Publié le 19 Dec 2020 - 20:35
SAMBA BARRY, PRESIDENT DE 2CD, SUR LE STATUT DE LA VILLE DE DAKAR

‘’Ce débat n’a pas lieu d’être’’

 

Dans l’objectif d’accompagner le processus de décentralisation, l’USAID a mis en place un programme de gouvernance locale pour le développement. Un atelier a été organisé, hier, pour un partage des résultats et renforcer les capacités des journalistes dans le traitement de l’information territoriale. Le président de 2CD en a profité pour se désoler de l’idée de supprimer les villes.

 
Si l’on se réfère à l’objectif de l’Acte 3 de la décentralisation, le Sénégal devrait être érigé en territoires viables et compétitifs d’ici 2022. Sauf que les réalités du terrain sont encore loin de ce but étatique. Les territoires sont, pour la plupart, livrés à eux-mêmes, sans ressources. Dans le but de booster cette décentralisation, l’Agence de développement international du gouvernement des Etats-Unis (USAID) finance, depuis 2016, un programme de gouvernance locale pour le développement (Gold). Il intervient dans les secteurs de la santé, l’éducation, l’eau-hygiène-assainissement et de l’agriculture. Hier, autour d’un atelier, il a été question de présenter les résultats de la première phase du programme (2016-2020) et de renforcer les capacités des journalistes et communicants en décentralisation. Dans un contexte où il est question de supprimer le statut de ville de Dakar, la capitale.
 
Le président de 2CD, Samba Barry, ne comprend pas ce projet. ‘’C’est un débat très malheureux. Et supprimer les villes au Sénégal serait reculer de plus de 100 ans’’, dit-il. Car, à ses yeux, les priorités sont ailleurs. ‘’Le débat devait plutôt se situer au niveau du renforcement des collectivités territoriales où les problèmes sont relatifs à la mobilisation des ressources, à l’absence de ressources humaines, à l’incohérence territoriale. Elles ont besoin d’être appuyées. On doit chercher à savoir comment faire pour avoir des territoires forts qui peuvent porter leur propre développement. La ville a sa raison d’être. Si on la supprime, on met quoi à la place ?’’.
 
Lors de l’atelier, le directeur du Programme USAID/Gold a, en effet, mis en avant ce qui est fait sur le terrain pour apporter les correctifs à la faiblesse des territoires. ‘’Il y a beaucoup de bonnes pratiques et de résultats très intéressants qui améliorent la gouvernance des collectivités territoriales, mais surtout que cette gouvernance a un impact positif sur les conditions de vie de la population. Dans beaucoup de régions où nous travaillons, nous avons constaté que les populations sont mobilisées pour évaluer la performance des services. Elles connaissent mieux leurs droits. Elles sont mieux armées pour faire un plaidoyer auprès des autorités. Les notions de budget participatif et de planification sont mieux appliquées, il y a également une amélioration de la mobilisation des ressources propres, une meilleure transparence, une meilleure performance dans la reddition des comptes, et la liste est longue’’, fait-il savoir.
 
Selon Jean-Michel Dufis, il y a pas mal de bonnes pratiques et de leaders très compétents dans les régions qui méritent d’être connus par un large public, d’où la collaboration entre USAID/Gold et le Cercle des communicants en décentralisation (2CD).
 
Présent dans 63 collectivités territoriales de quatre régions (Tambacounda, Kédougou, Kolda et Sédhiou), USAID/Gold travaillera, dans sa deuxième phase, avec 27 nouvelles dans les mêmes régions, jusqu’en 2023. Au total, 150 communes sont concernées. Elles ont été choisies selon plusieurs critères dont le potentiel de mobilisation des ressources. En raison de moyens limités, il informe que d’autres communes ne pourraient être rajoutées à la liste, mais se dit ouvert pour un partage d’expériences avec les communes qui le désirent.
 
Le programme USAID/Gold insiste en outre, sur la sensibilisation des populations quant à l’importance du paiement des impôts. ‘’Nous mettons l’accent sur les campagnes de civisme qui donnent des résultats extraordinaires. Nous voyons des villages qui se mettent ensemble pour réaliser des choses. L’important, c’est le dialogue et la sensibilisation. Mais pour que ça marche, il faut que les populations voient les résultats. Elles n’accepteront de payer l’impôt que s’il y a des résultats. Notre rôle est aussi de faire remonter les informations que nous avons aux institutions afin qu’elles soient informées de ce qui marche ou pas et de l’impact des décisions qu’elles prennent’’, explique Jean-Michel Dufis.
 
Il affirme qu’aujourd’hui, des collectivités territoriales qui étaient sans ressources financières prennent en charge leurs besoins. Elles arrivent à mobiliser des millions, grâce à la fiscalité locale.
 
‘’Au Sénégal, la décentralisation est plus théorique que pratique’’
 
Par ailleurs, il est attendu une meilleure implication des médias dans la prise en charge des besoins et difficultés des collectivités territoriales, mais aussi une valorisation des bonnes pratiques mises en œuvre dans les territoires. Pour le directeur de l’USAID/Gold, la presse sénégalaise devrait se pencher sur l’utilisation des ressources transférées aux collectivités territoriales, car ‘’de grosses sommes destinées à la décentralisation sont annoncées. Mais, à la base, les maires ne voient rien’’.
 
Selon le président de 2CD, ‘’l’information au niveau des collectivités territoriales est un casse-tête. Ce partenariat va permettre de valoriser davantage les actions de l’USAID/Gold. Les partenaires au développement vont pouvoir s’en inspirer. Ils sont nombreux les programmes qui interviennent dans les collectivités territoriales. Mais, au finish, il n’y a pas d’impact, pas de résultat’’.
 
L’absence de la Fonction publique locale, le non-fonctionnement des services administratifs sont, entre autres maux qui, selon Samba Barry, peinent à être pris en compte dans le processus de décentralisation. ‘’Vous avez des communes où, poursuit-il, le maire vient une fois par trimestre. Ce dont on rêve, c’est d’avoir des gouvernements locaux, à l’image du gouvernement central, capables d’assurer le développement des territoires. Au Sénégal, la décentralisation est plus théorique que pratique. On doit dépasser cette étape, en faisant du développement local grâce à une participation effective des populations dans la mise en œuvre des politiques publiques locales. Aujourd’hui, on n’arrive pas à fixer les jeunes dans les territoires, parce qu’il n’y a rien dans ces territoires. Comment voulez-vous que les jeunes restent dans leur territoire, alors que c’est un désert total ?’’.
 
EMMANUELLA MARAME FAYE

 

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