Des violations de bout en bout

Le rapport public sur l’état de la gouvernance et de la reddition des comptes présenté au Chef de l’Etat par l'Inspection générale d'Etat exhibe des violations en série de la Réglementation financière, au cours des 10 dernières années en matière de dépenses publiques.
Tout un arsenal juridique structuré autour de dispositions législatives et réglementaires entoure la gouvernance financière pour éviter certaines dérives. Malgré ces garde-fous, l’Inspection générale d’Etat (IGE) constate dans son rapport que le maillage législatif et réglementaire des procédures budgétaires surtout relativement à la dépense publique, ‘’ a fait l’objet de nombreuses violations’’ au cours des 10 dernières années. Ceci, de la part de certaines autorités et gestionnaires publics. La preuve, l’IGE rappelle dans son rapport, que ‘’l’audit de la dette publique réalisée entre 2009 et 2011 a montré des dérives particulièrement importantes dans le cadre de l’exécution de la loi de finances’’. Une mal gouvernance qui s’est manifestée tant au niveau de la dette régulière qu’irrégulière. D’après les constats faits par la mission de l’IGE, concernant la dette régulière, les micmacs résident dans les ponctions de crédits qui ont réduit les montants des autorisations budgétaires initialement prévus alors que les dépenses ont été engagées. Dans cette situation, les vérificateurs imputent la faute au ministère de l’Économie et des Finances (MEF) accusé d’être le responsable du paiement des dépenses. Car, renseignent les services de Nafi Ngom, ‘’ces ponctions opérées à l’insu des gestionnaires étaient intervenues après la phase de l’engagement et après l’émission des titres de créances et de certification pour le système d’information du MEF’’. A l’analyse du rapport, c’est au niveau de la dette irrégulière que les dérives ont été plus constatées. Cela s’est traduit entre autres par une prolifération et un recours irrégulier à des avances de trésorerie, un placement des fonds publics hors des circuits du Trésor, et un endettement plus important à l’échelon central au niveau des ministères de l’Enseignement supérieur, de la Santé et des Forces armées….
Toujours est-il que les ponctions budgétaires opérées par le MEF ont été, d’après les vérificateurs, souvent invoquées pour expliquer les divers dépassements budgétaires. Dans ces dépassements budgétaires, les ministères de l’Intérieur et de la Santé s’illustrent par des dépenses hors budget. Pour le ministère de l’Intérieur, au cours de la gestion 2008 ou plus exactement sous les magistères de Ousmane Ngom et de Cheikh Tidiane Sy (ministre avril 2008 - octobre 2009), des crédits ont été ponctionnés à la suite de la lettre circulaire n° 0008/PM/CAB du 19 mai 2008. D’après l’IGE, les dépenses hors budget s’élevaient en 2008 à 13 milliards 46 millions 17 mille 939 F Cfa. Or, après vérification, il a été découvert une réduction en 2007 et 2008 des crédits à la Direction générale de la sécurité nationale mais pour des montants largement en deçà du total des dépenses non engagées. Une baisse des crédits de la DAGE de 28 millions 508 mille 860 F Cfa en 2007, a été aussi décelée.
Pour le ministère de la Santé, l’IGE a relevé que 22 établissements de santé accusaient un endettement estimé à 14 milliards 204 millions 485 mille 610 F constitués d’arriérés dus aux fournisseurs, à l’Etat et aux institutions de Prévoyance. Et, poursuit le rapport, cette dette pouvait être estimée à 17 milliards 930 millions 839 mille 458 au 31 décembre 2008 car les dépenses hors budget s’élevaient à 3 milliards 726 millions 352 mille 848 F Cfa’’.
Les avances de trésorerie et les fonds publics placés hors des circuits du trésor ont été identifiés comme des causes d’endettement.
L’IGE ne s’est pas limitée à diagnostiquer le mal qui mine la gouvernance financière mais elle a proposé des mesures correctives. Ce, d’autant que, souligne le rapport, ‘’ces pratiques constituent des dérapages graves pouvant cacher diverses formes de malversations financières et avaient donné lieu à des propositions de sanctions administratives et pénales non suivies d’effets’’. C’est pourquoi, comme solution, le rapport préconise l’audition du MEF sur les dépenses hors budget, le rejet de certaines prestations et fournitures relevant de commandes et de réceptions fictives. Dans ses recommandations, l’IGE suggère la simplification de la procédure d’exécution des dépenses publiques pour éviter le contournement de la réglementation.