''À l'État de trancher le débat''
C'est parti pour un ramadan à deux vitesses au Sénégal. Avec l'apparition du croissant lunaire de toutes les controverses, le compte à rebours commence...dans la division.
Les Sénégalais ont entamé, comme à l'accoutumée, le ramadan en ordres dispersés. Les fidèles qui s'alignent sur la Mecque, malgré la différence du fuseau horaire, ont pris les devants vendredi, même si la majorité des fidèles sénégalais débute le jeûne aujourd'hui. Leur rang n'a de cesse de s'élargir ces dernières années. Ils sont de plus en plus nombreux, ces fidèles musulmans qui n'attendent plus le « verdict » de la commission d'observation du croissant lunaire pour observer le quatrième pilier de l'islam. A l'origine de ce méli-mélo : le débat sur la visibilité du croissant lunaire.
Et pour cause, ils soulignent en avoir assez des considérations politiques au détriment des préceptes religieux. ''Nous évoluons maintenant dans un village planétaire. Les progrès scientifiques ont permis de réduire les distances géographiques. On n'a plus besoin de parcourir des kilomètres pour porter une nouvelle d'un pays à un autre. Donc, il est temps pour tous les fidèles de suivre la tendance mondiale''.
Pour Hassane Touré, un fidèle disciple de la confrérie tidjane comme pour d'autres, l'instance d'observation de la lune ne pèse plus de son poids. Il estime qu'il est temps de dépasser le visuel et de recourir aux moyens technologiques pour déterminer le calendrier lunaire.
''La Mecque est, de nos jours, la référence des musulmans sénégalais''
Dans cette optique, le professeur à l'Institut fondamental d'Afrique noire (Ifan), l'islamologue Khadim Mbacké, estime que c'est au nouveau régime de trancher le débat en vue d'éviter la célébration de deux fêtes religieuses, dans un pays frappé de plein fouet par la crise économique. Cette situation qui n'honore pas la communauté musulmane, dénote, pour lui ''d'une absence de volonté politique de l'État.
La commission d'observation du croissant lunaire qui été installée par Wade n'a aucune crédibilité. La Mecque est, de nos jours, la référence des musulmans sénégalais''. Le professeur Khadim Mbacké estime que le nouveau chef d'État se doit de remettre de l'ordre dans les questions religieuses de notre pays. Sur ce point, il avance, comme d'autres, que Macky Sall est attendu de pied ferme. Le professeur invite le Sénégal à s'inspirer de ce qui se fait ailleurs.
''Dans tous les pays à majorité musulmane où l'islam est bien organisé, dit-il. Le conseil supérieur islamique installé à cet effet est l'interlocuteur de l'État. Ce conseil existe au Mali, en Égypte, en Libye et partout ailleurs. On doit s'inspirer de cet exemple en désignant un moufti qui parle au nom de tous les musulmans''.
''Tenir compte de la majorité des musulmans.. pour éviter le désordre''
Pour sa part, le maîtrisard en Sciences islamiques, Imam Hassane Seck croit savoir que le débat n'est pas à la dissolution de cette instance d'observation. ''L'une des causes de cette situation, c'est la non prise en compte de la jurisprudence islamique. Même si de grands savants prônent la vision mondiale de l'observation du croissant lunaire, des érudits déconseillent de suivre cette tendance mondiale, si elle n'est pas adoptée par la majorité en vue d'éviter le désordre.»
MATEL BOCOUM