Les ‘’larmes’’ des étudiants

Manque de matériels, amphithéâtres bondés, absentéisme des professeurs, les étudiants envoient leurs doléances pédagogiques au président.
Naguère grouillante de monde, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar était, hier, plus calme que le boulevard de la République un dimanche. Sur place, rien n’indique que le président de la République procèdera à une visite. Encore moins à une inauguration. Les festivités, apprend-on, sont organisées loin du grand campus, à l’Ensept où se trouvent deux des six nouveaux pavillons.
Dans le grand campus, aucun bruit. Deux individus, assis sur un banc public, à la devanture des nouveaux pavillons, devisent tranquillement. Interpellés sur leur statut, l’un précise : ‘’Non, moi, je ne suis pas un étudiant, mais un chauffeur.’’ L’autre, lui, est étudiant. Il s’appelle Abdoulaye Athie Ka. Venu de Nguékhokh pour passer ses examens de rattrapage, il témoigne, à propos de la visite du chef de l’Etat : ‘’Comme tu peux le voir nous, nous sommes là pour la session de rattrapage. Et puis la quasi-totalité des étudiants sont chez eux.’’ Toutefois, l’homme n’est pas insensible au débat sur la venue du président. Après avoir salué la visite et les réalisations, il déclare : ‘’Je demanderai juste au président de passer à l’université le plus souvent, non seulement pour inaugurer des pavillons, ça, le ministre peut le faire, (mais) il doit venir de temps en temps pour voir ce que nous endurons. Je salue ce qu’il est en train de faire dans le volet social, mais il faut aussi redoubler d’efforts pour le pédagogique’’.
Ce volet, estime-t-il, est le maillon faible de l’université. ‘’Allez par exemple à la fac de Sciences, il n’y a même pas assez de matériels pour nous permettre de faire correctement nos travaux pratiques. Je pense que c’est aussi important que les logements. De même, nous déplorons l’enjambement des années scolaires. Jusqu’au moment je vous parle, il y a des facultés qui n’ont pas terminé leurs cours du second semestre. C’est décourageant, tout ça’’, plaide-t-il. L’étudiant regrette aussi que des millions soient dépensés juste pour l’inauguration de pavillons.
Son homologue de la faculté de Droit, Abdou Aziz Thiam, dénonce, quant à lui, le ‘’laxisme, l’absentéisme des professeurs qui bâclent les cours au dernier moment pour les évaluer avec. Voilà pourquoi le taux d’échec frise les 96 % à la Fac de Droit. C’est catastrophique, je vous assure’’. Aussi, informe-t-il, ‘’pour s’inscrire, c’est la croix et la bannière. Même chose pour faire des cours. Oui, nous saluons les réalisations, mais il faut des transformations beaucoup plus profondes pour donner des résultats satisfaisants’’.
Ces résultats décevants, explique Bouramanding Coly, sont dus également à une inadaptation entre ce qui leur est enseigné et ce qu’on leur donne aux examens. Il en appelle à plus de responsabilité et de conscience des professeurs qui les méprisent dans les salles de classe. ‘’Comment comprenez-vous qu’un assesseur regarde ses étudiants droit dans les yeux pour leur dire : ‘Vous n’avez pas votre place à l’université.’ C’est insultant et irrespectueux. Nous demandons aussi plus de respect’’.
DOUDOU DIOUF, REPRESENTANT DES ETUDIANTS ‘’Les forces de l’ordre nous poussent jusque dans nos derniers retranchements pour nous ôter la vie’’ Il n’y a pas que le président de République qui s’est prononcé, hier. Les étudiants ont eu droit à la parole. Ainsi, après avoir salué les efforts qui sont en train d’être faits, le représentant des étudiants, Doudou Diouf, a demandé l’augmentation du nombre d’enseignants pour un meilleur encadrement des étudiants, une bibliothèque numérique pour mieux conduire leurs travaux de recherche. Il déplore aussi le retard dans la délivrance des diplômes, l’insuffisance des infrastructures pédagogiques, l’octroi des bourses à date… Mais s’il y a un point qui irrite le plus les étudiants, c’est bien leur cohabitation avec les éléments des forces de défense et de sécurité. ‘’Ils nous poussent jusque dans nos derniers retranchements pour nous ôter la vie’’, a-t-il grondé sous les applaudissements. Doudou Diouf : ‘’Il faut que le cancer se soigne. Maintenant ! Mais nous pensons pouvoir compter sur vous pour que ce phénomène cesse, que les responsables de ces massacres soient punis.’’ Il n’a pas non plus oublié de rendre un vibrant hommage à Fallou Sène qui, selon lui, est mort en martyr. ‘’Sa disparition est fort regrettable. Il est tombé sur le terrain de la revendication, juste parce qu’il combattait pour des conditions plus dignes, plus prometteuses, comme ses prédécesseurs, emportant avec lui un pan de devenir. Nous demandons que justice lui soit rendue’’. ‘’Justice ! Justice ! Justice !’’, ont scandé certains. MACKY SALL AUX ENTREPRISES SENEGALAISES ‘’On ne peut pas construire un pavillon en 4 ans’’
Cela ne correspond pas, d’après Macky Sall, au Sénégal que ‘’nous voulons’’. Malgré le fait d’avoir décidé de ne pas faire des bâtiments en métal, comme les trois premiers qui ont été inaugurés en 2015, tout, selon le président, a été fait dans le respect des termes du contrat. ‘’Avec le changement du modèle, je craignais qu’il y ait des retards, mais ils ont su le faire à temps. C’est ce que toutes les entreprises doivent faire. Le défi de la nouvelle main-d’œuvre est donc de travailler 7 jours sur 7, s’il le faut même d’avoir des équipes pour travailler 2 x 8 heures par jour. Cela permet de terminer en un an, un an et demi’’, insiste le président de la République. |
MOR AMAR