Publié le 29 Dec 2015 - 20:43
RETRO SECTEUR DE LA SANTÉ

Des heurts, des grèves et une bonne nouvelle

 

Licenciements de médecins-chefs de district, grèves répétitives, menaces de coupures d’électricité dans certaines structures de santé, difficultés dans la mise en œuvre de l’Acte 3 de la décentralisation… L’année 2015 a été compliquée dans le secteur de la santé. Heureusement qu’il y a eu le vote de la loi sur la greffe des organes.

 

2015 a été une année très mouvementée dans le secteur de la santé. En grande partie à cause des grèves répétitives du Syndicat Autonome des médecins du Sénégal (Sames) et du Syndicat unique des travailleurs de la santé et de l’action sociale (Sutsas). En Mars 2014, alors que la menace du virus Ebola alimentait les débats dans les structures de santé, le gouvernement et le Sames avaient signé un protocole d’accords permettant au syndicat de suspendre son mot d’ordre de grève. Les négociations sur la plate-forme revendicative et ses dix points duraient, depuis le 6 novembre 2012.

D’après le protocole d’accords, le gouvernement s’engageait à accorder un prêt d’équipement d’un million de francs, à partir de 2015, aux médecins recrutés dans la fonction publique. Cette mesure devait également s’appliquer aux médecins recrutés en 2014. Les deux parties s’étaient aussi accordées sur un prêt de 5 millions sans intérêt avec facilitation aux médecins affiliés au Sames ; l’octroi de l’indemnité de spécialisation médicale aux universitaires qui devait prendre effet à partir de la date de signature du protocole ; l’attribution de parcelles dans le cadre des zones d’aménagement concertées, afin de faciliter l’accès au logement aux médecins.

Les points de désaccord concernaient et concernent toujours la titularisation de tous les médecins dans la fonction publique ; le relèvement de l’âge de la retraite à 68 ans ; la création du corps des praticiens, les critères de nomination ; la hiérarchisation des futures directions régionales de la santé dont les agents fustigent l’attribution de bourses ; la politique de santé avec le développement des infrastructures. Concernant les autres demandes d’indemnités, le gouvernement avait renvoyé leur examen aux résultats de l’étude prévue au plus tard en fin décembre 2014. Donc, face à la menace du virus Ebola, le Sames avait suspendu son mot d’ordre de grève. Une accalmie de courte durée, puisque les blouses blanches sont reparties en mouvement devant le non-respect des engagements pris par le gouvernement. Les médecins dénoncent la lenteur dans le traitement des points d’accord signés. Ils menacent d’organiser une journée sans santé, dans les jours à venir. Ce qui risque de perturber tout le système sanitaire.

Les Limogeages

Il n’y a pas qu’eu les accords non respectés. Le secteur a été bouleversé par le limogeage de deux médecins de centre de santé du Département de Dakar : Hann et Grand Dakar. Le limogeage du médecin chef du centre de santé de Hann, Docteur Paye Paye, a poussé le syndicat à décréter 48 heures de grève, avant de saisir l’organisation Internationale du Travail et de déposer une plainte. Démis de ses fonctions par le maire de la commune Babacar Mbengue, Dr Paye a été mis à la disposition d’une division des ressources humaines qui, selon les médecins, n’existe même. Ce licenciement faisait suite à celui du médecin chef du centre du district de Hann, par le maire Jean Baptiste Diouf. A propos de ce premier licenciement, le Sames s’interrogeait en ces termes : ‘’Comment peut-il licencier un médecin sous prétexte qu’il a refusé de congédier deux agents de santé communautaires qui relèvent de l’autorité du Comité de santé, dans le cadre du dispositif de mobilisation des ressources communautaires au profit de la Santé ?‘’.

Acte 3 de la décentralisation et dette des hôpitaux

Le Sames voyait par là une incompréhension manifeste des textes de la décentralisation, particulièrement ceux de l’Acte III. Aujourd’hui encore, les médecins continuent de penser que les maires ont outrepassé leurs droits. Et ils ne se privent jamais de dire tout le mal qu’ils pensent de la mise en œuvre de l’Acte III de la décentralisation, source de nombreux dysfonctionnements qui ont pour noms : retard de paiement des salaires des agents municipaux, absence de prise en charge médicale des travailleurs municipaux, le refus et/ou incapacité de payer les factures des dépenses courantes (électricité, eau, téléphone), entre autres.

Cette incapacité de payer les factures des dépenses courantes a d’ailleurs donné lieu à un fait inédit, cette année : la Senelec a menacé de couper l’électricité à des hôpitaux qui lui doivent de l’argent. Une situation intolérable qui a fait réagir le secrétaire général du Sames, Docteur Boly Diop. ‘’Les vaccins gardés dans les hôpitaux seront perdus, s’il y a coupure. Et si les gens ne sont pas vaccinés, il y a risque d’épidémie ou de mort des gens qui seront en bloc opératoire. Ce n’est pas sérieux. Il faut qu’on règle cela’’, avait martelé Docteur Diop. Heureusement que le ministère de la Santé et la Senelec ont pu trouver un terrain d’entente.

Enfin la greffe !

Mais, tout n’a pas été que morose et conflictuel. 2015 a aussi été marqué par le vote de la loi sur la greffe des organes. Une nouvelle donne qui va mettre fin à la souffrance des insuffisants rénaux. La loi sur la transplantation d’organe a été votée, lors de la session budgétaire du ministère de la Santé par les parlementaires. Saluant cette avancée, le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Professeur Awa Marie Coll Seck, avait parlé d’un jour mémorable pour le Sénégal. ‘’Nous avons voté la loi sur la transplantation d’organe. C'est-à-dire que si vous avez un problème, un cancer au niveau d’un organe, on peut faire la greffe. Je donne un exemple sur le problème de l’insuffisance rénale, où on a des jeunes garçons et filles qui sont malades et qui ont des parents qui voudraient donner un rein pour qu’ils puissent être transplantés. Ce n’était pas possible, parce que nous n’avions pas le cadre légal. Maintenant, nous avons des médecins qui ont fait cette formation et qui sont capables de faire des greffes. Nous allons les encadrer, leur donner plus de moyens, pour qu’ils puissent commencer à faire des transplantations d’organes au Sénégal’’, disait Pr Seck.

VIVIANE DIATTA

 

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