Publié le 20 Apr 2024 - 13:35
RENÉGOCIATION DES CONTRATS PÉTROLIERS

Ces possibilités qui s’offrent au Sénégal

 

Les nouvelles autorités du Sénégal avaient agité l’idée d’une renégociation des contrats pétroliers, une fois au pouvoir. Cette situation reste possible, même si, selon certains experts dans le domaine des ressources extractives, le Sénégal doit s’appuyer sur le levier des coûts pétroliers pour que ces prochaines négociations puissent être bénéfiques aux populations.

 

Si le Sénégal veut entamer une renégociation des contrats pétroliers pour le bénéfice des populations, plusieurs possibilités lui sont offertes.

Mais selon Oumar Moussa, expert tchadien dans le domaine du secteur extractif, le levier le plus pertinent se trouve dans la révision des coûts pétroliers. Il s’est exprimé en marge d’un atelier de renforcement de capacités des journalistes membres de la Convention des jeunes reporters du Sénégal (CJRS) qui se tient à Saly Portudal sur le ‘’Journalisme d’investigation dans le secteur extractif’’ et organisé par le Forum civil et l’USAID.

En effet, l’article 20 du Code pétrolier de 2019 explique clairement les conditions du régime de partage de productions qui relie les parties du contrat.

Deux points essentiels pour la renégociation

Dans ce cadre, à la fin de la phase d’exploration, le coût pétrolier dépensé par l’entreprise qui avait pris le risque dans la phase devra être remboursé en partie par l’État. Ce coût est réparti en 11 dépenses, dont la dernière reste encore vague : ‘’Autres dépenses’’.

 Dans ce sens, l’expert tchadien estime que c’est à ce niveau que la négociation doit être accentuée. ‘’Le dernier élément qu’on avait présenté par rapport aux autres dépenses semble imprécis. Il faudrait que l’État puisse s’asseoir avec la compagnie, discuter et préciser la notion des autres dépenses, donner des perspectives de direction pour éviter que la compagnie ne puisse surestimer les coûts ou majorer les dépenses. On lance la balle dans le camp de la compagnie pour lui dire de mentionner tout ce qu’il veut mettre dans les coûts pétroliers. Donc, soit on doit éliminer tout ce qui est relatif aux autres dépenses, soit on doit donner des précisions’’, indique Oumar Moussa.

Dans le même cadre, il indique qu’en droit de société, il y a trois types d’apports : en numéraire (de l’argent qu’on apporte en capital pour la société), en nature (des biens et des matériels) et en industrie (la connaissance que vous allez apporter). Dans cette perspective, il assure que le Sénégal gagnerait mieux à négocier pour avoir un transfert de technologie.

Pour lui, si on veut envisager une réforme, normalement, pour la part de participation de Petrosen, c’est cet élément qu’on doit prendre en compte par rapport aux 10 % représentant la part de la société nationale. ‘’Par rapport à la renégociation sur les critères de partage, ça a déjà été fait en 2019. On a évolué de la production journalière vers les facteurs R. Cela permet de stabiliser jusqu’à 40 %. Maintenant, ce qu’on va essayer de faire ici par rapport à nos 10 % de Petrosen, parce que la part de Petrosen est différente de celle de l’État. Sur la part de Petrosen, les 10 % sont bons, mais on doit aller vers une politique de transfert de la technologie’’, suggère Oumar Moussa.

En termes plus clairs, explique-t-il, ‘’on doit dire à la compagnie qui vient exploiter : non seulement, vous allez donner à Petrosen comme participant gratuit, mais sur votre participation, que ce soit 30 ou 40 %, vous devez céder une part, c’est-à-dire, vous allez faire un apport en industrie. Donc, vous n’allez pas acheter avec de l’argent vrai, mais vous allez apporter de la connaissance, de la technologie à hauteur de 10 ou 15 %. Ensuite, sur la base de ce que vous avez apporté, nous allons vous rémunérer. C’est une règle bien possible’’, assure-t-il.

La situation actuelle des gains du Sénégal dans ces contrats

En outre, souligne Oumar Moussa, ‘’la part de l'État du Sénégal dans la production ne se limite pas à 10 %. Ce pourcentage représente la participation de Petrosen dans le consortium. C'est d'ailleurs une participation gratuite qui pourra être augmentée en phase de l'exploitation jusqu'à 20 %. Ce 10 % supplémentaire n'est plus gratuit, Petrosen doit racheter, si elle décide d'augmenter’’.

D’ailleurs, poursuit le juriste, en plus de la part de Petrosen qui oscille entre 10 et 20 %, l'État du Sénégal, en tant que partie au contrat, aura droit à une part dans le profit pétrolier. ‘’Cette part varie selon les contrats, mais dans tous les cas, elle est déterminée sur la base du volume de la production journalière. L'article 22 du CRPP pour le bloc de Sangomar fixe des fourchettes de réparation. La part de l'État dans ce le profit oscille entre 15 et 40 %, selon le nombre de barils produit par jour. Avec la dernière réforme du Code pétrolier en 2019, l'article 34 a changé les critères de partage. Désormais, c'est le ratio entre les revenus cumulés et les investissements cumulés qui permet de partager le profit. Ce Facteur R permet de stabiliser la part de l'État au minimum 40 % et maximum 60 %. Mais ce critère ne s'applique pas encore aux contrats en cours d'exécution. Il faudra attendre les prochains contrats’’, fait savoir M. Moussa.

Tout cela est compté en marge des taxes et autres impôts glanés par l’État du Sénégal dans le cadre de l’exploration et de l’exploitation dans le secteur minéral. ‘’En plus de ces deux sources de revenus, l'État a droit à un prélèvement fiscal. Il perçoit un impôt sur le bénéfice des sociétés, dont le taux d'imposition est fixé à 30 %. En plus de l'impôt, il a droit à une redevance sur la production totale dont le taux varie entre 6 et 10 % en fonction de la nature du gisement et de la profondeur du gisement (offshore, offshore profond, onshore, etc.). Toutefois, cette redevance prévue à l'article 42 du Code pétrolier de 2019 ne s'applique pas aux contrats en cours d'exécution qui sont protégés par des clauses de stabilisation’’.

Enfin, Oumar Moussa précise que toute la production n'est pas destinée à être partagée. À l’en croire, ‘’une grande partie de la production est destinée au remboursement des coûts pétroliers. L'article 34 du Code pétrolier et l'article 22 du contrat (Bloc Sangomar) fixent un plafond de 70 % annuellement pour rembourser les coûts supportés par la compagnie pétrolière. Donc, ce sont les 30 % restants de la production après remboursement des coûts qui sont destinés au partage’’.

IDRISSA AMINATA NIANG (Mbour)

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