''Les médias doivent être plus critiques sur notre musique''
C'est un fait, la musique sénégalaise vit des heures difficiles, plongeant la majeure partie des artistes chanteurs et autres musiciens dans la galère. Cela est dû, pour certains, à la piraterie. Mais le trompettiste Souleymane Guèye dit Jules, trouve le mal ailleurs. ''Dans ce pays, on se lève, on chantonne, on se fait programmer par quelqu’un et puis on est diffusé à la télé, à la radio'', dénonce-il dans un entretien avec EnQuête. Et le musicien en impute la responsabilité aux médias, accusés de ne pas être sélectifs quand il s’agit de diffuser de la musique.
''N’importe qui nous est présenté comme étant une star ou une vedette, alors que la qualité requise lui manque'', dénonce-t-il. Jules Guèye estime que si la situation artistico-musicale en est là, c’est parce qu’on ne sanctionne pas positivement les talents qui le méritent et que les animateurs ne sont pas à la hauteur de cette critique. ''Il n’y a pas d’école pour former les animateurs qui manquent terriblement de culture musicale, d’où l’intérêt de se documenter, se cultiver pour pouvoir être critique'', argue-t-il.
L’ancien joueur de ''nawetaan'' (football populaire) et de l’US Rail de Thiès, pense que de toute façon ''le changement sera naturel, car la tendance est maintenant à l’écoute''. Le problème, soutient Souleymane Guèye, ''c’est le fait que la musique est écoutée avec les pieds. Écouter avec calme, cela a plus de valeur musicale''.
Maître du solfège
Natif de la ville de Thiès, Jules Guèye est transféré à 12 ans à Saint-Louis, chez son oncle, du fait de sa turbulence. A 18 ans, il retourne à Thiès, fait le concours du conservatoire pour vivre sa passion. Pour cela, il a dû arrêter ses études en classe de 4e. Il met à profit la douzaine d’années passées au conservatoire pour apprendre plusieurs instruments, guitare, flûte et trompette. Sous l'encadrement de professeurs russes, Jules met huit années à découvrir et comprendre les théories musicales.
La médaille de solfège en poche, il s'est initié à la musique classique par ses enseignants qui ont vite décelé chez lui des prédispositions et un bon souffle pour ce genre musical de la musique classique. Les compositions de Mozart, Beethoven, entre autres, ne sont pas un secret pour l’auteur de l’album ''Yaakaar'' regroupant de 16 titres, sorti récemment. De fait, ses professeurs russes l’amenaient tous les vendredis au centre culturel soviétique où, accompagné d’une pianiste russe, il donnait des concerts de musique classique. Sevré à sa dixième année de ses parrains russes qui ont quitté le Sénégal, Souleymane Guèye doit voler seul et s'affirmer. Cela passe par l'admission au prix d’excellence (dernière classe de trompette). Ce qu’il fera avec brio, avant que Sam Sanders, un saxophoniste américain venu s’installer à Dakar ne l’aide à se perfectionner en faisant du jazz.
Par la suite, il rencontre le défunt Ibra Kassé, par l’entremise du salsero Pape Fall, pour intégrer les Kassé Star. Il y retrouve des ventistes comme le nigérian Sunday, Ali Penda Ndoye, le chanteur Pape Fall, Mar Seck. Souleymane Guèye joue tour à tour pour l’African Salsa de Pape Fall, le groupe de Kiné Lam, l’orchestre national et Alioune Kassé, avant d'entamer une carrière solo. Il a, à ce jour, trois produits à son actif. ''Nioom'', le premier sorti en cassettes, ''Teranga'' le deuxième en compact disc, et le dernier ''Yaakaar''.
Celui chez qui bon nombre de célébrités artistiques se retrouvent (Dibiterie Taïf, pub gratuite) tous les soirs est aussi un homme d’affaires, profondément amoureux d’agriculture. Un touche à tout. Refusant le diktat politique actuel, il croit dur comme fer que chacun est libre de se déclarer candidat et donc de faire de la politique. ''Les politiciens peuvent faire leur politique, dire ce qu’ils veulent, mais ne doivent pas prendre le pays en otage. Ce n’est pas normal'', fulmine-t-il.
PA ASSANE SECK