Le Sénégal traine, les voisins accélèrent

Alors que le Sénégal peine à trouver un nouveau décaissement du FMI, après la suspension de son programme pour "misreporting", ses voisins de l'UEMOA, eux, continuent de dérouler ou de signer de nouveaux programmes.
Pendant que le Sénégal traine, les voisins accélèrent. Entre mars et avril, les missions du Fonds monétaire international (FMI) ont fait le tour de plusieurs pays africains pour faire le point sur la mise en œuvre de divers programmes. Plusieurs communiqués ont été publiés par l'institution de Bretton Woods pour rendre compte de la teneur des différentes missions. L'une des dernières en date, pour ce qui concerne les pays de l'UEMOA, c'est celle effectuée en Côte d'Ivoire pour passer en revue “l'état d'avancement du programme économique et financier des autorités appuyé par le Mécanisme élargi de crédit (MEDC) et la Facilité élargie de crédit (FEC) ainsi que du programme de réformes climatiques appuyé par la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD)”.
À l'issue de la mission, l'institution de Bretton Woods informe : “Les services du FMI et les autorités ivoiriennes sont parvenus à un accord portant sur la quatrième revue du programme de réformes économiques de la Côte d'Ivoire appuyé par les accords MEDC et FEC, et sur la troisième revue de leur programme de réformes pour la résilience climatique appuyé par l'accord au titre de la FRD.” Les autorités ivoiriennes, poursuit le communiqué, “continuent de faire de grands progrès vers la réalisation de leurs objectifs fondamentaux, dans le cadre du MEDC et de la FEC, réduire les déséquilibres macroéconomiques, contribuer à reconstituer les réserves régionales et approfondir la transformation économique en vue d'atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et de renforcer encore plus la résilience climatique grâce à des réformes d'adaptation et d'atténuation.”
Selon le communiqué, l'approbation finale des revues MEDC/FFEC et FRD par le Conseil d'administration du FMI entraînera deux décaissements pour un total d'environ 740 millions de dollars. À noter que “l'accord MEDC/FEC pour un montant de 2,6 milliards de DTS (environ 3,5 milliards de dollars) et l'accord au titre de la FRD pour un montant de 975,6 millions de DTS (environ 1,3 milliard de dollars) ont été approuvés par le Conseil d'administration du FMI, respectivement le 24 mai 2023 et le 15 mars 2024”, et continue d'être exécuté sans discontinuité, au moment où le Sénégal a vu ses accords suspendus.
La même dynamique est aussi notée au Bénin, avec la conclusion d'un accord sur la sixième revue du programme appuyé par le MEDC et la FEC, et sur la troisième revue de l'accord au titre de la facilité pour la résilience et la durabilité (FRD). “Les autorités béninoises et les services du FMI sont parvenus à un accord sur la sixième revue du programme appuyé par le MEDC et la FEC, et sur la troisième revue de l'accord au titre de la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD)”, lit-on dans le communiqué de fin de mission qui se réjouit également de la “transformation économique du Bénin” qui se poursuit, “avec l'essor des exportations de biens à valeur ajoutée et le dynamisme des technologies de l'information”.
Chef de la délégation de Cotonou, Frédéric Lambert a fait savoir que “les résultats du programme ont été solides” et que “tous les objectifs quantitatifs pour fin décembre 2024 ont été atteints”. Dans le même sillage, il s'est réjoui “d'une consolidation budgétaire”, avec un déficit qui converge vers la norme UEMOA, c'est-à-dire 3 %. “Cette consolidation budgétaire a été soutenue par un solide recouvrement des recettes fiscales et une exécution budgétaire prudente”, mais aussi par une croissance économique estimée à 7,5 % en 2024, dépassant même les projections initiales.
En ce qui concerne le Togo, un accord a été déjà approuvé en mars 2024, au titre de la FEC. Selon le communiqué, grâce à cet accord, les autorités togolaises ont été en mesure d'atténuer l'impact des chocs sur l'économie et la population togolaises. Cela s’est cependant accompagné d’une augmentation des déficits budgétaires et de la dette.
Cette visite s'inscrivait dans le cadre de la deuxième revue de l'accord au titre de la Facilité élargie de crédit (FEC) que le Conseil d’administration du FMI a approuvé en mars 2024, précisait la mission.
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RÉUNION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
Le Mali décroche 129 millions de dollars
Les missions chez les pays sous contrôle des juntes militaires se sont également déroulées dans de bonnes conditions et des accords ou projets d'accords ont également été trouvés sans grandes difficultés.
D'ailleurs, pour le Mali, le Conseil d'administration du FMI a approuvé, hier, un décaissement de 129 millions de dollars au titre du guichet choc exogène de la Facilité de crédit rapide (FCR). “Ce qui ouvre ainsi la voie à un décaissement immédiat de 129 millions de dollars (93,3 millions de DTS)”, informe l'institution dans un communiqué, qui ajoute : “Le financement d'urgence du FMI aidera à répondre aux besoins urgents de financement de la balance des paiements engendrés par les inondations, tandis que le programme de référence de 11 mois vise à renforcer la stabilité macroéconomique, à renforcer la résilience, à protéger les personnes vulnérables et à améliorer la gouvernance, en servant de point d'ancrage pour les priorités macroéconomiques du gouvernement.”
Il y a quelques jours, dans le cadre des missions dépêchées dans les pays, le FMI informait avoir trouvé un accord sur la troisième revue de la Facilité élargie de crédit avec le Burkina Faso. “Le FMI et les autorités burkinabé ont conclu un accord pour la troisième revue du programme économique du Burkina Faso soutenu par la Facilité élargie de crédit (FEC). Une fois la revue approuvée par le Conseil d'administration du FMI, le Burkina Faso recevra un décaissement d’environ 32 millions de dollars américains (24,1 millions de DTS) de financement”, indiquait le communiqué.
“Nous n'avons pas de leçons à recevoir du FMI”
Recalé depuis l'année dernière par le Fonds monétaire international qui exige la mise en œuvre de mesures correctrices, le Sénégal travaille, pour sa part, à trouver des mécanismes alternatifs, basés surtout sur la mobilisation des ressources domestiques. Par rapport à la stratégie d'endettement, le pays semble de plus en plus se tourner vers le marché intérieur et sous-régional. Face aux députés le 14 avril dernier, le Premier ministre disait : “Nous donnons trop d'importance au FMI qui est un partenaire comme tous les autres. Nous ne quémandons rien du tout ; nous empruntons juste et nous sommes tenus de tout rembourser. Il faut donc d'abord compter sur nous-mêmes, mais cela passera par le fait de situer les responsabilités. D'ailleurs, je dois dire que le FMI même a sa part de responsabilité, parce que nous l'avions alerté en 2018, par rapport au dépassement sur les ressources extérieures. Nous n'avons donc pas de leçons à recevoir de personne.”
Cela dit, les ministres chargés de l'Économie et des Finances sont attendus à Washington, dans le cadre des réunions du printemps du FMI et de la Banque mondiale.
MOR AMAR