Publié le 31 Mar 2016 - 02:22
SOULEYMANE SOUMARE (DIRECTEUR GENERAL DE L’APBEFS)

‘’En 2015, le système bancaire a financé pour 3 155 milliards F CFA’’

 

Directeur général de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Sénégal (APBEFS), une organisation qui regroupe plus de 27 membres communément appelés établissements de crédit parmi lesquels il y a 24 banques et 3 établissements financiers à caractère bancaire, Souleymane Soumaré s’est entretenu avec EnQuête sur le système bancaire sénégalais de manière générale.

 

Quelle est aujourd’hui la situation du système bancaire sénégalais ?

La meilleure réponse vous viendra soit de la clientèle, soit de la BCEAO, vérificateur et superviseur des établissements de crédit. En effet, il y a certes des clients qui se plaignent, ce qui est légitime et juste car nul ne peut se prévaloir de la perfection, on y aspire. Ceux que l’on entend le plus souvent ne sont pas toujours les mieux placés pour juger ou critiquer le système bancaire qui est si spécifique, parfois technique et soumis à une règlementation et à des règles qui ne sont pas toujours bien connues. Croyez-nous, il y a une majorité silencieuse, ce que nous apprécions, qui nous manifeste sa gratitude ainsi que sa reconnaissance pour les avoir accompagnés, financés une, deux, N fois, pour les avoir conseillés utilement, etc.

Cela étant, les banques et les établissements financiers jouent pleinement leurs rôles à travers une activité qui est loin d’être la plus simple. Les bilans des établissements de crédit continuent de croître, avec eux les volumes de crédits accordés augmentent également passant de 2 800 milliards de F CFA en 2014 à près de 3 155 milliards F CFA en 2015 pour les crédits directs à la clientèle, non compris les engagements par signature. A titre d’indication, ce niveau de concours dépasse le budget du Sénégal de 2016 qui est de 3 022 milliards F CFA et davantage celui de 2015 de 2 869 milliards F CFA. Le réseau d’agences, de bureaux et de GAB / DAB se densifie, y compris dans les régions autres que celle de Dakar.

Mais, l’on constate qu’il y a un faible taux de bancarisation des populations. Pourquoi ?

La bancarisation se poursuit bien que très faiblement, ce qui contraste avec le nombre d’établissements de crédit et surtout l’extension du réseau ; preuve que le système bancaire n’est pas et ne saurait être à lui seul l’unique réponse au renforcement de la bancarisation. C’est pourquoi, l’Etat, la BCEAO, les établissements de crédit et les organes de développement conjuguent leurs efforts pour relever le niveau de bancarisation à travers l’approche éducation financière, le développement de la technologie de la monnaie électronique (ce qui explique le grand forum organisé par l’APBEFS sur ce sujet en janvier dernier), l’apport substantiel des systèmes financiers décentralisés (SFD), les concessions sur certains tarifs, etc. Le niveau de revenus des populations urbaines comme rurales constitue lui aussi, à n’en pas douter, un facteur qui limite le développement de la bancarisation. En somme, le système se porte bien, avec des activités qui se développent certes mais non sans certaines difficultés dont la résolution relève parfois, directement ou indirectement, d’autres acteurs que le système bancaire lui-même.

Avez-vous des instruments en interne vous permettant d’assainir votre milieu et de faire valoir certains principes de votre profession ?

Les établissements de crédit sont régis par un dispositif et une réglementation qui relèvent de la loi bancaire commune aux huit états membres de l’UEMOA. Il existe un organe de surveillance et de contrôle central qui veille en permanence et efficacement au respect de toutes les règles devant permettre la continuité du service tout en préservant l’équilibre monétaire et financier (surveillance des crédits notamment), la sécurisation des dépôts de la clientèle et en prévenant les risques systémiques qui s’annonceraient. L’APBEFS contribue à ce dispositif à travers ses différentes rencontres avec les autorités aussi bien étatiques que monétaires. En plus de ces organes de surveillance et de contrôle, les établissements de crédit sont tous dotés en interne d’organes de vérification tels que l’audit, le contrôle interne, l’inspection mais également de vérificateurs externes tels que les commissaires aux comptes. C’est tout cet ensemble de prévention et d’alerte, de surveillance et de contrôle qui fait que le système se porte bien et Dieu merci, aucun établissement de crédit ne se trouve sous administration provisoire, encore moins en cessation d’activités. Il est donc permis de dire que le secteur est sain.

Mais l’assainissement est toujours nécessaire ?

