Plus de 230 millions victimes dénombrées

Selon un rapport réalisé dans 31 pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie où les mutilations génitales féminines (MGF) sont pratiquées, plus de 230 millions de filles et de femmes en ont été victimes. Le document revient sur les types de MGF, leurs conséquences et leur impact sur la santé des jeunes filles et femmes.
Les mutilations génitales féminines sont pratiquées dans de nombreux pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie. Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 230 millions filles et de femmes ont subi des mutilations génitales féminines (MGF) dans 31 pays où les MGF sont pratiquées. ‘’Les mutilations génitales sont pour la plupart pratiquées sur les filles entre la petite enfance et l’adolescence, et parfois sur des femmes adultes. Selon les données disponibles émanant de 31 pays où les MGF sont pratiquées, dans l’ouest, l’est et le nord-est de l’Afrique, et dans certains pays du Moyen-Orient et d’Asie, plus de 230 millions de filles et de femmes vivantes aujourd’hui ont été victimes de ces pratiques, et on estime à plus de trois millions le nombre de filles exposées au risque de subir des MGF chaque année. Il s’agit donc d’un problème mondial’’, souligne le document.
Selon toujours le rapport, le traitement des complications médicales des MGF coûterait aux systèmes de santé 1,4 milliard de dollars des États-Unis (USD) par an, un chiffre qui devrait augmenter, si des mesures urgentes ne sont pas prises pour qu’elles soient abandonnées.
En effet, ‘’les MGF comprennent toutes les interventions qui impliquent l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou toute autre lésion des organes génitaux féminins qui sont pratiquées pour des raisons non médicales. Ces pratiques d’après le document, ne présentent aucun avantage pour la santé des jeunes filles et des femmes et peuvent provoquer de graves hémorragies et des problèmes urinaires, et par la suite des kystes, des difficultés menstruelles, des infections ainsi que des complications lors de l’accouchement, et elles augmentent le risque de décès néonatal’’.
Ainsi, la pratique des MGF est considérée comme une violation des droits humains des jeunes filles et des femmes à l’échelle internationale. ‘’Elle est le reflet d’une inégalité profondément enracinée entre les sexes et constitue une forme extrême de discrimination à l’égard des filles et des femmes. Elles sont presque toujours pratiquées sur des mineures et constituent une violation des droits de l’enfant. Ces pratiques sont également contraires au droit à la santé, à la sécurité et à l’intégrité physique ; au droit à ne pas être soumis à la torture et aux autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ; ainsi qu’au droit à la vie lorsqu’elles ont des conséquences mortelles’’, s’insurgent les auteurs.
Ils soulignent, en outre, que dans plusieurs contextes, les données semblent indiquer que les soignantes et les soignants participent davantage aux MGF, car on pense que ces actes sont plus sûrs s’ils sont médicalisés. Or, l’OMS exhorte les soignantes et les soignants à ne pas pratiquer de MGF. De ce fait, elle a élaboré une stratégie mondiale et des documents spécifiques pour soutenir le secteur de la santé et les personnels soignants à mettre fin à la médicalisation des MGF.
Les quatre grandes catégories de mutilations génitales féminines
Selon l’OMS, il existe quatre grandes catégories de mutilations génitales féminines que sont : l’ablation partielle ou totale du gland clitoridien (petite partie externe et visible du clitoris et partie sensible des organes génitaux féminins) et/ou du prépuce/capuchon clitoridien (repli de peau qui entoure le clitoris) ; l’ablation partielle ou totale du gland clitoridien et des petites lèvres (replis internes de la vulve), avec ou sans excision des grandes lèvres (replis cutanés externes de la vulve) ; l’infibulation, ou rétrécissement de l’orifice vaginal par recouvrement, en sectionnant et en repositionnant les petites lèvres, ou les grandes lèvres, parfois par suture, avec ou sans ablation du prépuce/capuchon et gland clitoridiens ; et toutes les autres interventions néfastes au niveau des organes génitaux féminins à des fins non médicales, consistant par exemple à piquer, percer, inciser, racler ou cautériser les organes génitaux.
L’OMS fait remarquer que les mutilations génitales féminines ne présentent aucun avantage pour la santé et sont préjudiciables à bien des égards aux jeunes filles et aux femmes. Ainsi, souligne-t-on, même si toutes les formes de mutilations génitales féminines sont associées à un risque accru de complications médicales, plus les mutilations sont importantes, plus les risques augmentent.
Selon les rapporteurs, les complications immédiates sont notamment une douleur violente, les saignements excessifs (hémorragie), le gonflement des tissus génitaux, la fièvre, les infections telles que le tétanos, les problèmes urinaires, les problèmes de cicatrisation de la blessure, les lésions des tissus génitaux adjacents, l’état de choc et le décès.
