori que c’est un maillon très important qui devait faire partie de la rédaction, mais pas qu’être consulté. On doit inscrire dans les tests que la prise en charge psychosociale est importante et devrait faire partie de la prise en charge médicale.’’

Durant cette formation, ils ont appris à faire un entretien en psychiatrie. ‘’On leur a appris à faire l’écoute captive. Ecouter une personne qui est en train de parler et écouter une personne parce qu’on veut l’aider, c’est différent. C’était plus une capacitation à l’écoute active’’, renseigne-t-il.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

DOCTEUR ABOU SY, PSYCHOLOGUE

‘’Face à l’idée de la maladie et à celle de la mort, les premiers cas ont eu des répercussions’’

Depuis le début de la pandémie, le ministère de la Santé et de l’Action sociale a mis en place une Cellule nationale de soutien psychosocial pour accompagner les impactés. Dans cet entretien, le coordonnateur de ladite cellule, Docteur Abou Sy, explique l’apport de ce traitement sur l’individu, avant d’étaler les stratégies mises en place dans les 14 régions du pays.

Quel est l’intérêt d’accompagner psychologiquement des malades dans cette pandémie ?

C’est une maladie certes à composante somatique, mais avec beaucoup de répercussions sur le plan social. La Covid a ses particularités. On ne peut pas dire, sur le plan somatique, qu’elle est très bruyante, parce que nous avons beaucoup de patients asymptomatiques. Néanmoins, ces patients présentent très souvent des problèmes d’ordre sociaux ou psychologiques. Ce, du fait de l’impact que la maladie peut avoir sur leur propre personne, sur leur environnement et leur entourage, entrainant des éléments que nous connaissons tous, tels que la stigmatisation et le déni.

Face à ces éléments, on ne peut pas ne pas prendre en charge sur le plan psychologique et social les patients impactés par la Covid-19.

Vous avez pu rencontrer des cas. Comment vous avez trouvé leur état ?

 Souvent, les patients, avant même d’entrer dans les phases initiales de la maladie, sont affectés. Cela est dû aux informations quelquefois douteuses qui circulaient concernant la létalité et la mortalité de la maladie.

Donc, les premières personnes contaminées, face à l’idée de la maladie et à celle de la mort, ont eu des répercussions sur le plan psychologique. Elles ont été très atteintes psychologiquement. A partir de ces moments, nous avons vu l’intérêt de les suivre. De même, la charge de travail du personnel soignant qui a été rapidement débordé dans les autres pays, a fait que le ministre de la Santé, depuis le début, a pointé du doigt la nécessité d’accompagner aussi le personnel de santé. C’est pour éviter les effets du ‘’burn out’’ qu’on a constaté dans les pays où la maladie a émergé. On a vu tous ces aspects au Sénégal. La cellule mise en place au ministère de la Santé a accompagné autant le personnel de la santé que les impactés de la Covid. C’est-à-dire les patients qui ont été testés positifs, les cas contacts, les personnes qui ont été mises en quarantaine, mais aussi les familles. Parce que, par rapport à l’information qui circulait, les gens qui étaient avec les premières personnes contaminées, il y a eu facilement une réaction au niveau familial. Donc, ces réactions, il fallait les prendre en charge pour que cela n’entraine pas d’autres conséquences désastreuses au niveau individuel et collectif.

Comment vous y êtes parvenu ?

Dès l’instant que cette charge m’a été confiée par l’autorité, nous nous sommes appuyés sur les différents services de psychiatrie, de psychologie qui existent au Sénégal. Il s’agit du Service de psychiatrie de l’hôpital Principal de Dakar, le Service de psychiatrie du centre hospitalier national universitaire de Fann, qui ont mis à notre disposition du personnel. Nous avons aussi contacté la Direction générale de l’action sociale avec qui nous sommes en étroite collaboration. Nous avons, par l’intermédiaire de ce réseau, mis en place à Dakar, puis au niveau national. Comme vous le savez, la cellule est représentée dans les 14 régions. On va, dans une phase communautaire, l’étaler jusque dans les districts. Cela nous a permis, par l’intermédiaire d’entretiens individuels, téléphoniques, mais aussi des visites à domicile dans les cas où cela s’avérait et que les conditions de sécurité le permettaient, la mise en place de groupes de parole dans les centres de traitement épidémiologique (CTE) pour accompagner le personnel, de pouvoir prévenir les effets néfastes sur le plan psychosocial de cette maladie.

Est-ce qu’en matière de chiffres, on peut avoir un pourcentage des personnes qui ont eu accès à ces services ?

En matière de chiffres, je ne peux pas le dire. Mais les rapports mensuels que nous remettons à l’autorité nous ont permis de voir que pas mal de personnes ont été suivies psychologiquement. Je ne peux pas dire la proportion exacte, en ce moment. Mais toutes les personnes dont la prise en charge a été requise par l’intermédiaire du personnel de santé ont été prises en charge. Mais aussi toutes les personnes qui ont été suivies dans les centres de traitement et qu’on a mises à notre disposition, nous les avons contactées ; celles qui ont besoin d’être suivies l’ont été. Celles qui n’ont pas besoin d’être suivies, on a mis à leur disposition l’offre pour leur dire qu’elles pouvaient à tout moment recourir aux éléments de la cellule qui sont installés à Dakar au ministère de la Santé, sous la houlette de la directrice générale de la Santé.

Dans les régions, c’est au niveau des régions médicales, sous la houlette des médecins-chefs de région.

Il nous semble que certains impactés n’ont pas été réceptifs par rapport à cette prise en charge ?

Je ne dirais pas réceptif. Il y a eu certaines personnes qui nous ont dit n’avoir pas besoin d’être suivies. Cela est tout à fait normal. Je rappelle que c’est un suivi qui n’est pas intrusif. Mais c’est une offre d’accompagnement pour permettre à la personne de pouvoir être bien. Mais par rapport aux activités que nous avons reçues, presque la totalité des personnes que nous avons contactées n’ont pas refusé nos appels téléphoniques. Pour la plupart, ils l’ont même très bien pris. Cette cellule est composée de psychiatres, de psychologues, d’assistants sociaux, de travailleurs sociaux, de psychologues conseillers répartis dans tout le pays. Cette formation va aboutir à la formation de 44 formateurs, qui vont examiner dans le pays pour impliquer la formation au niveau communautaire. C’est pourquoi on a appelé tous les agents des 14 régions pour qu’ils viennent à Dakar afin d’être formés.

VIVIANE DIATTA

 

Section: