Publié le 3 Dec 2024 - 16:17
VERNISSAGE : "MÉTAMORPHOSE DE L’ART AFRICAIN"

Un dialogue entre passé et futur

 

En plein mois de la biennale, des expositions en off ne cessent de révéler de nouvelles synergies. C’est dans ce sens que le musée Ndikama et le musée Davsien ont accueilli, samedi dernier, l’exposition intitulée : "Métamorphose de l'art africain". En effet, cette thématique explore le parcours évolutif de l'art africain, sa transformation, avec l’illustration d’une richesse artistique puisée dans des traditions ancestrales.

 

L’exposition "Métamorphose de l’art africain" se veut une démonstration de connexion entre les arts anciens et les arts intemporels. En découvrant les peintures et les masques anciens, certains datant du neuvième siècle, il est vrai que nous sommes face à une diversité d’œuvres représentatives aussi bien en images qu’en symboles inspirants. "La nécessité pour nous de réfléchir, d'étudier nos racines à travers les œuvres de nos ancêtres, en appréciant les techniques industrielles que nous avions historiquement, et de montrer que nous étions modernisés dans le passé, est essentielle pour garantir l’innovation et veiller à ce que l’art des Africains ne soit pas perdu", a déclaré la promotrice de l’évènement, Eyamba Danone.

Une découverte au cours de laquelle ont pris part : l’artiste et anthropologue Gbolahan Ayoola, l’artiste visuel et peintre Gerald Chukwuma, et l’artiste figuriste Ebenezar Akinola. Les trois abordent l’art africain sous une forme métamorphosée. En effet, selon les artistes, l’art a évolué dans sa manière de représenter les idées, dans l’utilisation des matériaux, mais également dans les processus de création. Cette transformation illustre une richesse artistique, et les œuvres le confirment. Entre les masques africains de plus de neuf siècles qui sont exposés et ceux confectionnés il y a environ sept ans, l’évolution artistique se fait remarquer. Dans le tout premier masque africain et les créations récentes, on perçoit une évolution dans la technique et les matériaux utilisés, mais, le plus important, c’est qu’on y retrouve l’identité africaine. Un lien mis en évidence grâce aux divers masques venant du Nigeria, tels que les masques yorubas qui sont exposés. "Cette exposition aborde le parcours évolutif de l'art africain, depuis ses profondes racines traditionnelles dans les pratiques spirituelles, utilitaires et communautaires jusqu'à ses expressions contemporaines dynamiques", nous a confié l’artiste visuel, sculpteur et peintre, Gerald Chukwuma. Selon lui, c’est une réflexion sur la manière dont l'art africain s'est adapté aux changements historiques et aux influences mondiales.

Par ailleurs, les matériaux utilisés sur les tableaux de l’artiste et anthropologue Gbolahan Ayoola sont diversifiés. Une approche qui présente, avec discipline et courtoisie, cette évolution. Bien que, dans le passé, les artistes africains travaillaient principalement avec des matériaux locaux comme le bois, l’argile, le bronze ou l’or, témoins de leur environnement immédiat, ces matériaux servaient à créer des masques, des statues ou des objets rituels, souvent destinés à représenter des figures royales ou spirituelles. Aujourd’hui, on découvre l’art africain dans une exploration avec une gamme beaucoup plus large de matériaux. On est face à une réalisation faite à partir de plastique et même de matériaux métalliques recyclables, comme des canettes de Coca-Cola et de Fanta, mises en avant sur l’œuvre. Cet ensemble donne un rendu chatoyant, avec une palette de couleurs et de textures impressionnantes. Cette œuvre n’a pas laissé les visiteurs indifférents. "Je suis impressionné, autant par les couleurs chatoyantes que par les matériaux qui, assemblés de cette façon, nous offrent un rendu un peu cristallisé. C’est une représentation de l’art naturel et du vécu des gens", déclare M. Gaye, un visiteur et amateur d’œuvres d’art. Ainsi, à travers cette exposition, les artistes expriment la fusion des techniques indigènes avec les styles occidentaux et la manière dont ils les abordent maintenant.

Cependant, les créations continuent de faire écho au patrimoine africain à travers des motifs et des systèmes de symboles autochtones. Les écrits adinkra du Ghana, les motifs uli du Nigeria ou encore les nsibidi des cultures du sud-est du Nigeria témoignent de cet ancrage identitaire. L’œuvre en peinture d’Ayoola est un ensemble d’écritures nsibidi, la peinture étant réalisée à partir de symboles et de textes anciens. Ces éléments, qui servent de pont entre les traditions séculaires et l’expression contemporaine, réaffirment une quête de l’identité et une célébration de l’héritage africain.

Des processus en mutation

À la suite de cette exposition, le constat est tel que les outils et techniques utilisés par les artistes africains ont considérablement évolué. C. G. explique qu’alors que les générations passées s’appuyaient sur des outils rudimentaires pour sculpter ou modeler leurs œuvres, les artistes actuels ont adopté des technologies modernes. Défonceuses, perceuses, meuleuses d’angle et gouges sophistiquées permettent, selon eux, une précision et une expérimentation accrues. Cette adoption de nouveaux processus ouvre de nouvelles possibilités tout en honorant les méthodes traditionnelles. Ainsi, ils s'efforcent de conserver l’âme de leur travail en intégrant des techniques qui rappellent le passé tout en explorant de nouvelles avenues créatives. "La plupart de ces changements intègrent toujours des thèmes autochtones afin de rechercher qui nous sommes", soulignent-ils.

Soulignons que, malgré ces changements, cet art reste enraciné dans l’identité africaine. En effet, il existe une constante qui demeure : l’art africain continue de puiser dans ses racines. Les motifs, les symboles et les thèmes autochtones tels que l'identité, la spiritualité et la technologie restent omniprésents et affirment ce lien profond avec l’héritage culturel tout en restant ancrés dans des contextes locaux. Aussi, ces œuvres modernes sont autant de témoignages d’un dialogue entre le passé et le futur, où chaque création invite à une redécouverte de "qui nous sommes", comme l’a souligné l’artiste visuel.

Ainsi, cette évolution n’est pas seulement une réponse au progrès technique et aux idées contemporaines, mais aussi une affirmation de la richesse culturelle du continent. Elle témoigne d’une capacité unique à se réinventer tout en gardant vivante une mémoire collective profondément ancrée dans le patrimoine. Par ailleurs, cette exposition propose une riche tapisserie d'œuvres d'art, allant des artefacts traditionnels aux installations contemporaines innovantes. "Métamorphose de l'art africain" invite les spectateurs à réfléchir sur la résilience de l'expression culturelle africaine et sur le dialogue permanent entre tradition et modernité, célébrant la capacité de l'art africain à inspirer, provoquer et connecter au-delà des frontières", soutient G. C.

THECIA P. NYOMBA EKOMIE

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