Les complications à long terme sont notamment des problèmes urinaires (miction douloureuse, infections des voies urinaires), des problèmes vaginaux (pertes vaginales, ulcération, vaginose bactérienne et autres infections), des problèmes menstruels (règles douloureuses, difficultés d’écoulement du sang menstruel, etc.), des problèmes liés aux tissus cicatriciels et chéloïdes, des problèmes sexuels (douleur pendant les rapports sexuels, diminution du plaisir sexuel, etc.), un risque accru de complications lors de l’accouchement (accouchement difficile, hémorragie, césarienne, nécessité de réanimer le nourrisson, etc.) et de décès des nouveau-nés, la nécessité d’actes chirurgicaux ultérieurs : les femmes ayant subi une MGF de type 3 peuvent nécessiter une désinfibulation (ouverture de la cicatrice vulvaire de l’infibulation pour permettre les rapports sexuels et l’accouchement, des problèmes psychologiques (dépression, anxiété, stress post-traumatique, faible estime de soi, etc.).
Ces facteurs culturels et sociaux contribuant à la pratique des MGF ?
Le rapport de l’OMS s’est également intéressé aux raisons pour lesquelles les mutilations génitales féminines sont pratiquées. Il renseigne qu’elles varient d’une région à l’autre et au fil du temps, et que divers facteurs socioculturels au sein des familles et des communautés sont en cause. ‘’Là où les mutilations génitales féminines relèvent d’une convention (norme) sociale, la pression sociale qui incite à se conformer à ce que font ou ont toujours fait les autres, ainsi que le besoin de reconnaissance sociale et la crainte du rejet par la communauté, constituent une forte motivation pour perpétuer cette pratique’’, renseignent les rapporteurs.
Ainsi, les mutilations génitales féminines sont souvent considérées comme faisant partie de la nécessaire éducation d’une jeune fille et de sa préparation à l’âge adulte et au mariage. Elles peuvent ainsi viser à contrôler sa sexualité pour favoriser la virginité prénuptiale et la fidélité conjugale.
Ils font aussi remarquer que, bien qu’aucun texte religieux ne prescrive cette intervention, certaines personnes pensent qu’elle a un fondement religieux. ‘’Les autorités religieuses adoptent des positions variables à l’égard des mutilations génitales féminines : certaines contribuent à leur élimination’’, souligne le rapport.
Les MGF médicalisées
Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles le personnel médical pratique les mutilations génitales féminines. Le rapport cite la croyance selon laquelle le risque de complications associées aux MGF médicalisées est moindre par rapport à celui associé aux MGF non médicalisées, la conviction que la médicalisation des MGF pourrait être un premier pas vers l’abandon total de la pratique. Ainsi, renseigne le rapport, ‘’le personnel médical qui pratique les MGF est lui-même membre des communautés pratiquant les MGF et est soumis aux mêmes normes sociales ; et une incitation financière à se livrer à la pratique’’.
Cependant, indique-t-on, avec le soutien et la formation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de nombreux prestataires de soins deviennent des partisans de l’abandon des MGF dans le cadre clinique et auprès de leurs familles et communautés. C’est dans ce cadre qu’en 2008, l’Assemblée mondiale de la Santé a adopté la résolution WHA61.16 sur l’élimination des mutilations sexuelles féminines, dans laquelle elle souligne qu’une action concertée est nécessaire dans les secteurs tels que l’éducation, les finances, la justice et les affaires féminines ainsi que dans le secteur de la santé.
‘’L’OMS soutient une réponse globale du secteur de la santé pour la prévention et la prise en charge des MGF, en élaborant des orientations et des ressources pour les personnels soignants afin de prévenir les MGF et de prendre en charge leurs complications, et en aidant les pays à adapter ces ressources aux contextes locaux et à les mettre en œuvre. Elle produit également des données probantes pour améliorer la compréhension des MGF et des moyens de mettre fin à cette pratique néfaste’’, note le rapport.
Il renseigne que l’OMS a élaboré une stratégie mondiale contre la médicalisation des MGF avec des organisations partenaires et elle continue d’aider les pays à la mettre en œuvre. ‘’Les lignes directrices de l'OMS sur la prise en charge des complications des mutilations sexuelles féminines. La déclaration interinstitutions sur les mutilations sexuelles féminines. La décision de la Gambie de maintenir l’interdiction des mutilations génitales féminines représente une victoire cruciale pour les droits des filles et des femmes 15 juillet 2024’’, se réjouissent les auteurs.
CHEIKH THIAM