L’assainissement qui préoccupe est, non pas celui du secteur lui-même, mais celui du portefeuille des créances non remboursées qui bloquent l’efficacité des établissements de crédit et créent l’immobilisation de précieuses et importantes ressources en trésorerie qui, si elles étaient recouvrées, auraient permis à coup sûr de financer encore plus l’économie de notre pays qui en a grand besoin.

Il faut espérer que l’avènement du BIC (Bureau d’information du crédit) contribuera à limiter les cas voués au déclassement et probablement aux provisionnements qui sont de potentielles sources de perte. La vraie difficulté du système est là : arriver à recouvrer les crédits accordés.

On annonce depuis quelques jours la venue d’autres banques au Sénégal, notamment celle de Baba Diaw, ainsi qu’une autre, burkinabé. Cette ‘‘prolifération’’ est-elle avantageuse pour le Sénégal ?

L’APBEFS n’est pas impliquée dans la chaîne d’octroi d’agrément. Elle n’est donc pas en mesure de se prononcer sur des arrivées futures. Par contre, nous avons été informés, la semaine dernière, que Coris Bank Sénégal a obtenu son agrément en tant que filiale de Coris Bank Burkina Faso, ce qui fait d’elle le 27ème membre de l’APBEFS.

Est-ce un avantage ? Nous parlons tout de même d’investisseurs avertis qui acceptent de s’implanter dans notre pays qui, vraisemblablement, ne manque pas d’atouts. On ne devrait pas douter qu’il y ait un avantage pour la clientèle qui voit s’élargir les possibilités de recours à plus de choix, de services, d’offres, etc. Vous et nous ne devrions pas non plus douter que les autorités qui accordent les agréments ont une claire vision des objectifs qu’elles visent et qu’elles surveillent de près . C’est dire que c’est aux autorités compétentes d’accorder des agréments, de ralentir la cadence ou de la freiner.

Le Sénégal a créé une banque, la BNDE, ayant pour principale vocation d’appuyer les PME. Ne pensez-vous qu’il y a une certaine insuffisance des interventions des banques primaires classiques dans le soutien des PME/PMI.

Incontestablement, les besoins de financement exprimés par l’économie sont importants. Je rappelle que le système a tout de même financé en 2015 pour 3 155 milliards de FCFA.  Cela étant, il est exact que le plus gros n’est pas allé aux PME/PMI mais plutôt à la grande entreprise. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. C’est pourquoi des incitations, accompagnements et diverses dispositions ne cessent d’être pris pour faciliter l’accès de ce segment au crédit bancaire. Force est de reconnaître que les établissements de crédit n’ont pas toutes les solutions à tous les problèmes qui entravent l’accès des PME/PMI au financement. C’est pourquoi l’Etat accorde à ce volet beaucoup d’attention et d’actions à travers les organes de soutien et d’accompagnement ; idem de la part des bailleurs/organismes de développement.

La BCEAO a fini de mettre la dernière touche sur un projet de dispositif devant, à l’abri d’un certain nombre de mesures, permettre de faciliter et de renforcer l’accès des PME/PMI au financement bancaire. Preuve que la préoccupation est bien réelle mais qu’elle est également prise en compte à divers niveaux, celui de la PME/PMI n’étant pas des moindres et dont il est également attendu un engagement fort. La création de la BNDE et les actions qu’elle mène envers la PME sont à saluer. Mais la solution viendra forcément de tous les acteurs y compris et la PME elle-même à bien des égards.

Qu’est-ce qui est à l’origine de l’insuffisance de ces interventions des banques classiques à l’endroit des PME/PMI ?

Le métier de base de la banque, au-delà de collecter des dépôts, est de distribuer du crédit. Mais distribuer du crédit répond à des critères internes de gouvernance, à des critères réglementaires, à des critères juridiques, à des critères prudentiels, à des critères de préservation et de sécurisation des dépôts de la clientèle, etc.Il n’est pas admissible de penser que la banque ne finance pas la PME/PMI car ces financements existent bel et bien.

Cependant, de même que pour la grande entreprise et les particuliers, le respect des critères évoqués ci-dessus sont pris en compte dans l’approche, l’étude et l’octroi des demandes de crédit ; de la même façon, les demandes émanant des PME/PMI passent également par les mêmes mécanismes. En somme, comme pour parler un langage commun, il y a les dossiers bancables et ceux qui ne le sont pas et qu’il faut tenter si possible de rendre soutenables et présentables de divers points de vue (information financière, activité, marché en amont et en aval, historique, incidents antécédents, capacité et compétence des dirigeants, etc..) aux différentes instances de décision.

 

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