Publié le 16 Jul 2015 - 09:12
RETOUR DE PARQUET

Mouhamed Guèye et Alioune Badara Fall feront face au procureur aujourd’hui

 

Les deux directeurs de publication de L’observateur et du Quotidien n’ont pas vu hier le procureur de la République. Ils seront entendus aujourd’hui, en compagnie du journaliste Mamadou Seck de L’Observateur.

 

Les directeurs de publication Mouhamed Guèye (Le Quotidien) et Alioune Badara Fall (L’Observateur), ainsi que le grand reporter Mamadou Seck (L’Observateur) ont passé la nuit d’hier au commissariat central de Dakar. Une deuxième nuit en détention pour le premier nommé. C’est aujourd’hui, qu’ils feront finalement face au procureur de la République au palais de justice de Dakar. Les deux journalistes de L’Observateur devront répondre du chef de divulgation de secret défense. Mohamed Guèye est poursuivi pour violation du secret de l’instruction.  Ils ont cependant un autre point en commun, en dehors du fait d’avoir été convoqués à la gendarmerie en même temps, les enquêteurs de la section de recherches exigent d’eux la révélation des sources qui les ont informés. Une exigence en porte-à-faux avec les lois qui régissent la fonction de journaliste.

La nouvelle du retour de parquet est tombée vers 19 heures au palais de justice de Dakar, devant un parterre de journalistes venus nombreux témoigner leur sympathie à leurs collègues incarcérés. Ce retour de parquet a surpris plus d’un. Mais, la nouvelle a été encaissée dans un calme plat. Plusieurs responsables de la presse étaient là.

La presse se solidarise

En effet, les journalistes se sont mobilisés hier. Les plus en vue étaient ceux de L’Observateur. D’ailleurs, on avait l’impression que la rédaction du quotidien s’était délocalisée au tribunal. Tout le groupe Futurs médias était là. Egalement, on a assisté à un ballet des directeurs de publication des différents quotidiens : ‘’Sud quotidien’’, ‘’EnQuête’’, ‘’Le Populaire’’, entre autres. La monotonie de la longue attente a été interrompue par le passage de l’abbé Diouf qui a fait un sermon à l’intention des journalistes. De passage à la cave, le prélat n’a pas manqué de leur remonter le moral.

Tout compte fait, les journalistes placés en garde à vue seront édifiés aujourd’hui au palais de justice de Dakar.

REACTIONS

MAMADOU IBRA KANE, DIRECTEUR GENERAL DU GROUPE FUTURS MEDIAS

‘’On les retient pour qu’ils craquent, ce qu’ils ne feront jamais…’’

‘’Nous estimons que nos confrères n’ont commis aucune faute. On nous aurait dit qu’ils ont donné une mauvaise information, mais l’information est fondée. On les retient pour qu’ils craquent, ce qu’ils ne feront jamais. Ils l’ont dit et l’ont répété  aux enquêteurs. Au sein de l’armée, le commandement veut savoir d’où est partie l’information. Mais à la limite, c’est une cuisine interne à l’armée. Nous avons l’impression que nos confrères sont pris en otage, le temps pour l’armée de terminer son enquête, pour identifier ceux qui sont supposés être les mouchards. Nous sommes des citoyens sénégalais avant d’être des journalistes, des patriotes sénégalais, soucieux de l’intégrité de leur pays et des soldats qui assurent leur sécurité ; de ce point de vue, on a aucune leçon de patriotisme à recevoir de personne. Toutefois, nous apportons notre soutien, notre solidarité  à nos confrères et tenons à rassurer leur famille.’’

BAKARY DOMINGO MANE, PRESIDENT DU CORED, DIRPUB SUD QUOTIDIEN

‘’La déontologie du journaliste ne lui permet pas de révéler ses sources’’

‘’On a mal d’assister à l’arrestation de nos confrères. Toutefois, il faudrait dire que cette arrestation doit nous pousser à réfléchir davantage sur notre métier. Aujourd’hui, on est écartelé par deux avantages. L’exigence de dire toute la vérité et la contrainte de la loi. Souvent, on est écartelé par ces deux exigences qui font que le travail que nous exerçons est pénible. On peut demander à un journaliste de révéler ses sources, mais sa déontologie ne lui permet pas de révéler ses sources. Ils sont libres de demander, mais on ne le révélera jamais. Parce que la charte des journalistes est très claire là-dessus. Lorsqu’on travaille sur une matière qu’on appelle l’information, il peut y arriver qu’à un moment donné, on fasse des erreurs, mais maintenant le plus important, c’est de capitaliser ces erreurs. Nous souhaitons que nos confrères soient libérés. Aussi, pour ce Sénégal, on a besoin d’un climat apaisé du côté de tous les acteurs. Il faut qu’on puisse s’inscrire dans une logique d’apaisement, parce que cette situation n’arrange aucun pays.’’ 

MAMADOU TICKO DIATTA, COORDONNATEUR DU QUOTIDIEN

‘’Le 3éme millénaire suppose une révolution des procédures judiciaires’’

‘’Je suis un peu surpris par la décision prise par les autorités judiciaires. Je pense qu’il n’y avait pas de quoi fouetter un chat. J’espère qu’on ne va pas se retrouver avec des retours éternels de parquet. Je pense qu’on arrivera à un certain seuil où il faudra vraiment les libérer et leur permettre de retrouver leurs confrères. On a dépassé la période où on doit convoquer des journalistes dans des brigades de gendarmerie, devant des procureurs de la république. Le 3éme millénaire suppose une révolution dans la gestion des procédures judicaires et je ne pense pas qu’il faille, pour les autorités judicaires, en arriver à demander aux journalistes de déférer aux convocations que leur servent les forces de l’ordre pour pouvoir s’expliquer sur le contenu et un peu les orientations de leurs papiers. On a toujours parlé de liberté de presse. Jusqu’ici, les journalistes ont eu à avoir des acquis. Il ne faut pas que sous le régime de Macky Sall, ces acquis soient remis en cause. Il va falloir que la profession se remobilise pour mettre fin à ces pratiques anciennes qui resurgissent sous la deuxième alternance avec le régime de Macky Sall.’’

HAROUNA DEME, REDACTEUR EN CHEF DU POPULAIRE

‘’C’est une régression de la liberté de presse’’

‘’ Ce sont des choses qu’on n’aimerait pas revivre dans ce pays, parce que la démocratie sénégalaise a atteint un niveau de maturité. Un niveau où on ne devrait plus verser dans ce genre de choses. Je pense qu’il y avait un autre moyen de régler cela que d’emprisonner des journalistes. Quelque part, c’est une régression de la liberté de presse dans ce pays. Cela constitue un danger pour les Sénégalais, quand on ne peut pas informer. Parce qu’on ne les accuse pas d’avoir divulgué des choses qui sont fausses.

On les accuse tout simplement d’avoir diffusé des informations. Et le rôle du journaliste, c’est d’abord de rechercher une information et de la divulguer. Si on met un journaliste, qui a donné une bonne information, en prison, peut-être qu’il faut en arriver à tuer les journalistes qui donnent de mauvaises informations. Ce n’est pas cela préserver la liberté de la presse, la démocratie sénégalaise et veiller sur les acquis, parce que cette liberté de la presse, les gens se sont battus pour l’avoir et il faut se battre encore pour la préserver.’’

AMINATA FAYE (Stagiaire)

 

Section: