Publié le 7 Mar 2021 - 09:07
VIOLENCES, AFFRONTEMENTS TOUS AZIMUTS

Antoine Félix Diome brandit le bâton et accuse Sonko

 

Alors que l’intervention du président de la République, dans la résolution de la crise, est demandée par les Sénégalais, le ministre de l’Intérieur s’est, hier, adressé à la Nation. Toutefois, son discours s’éloigne encore des propos d’apaisement tant espérés du gouvernement.

 

‘’Conspiration contre l’Etat’’, ‘’actes de terrorisme’’, ‘’grand banditisme’’, ‘’insurrection organisée’’. Les mots du ministre de l’Intérieur sont lourds de sens. Et elles traduisent la position ferme adoptée par le gouvernement du Sénégal, face à la crise sociopolitique qui secoue le pays depuis quatre jours. Malgré la contestation populaire depuis l’arrestation du principal opposant au pouvoir, Antoine Félix Diome a rappelé, hier, lors d’un point de presse, que ‘’nous sommes en état de catastrophe sanitaire, avec un couvre-feu toujours en vigueur et des restrictions sur des rassemblements et déplacements, conformément au décret portant renouvellement de l’état de catastrophe sanitaire dans les régions de Dakar et de Thiès’’.

Malgré tout, regrette le premier flic du pays, ‘’des réunions, regroupements, conspirations contre l’Etat, des actes de terrorisme et de vandalisme sont notés. Ils relèvent, de toute évidence, du grand banditisme et de l’insurrection organisée. Ils constituent une violation manifeste de l’état de catastrophe sanitaire. Ils représentent des troubles inacceptables à l’ordre public’’.   

Au moins quatre personnes ont trouvé la mort dans des heurts opposant les manifestants et des éléments des forces de l’ordre. Tout est parti, mercredi dernier, de l’arrestation du député Ousmane Sonko, alors en route pour répondre à une convocation du juge d’instruction du 8e cabinet, sur les accusations de viols et de menaces de mort proférées par une employée d’un institut de beauté. Les manifestations de soutien au leader du Pastef/Les patriotes se sont propagées dans plusieurs localités du pays.

Elles ont été particulièrement virulentes à Dakar, où trois personnes ont été tuées et une autre à Bignona, localité originaire du député encore en garde à vue. Des morts que le ministre de l’Intérieur dit regretter, tout en présentant les condoléances du gouvernement aux familles éplorées.

Violents affrontements à Saint-Louis

Dans la capitale, la contestation a, par moments, laissé place à des scènes de pillage et de destruction de biens. Tout ce qui s’apparente à des intérêts français (Auchan, les stations-service Total, autoroutes à péage, etc.) a été visé dans la furie de manifestants. Des bâtiments administratifs, des biens appartenant à des membres du gouvernement et même des actes de vandalisme ont été notés dans les grandes villes du pays. Des médias estampillés ‘’pro-pouvoir’’ ont été saccagés. A Diourbel, le siège du tribunal a été attaqué. A Saint-Louis, de violents affrontements ont eu lieu sur le pont Faidherbe et le siège de l’APR (parti au pouvoir) a été attaqué. A Mbour, une trentaine de prisonniers ont même profité de la distraction pour se faire la malle.   

Face à cette situation particulière, le gouvernement tient à rappeler, insiste Antoine Félix Diome, son attachement au respect strict des principes de l’Etat de droit, de l’intégrité physique des personnes et de la protection de leurs biens. ‘’Il convient de relever et de condamner fermement les actes de nature terroriste, les voies de faits, les saccages, les pillages et dégradations de bâtiments publics et de biens privés. Mais aussi des commerces appartenant à des personnes physiques et morales. Toutes les personnes auteures d’actes criminels seront recherchées, arrêtées, poursuivies et traduites devant la justice’’, menace le ministre de l’Intérieur.  

Sonko accusé d’appel à l’insurrection

Dans les premières heures de la matinée d’hier, Ousmane Sonko a fait face au juge d’instruction du 1er cabinet, Samba Sall, qui a hérité de l’accusation de viols et de menaces de mort. Ceci, après le désistement du magistrat Mamadou Seck pour convenance personnelle. Un gros incident a même éclaté à la porte du juge du 1er cabinet, lorsque ce dernier a entrepris d’entendre l’opposant sans la présence de ses avocats (voir ailleurs). 

Si le leader du Pastef est poursuivi, en plus des charges criminelles, pour trouble à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée, il se dirige vers la constitution de nouvelles charges : celles d’appel à l’instruction. Et c’est le ministre de l’Intérieur qui a lui-même lancé l’accusation. ‘’Dans le déroulement de la procédure judiciaire relative à un viol, la personne incriminée a manifesté, d’une part, son refus public et ostentatoire à répondre devant la justice. Elle a, d’autre part, par des messages répétés, lancé des appels à la violence, à l’insurrection et à l’affaiblissement de l’autorité de l’Etat. Ces actes de provocation sans précédent et sans commune mesure ont provoqué, avec le soutien de forces occultes identifiées, des manifestations violentes dans plusieurs quartiers de la capitale et dans d’autres localités du pays’’, assure Antoine Félix Diome.  

Allègement futur du couvre-feu

Ce discours va tout de même à l’encontre de l’appel à la stabilité lancé hier par l’Organisation des Nations Unies (ONU). Le représentant spécial du secrétaire général et chef du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel a invité tous les acteurs des affrontements à la retenue et au calme. Mohamed Ibn Chambas a également exhorté ‘’les autorités à prendre les mesures nécessaires pour apaiser la situation et assurer le droit constitutionnel de manifester pacifiquement’’, tout en appelant ‘’les forces de l’ordre à veiller à la sécurité des manifestants et des biens avec professionnalisme et dans le respect des lois’’.

Toutefois, Antoine Félix Diome appelle les populations et toutes les forces vives de la nation au calme, à la sérénité et à l’apaisement. Assurant que l’Etat mettra tous les moyens nécessaires pour mettre en œuvre le maintien et la restauration de l’ordre public, la protection des personnes et des biens, et la préservation des institutions, il a annoncé l’allègement futur du couvre-feu sanitaire, avec l’intensification de la campagne nationale de vaccination.

Lamine Diouf

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