Le président de la République a recueilli les doléances des maîtres coraniques, hier, lors d’une journée désormais institutionnalisée comme celle dédiée aux Daaras.  

C’est tout le Sénégal des communautés des Daaras qui s’est donné rendez-vous hier au Centre international de conférences Abdou Diouf de Diamniadio (Cicad). À l’invitation du président de la République, une journée a été dédiée aux difficultés que traverse l’enseignement coranique. L’occasion pour Macky Sall de communier avec les acteurs du sous-secteur, de recueillir leurs avis afin de prendre des décisions pour une amélioration durable de la situation des Daaras au Sénégal.

Un premier défi que doit relever l’éducation coranique pour mieux bénéficier de l’appui du gouvernement est la formalisation.  Ce n’est que dans ce cadre que les autorités pourront avoir assez d’éléments pour budgétiser les ressources nécessaires à leur bonne marche. En attendant des statistiques précises, le président  de la République a donné des instructions pour ‘’réserver 20 % du fonds de dotation dédié à l’éducation aux Daaras. Pour cette année, ce fonds est arrêté  à 33 milliards de francs CFA. Donc, 20 % va correspondre à 6,6 milliards’’.

En prenant cette décision, Macky Sall suit une certaine logique. Dans le budget 2023, plus de 1 000 milliards de francs CFA ont été alloués à l’éducation. ‘’Donc, il devrait être possible d’y introduire les Daaras. Mais pour cela, il est indispensable de recenser le nombre de Daaras et organiser l’aide dont ils ont besoin. Avec l’aide des préfets, sous-préfets, des inspections d’académie, nous allons transformer l’inspection des Daaras en une direction nationale’’, fait savoir le chef de l’État.  

Une Direction nationale des Daaras

Ces promesses du président de la République suivent une série d’attentes exprimées par les 14 représentants des délégations de maîtres coraniques issues de tous les départements du Sénégal : bénéficier de la couverture maladie universelle, de logements adéquats, de subvention de la location, de terres pour accueillir leurs Daaras et s’adonner à l’agriculture, obtenir des semences de l’État, l’élargissement des Daaras modernes pour contrer la mendicité, avoir des salaires et entrer dans la Fonction publique, etc.

Tous ont trouvé une oreille attentive du président de la République pour qui la rencontre d’hier est une occasion pour rappeler que les Daaras font partie intégrante du système éducatif sénégalais. ‘’Nous voulons faire une inclusion sociale et une justice sociale pour que chaque enfant du pays puisse participer au développement national. La langue d’étude ne doit pas être source de discrimination. Les Daaras et les diplômes en  langue arabe qu’ils produisent font partie de la phase II du Plan Sénégal émergent (PSE) dénommé ‘’Développement humain’’, retient Macky Sall.

Avec les Daaras modernes lancés par le gouvernement, la formation professionnelle s’invite dans la cour des écoles coraniques. Selon le président de la République, la 3FPT est déjà dans les Daaras avec 1 145 pensionnaires qui ont reçu des financements pour 450 millions dans divers projets.  D’autres mesures ont été annoncées en faveur des maîtres coraniques telles qu’une catégorie dédiée aux maîtres coraniques lors des futures distributions de semences dans les localités.

Rempart contre le terrorisme

Ces efforts sont nécessaires pour le chef de l’État qui estime que la meilleure manière de combattre  le terrorisme dans le pays est d’enseigner convenablement la religion : ‘’Il est aisé de détourner l’esprit de gens non imprégnés de nos valeurs religieuses. Donc, je suis d’avis qu’il faut une présence des cours de religion, même au sein des écoles. Nous pouvons adapter aux nouvelles connaissances sans pour autant renier nos croyances culturelles et civilisationnelles.’’

Les Daaras ont valu beaucoup de satisfactions au Sénégal. Les auteurs de la révolution Torodo au Fouta en 1776 ont été formés au Daara de Pire. Plus récemment, les jeunes Sénégalais se distinguent dans des concours internationaux de récital du Coran.  Ndombor Sène en 2016 en Malaisie, Mouhamed Moudjtaba Diallo et Sokhna Mame Diarra Ngom en 2017 en Malaisie, Sokhna Maïmouna Lo en 2018 à Dubaï, Mouhamed Mahi Touré en 2021 au Maroc ont tous porté très haut les couleurs du Sénégal. La dernière en date est Sokhna Ndatté Cissé, qui a remporté le premier prix du récital du Saint Coran en octobre dernier à Dubaï. Les honneurs se poursuivent pour la championne qui a reçu hier 10 millions de francs CFA du président de la République. Son formateur a également été récompensé par le chef de l’État à hauteur de 2 millions de francs CFA.

10 millions pour Sokhna Ndatté Cissé

Une question qui est beaucoup revenue dans les doléances des maîtres coraniques, est l’arrestation de quelques-uns de leurs collègues. Mansour Samb, représentant du département de Dakar, a fait savoir au président de la République : ‘’Nous avons beaucoup de collègues maîtres coraniques dans les liens de la détention. Nous vous demandons de bien vouloir les gracier, comme en bénéficient beaucoup d’autres prisonniers lors de périodes solennelles. Nous ne sommes pas des anges, mais des êtres humains qui peuvent fauter.’’

Mais sur cette grâce, le président de la République a rappelé qu’elle est organisée et ne peut intervenir qu’une fois que la procédure judiciaire est complète. ‘’Il ne faut pas oublier que toute personne arrêtée l’a été sur la base d’accusations. Je pourrais peut-être intervenir sur les contentieux administratifs ou relevant de l’escroquerie. C’est des choses que l’on peut pardonner. Mais il y a des dossiers sérieux, dont la détention d’arme de troisième degré sans autorisation, séquestration de mineurs, pédophilie, coups et blessures volontaires, actes de tortures. Dans ces cas, c’est aux tribunaux de trancher’’, assure Macky Sall.

Lamine Diouf