Pr Mamadou Diouf pointe la « dérive autoritaire prévisible » de Macky Sall
Le Professeur d’histoire à la « Columbia University », Mamadou Diouf, réagissant au tollé suscité par "la décision prise et imposée" de reporter l’élection présidentielle du 25 février courant au 15 décembre 2025, y voit une « dérive autoritaire prévisible » de la part du Président Macky Sall. Selon lui, "sa volonté de s’accrocher au pouvoir en toute illégalité et contre la volonté du Peuple souverain était prévisible même s’il soutient le contraire".
« La dérive autoritaire du président Macky Sall, qui s’accroche au pouvoir-même s’il soutient le contraire- était prévisible. C’est comme si cette dérive autoritaire faisait partie de l’Adn de cette force qui arrive au pouvoir en 2012 », a déclaré Pr Mamadou Diouf, invité de l’émission dominicale « Objection » de « Sud Fm » ce 11 février. Selon lui, « il n’y a jamais eu autant de morts dans des circonstances des manifestations que sous son régime où le prix des vies est devenu dérisoire ».
Pis, le bilan macabre s’est encore alourdi avec « la décision qui a été prise et imposée » de reporter unilatéralement le scrutin présidentiel initialement prévu le 25 février courant. En observateur averti, il estime avoir constaté depuis sa réélection en 2019 que le président Macky Sall « a investi plus dans le recrutement, la formation des gendarmes et dans l’achat d’équipements au service de la répression ». Ce qui, à son avis, « donnait déjà une image assez claire de sa « démarche va-t-en-guerre depuis au moins six ans ». Préoccupé par sa réélection, « toutes les décisions qu’il a prises de 2019 à aujourd’hui, sont des décisions qui contribuent à démontrer de manière systématique qu’il voulait un troisième mandat ».
Par conséquent, « il ne va pas reculer devant la violence et l’utilisation de la force face à des citoyens qui ne font qu’exercer leurs libertés les plus simples : la liberté d’expression et la liberté de manifestation ». En essayant d’analyser, sous le prime de ses trois prédécesseurs (Senghor, Diouf et Wade), ce comportement du président Macky Sall et de sa compréhension du Sénégal et de l’homo senegalensis, Pr Diouf soutient qu’« on se rend compte qu’il n’a pas tiré les leçons associées à l’existence de cet État que j’appelle le modèle islamo-wolof qui émerge durant la période coloniale où les populations associées à ce pouvoir sont organisées dans des confréries ». Avec l’avènement des libéraux au pouvoir de 2000 à ce jour, le rôle très important des marabouts qui, en tant que contre-pouvoirs, jouaient un rôle central dans l’équilibre socio-politique (mobiliser les talibés pour l’État et arrêter les dérives de l’État), « a été fortement affaibli et ils ont perdu une partie de leur légitimité ».
En atteste le vote dans les cités religieuses avec une dissidence de plus en plus affirmée des disciples en lieu et place d’une adhésion au Ndiguel des chefs religieux ». L’autre groupe est « l’opposition sénégalaise qu’il a finalement réduit à simple expression comme il l’avait juré ». Selon lui, « l’État qui se met en place, met ensemble ces différents groupes qui négocient ». Ainsi, « l’affaiblissement de ces deux groupes a amené une consolidation de la présidentialisation du système sénégalais », avec comme corolaire, « l’impossibilité d’avoir une pluralité de voix qui, publiquement ou clandestinement, participait à ce travail de maintien de l’équilibre ».
Malamine CISSE