Comment et pourquoi enjoliver ‘’Dame parole’’

Hier s’est tenue, à la salle de conférence de l’Ucad 2, la deuxième session du séminaire de formation sur l’esthétique de la parole. Il est organisé par le département de philosophie de la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). A cet effet, le Pr Amadou Ly du département de Lettres modernes a analysé les ‘’Atours de Dame parole’’.
‘’L’esthétique est l’habillage de la parole’’, ont rappelé hier tour à tour le parolier et poète Birame Ndeck Ndiaye, le slameur Oumar Niang dit Minuss et enfin le professeur au département de Lettres modernes à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), Amadou Ly. C’était à l’occasion de la deuxième session du séminaire sur l’esthétique de la parole initié par le département de philosophie de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Le dernier cité présentait un exposé sur ‘’Eléments d’atours de Dame parole’’.
L’esthétique de la parole, de manière plus simple, est définie comme ‘’les éléments du discours qui sont ajoutés au discours ordinaire de sorte à le changer en apparence tout en maintenant le sens’’, a précisé M. Ly. Par conséquent, c’est tout ce qui participe à embellir ou enjoliver un discours, une parole. Dans son exposé, pour aider à mieux percevoir tous les procédés langagiers permettant d’arriver à ce résultat, il personnifie la parole. Une qui sait se faire belle, désirable et sexy en restant tout de même classe comme une dame. Une comparaison qui vise à montrer que tous les artifices et artefacts dont use une femme sont semblables à ceux utilisés pour parer la parole. Du style, elle en a besoin car, comme l’a souligné Pr Ly, ‘’la parole doit être parole’’. Tel qu’il l’a rappelé, paraphrasant un auteur, elle peut être la meilleure et la pire des choses. Une ambivalence qui impose des précautions, surtout quand on doit parler en société. D’ailleurs, l’on dit souvent qu’avant de parler, il faut tourner la langue sept fois.
‘’La langue est un élément si dangereux qu’on l’a entourée dans un enclos de 32 éléments’’, a souri le Pr Ly. Il a évoqué du reste qu’en Afrique, on a peur de la langue. Un proverbe peul dit, selon lui, que ‘’si le taureau s’attache par les cornes, l’homme s’attache par la parole’’. Ce que semble confirmer son collègue Birame Ndeck Ndiaye. ‘’On ne se rend pas compte de l’effet de la parole. Il faut faire très attention à ce que l’on dit’’, prévient-il. Et, ajoute-t-il, ‘’si ce que tu as à dire n’est pas plu beau que le silence, alors tais-toi’’. Par conséquent, il faut savoir choisir ses mots suivant les circonstances. Pour y arriver, il faut savoir quand prendre la parole, où la prendre et qui doit la prendre. Il est dit en effet qu’un jour, elle pleurait et quand on lui a demandé pourquoi, elle a dit : ‘’Je suis proférée par qui ne doit pas. Je suis proférée où il ne doit pas. Je suis proférée quand il ne faut pas.’’
Trois éléments à maîtriser pour que ce qu’on dit soit enjolivé. Même si, d’après M. Ly, il faut savoir ‘’domestiquer la langue, la civiliser et la policer’’ suivant les conventions sociales. Comme on dit en wolof : ‘’wax dañu koy wodd’’ (ndlr une parole doit être habillée). Le nombre de ces procédés par lesquels passer est important et qui n’enlèvent en rien le sens de ce que l’on veut dire. On peut passer par la métaphore, la comparaison, le rythme, les jeux phoniques, les répétitions, les envolées, la rime, l’assonance, l’allitération, etc. Ils peuvent rendre le discours percutant. Car, comme l’a dit Amadou Ly, la parole est habillée pour convaincre, commander, amuser, récréer, plaire à l’auditoire.
BIGUE BOB