Publié le 25 Jun 2014 - 18:31
NON-ASSISTANCE À PERSONNE EN DANGER

Quand les populations déroulent le tapis rouge aux agresseurs

 

Les faits divers font cas chaque jour d’agressions commises à travers la capitale. Si cette expérience est traumatisante pour les victimes, la non-assistance dont elles font l’objet au cours de leur mésaventure l’est encore plus. En effet, de plus en plus à Dakar, les agressions font ravage sous l’œil de témoins qui ne daignent pas lever le petit doigt. 
 
 
Les agressions rythment le quotidien des citoyens en ville comme dans la banlieue. Les populations ne cessent de crier leur désarroi et réclament plus de patrouilles des forces l’ordre. S'il n'y a ainsi rien de nouveau sous les cieux dakarois, les victimes ont soulevé une remarque qui interpelle : ils se sont fait dépouiller devant des témoins qui n'ont pas bronché. 
 
''Ils m’ont dépouillée, à midi, à deux pas de chez moi''
 
Tico Thiello, étudiant à l’École supérieure polytechnique, en parle. ''Il y a une vingtaine de jours, je marchais tranquillement au niveau de l’échangeur de la VDN, aux environs de 23h, quand je me suis fait agresser’’, narre-t-il. Par malheur, il est tombé sur ‘’5 agresseurs qui n’en affichaient pas l’air’’ et qui lui ont fait ‘’passer un sale quart d’heure’’. Malgré sa soumission, il a été roué de coups, avant d’avoir la lucidité de prendre la poudre d’escampette. ‘’Ceci s’est déroulé devant un groupe de personnes qui étaient assises à quelques mètres et qui suivaient la scène sans broncher ‘’, jure-t-il.  
 
Fatim Sarr a connu la même infortune. Le 15 juin dernier, aux environs de midi, elle s'est fait accoster par deux jeunes hommes, à une vingtaine de mètres de sa maison. Ceux-ci lui ont sommé de leur rendre tout ce qu’elle trimbalait comme objets de valeur. Ce qu’elle a refusé de faire. Il s’en est suivi une bagarre à laquelle elle est naturellement sortie perdante. Les deux agresseurs la tinrent en respect, à l’aide d’armes blanches, tout en la dépouillant de ses deux Smartphones et de son porte-monnaie. ‘’Ils sont courageux. Ils m’ont dépouillée à midi à deux pas de chez moi et le pire, c’est qu’il y avait de gens qui assistaient à la scène’’, avance-t-elle également. 
 
Cet étudiant a connu la même mésaventure, le samedi 14 juin dernier. ''Deux scooters se sont arrêtés à ma hauteur. Leurs occupants m’ont menacé avec des couteaux’’. On lui a arraché son téléphone Samsung galaxy, sous le regard de témoins qui ne lui ont porté aucune assistance. 
 
La déstructuration du lien social
 
Ces histoires ne sont pas des cas isolés. Il est alors essentiel de s'interroger sur les raisons qui amènent les populations à assister impassible à ces agressions. Le sociologue Abdou Khadir Sanoko assimile ce comportement à ‘’la déstructuration du lien social’’. ‘’En société, de manière générale, il y avait des liens affectifs. Malheureusement, avec la modernisation pressante aujourd’hui, il y a un effritement du tissu social par l’intermédiaire de la déstructuration de la sociabilité qui liait les individus les uns aux autres’’, explique-t-il d’entrée. 
 
Selon le sociologue, on assiste à ce qu’on appelle l’individualisation de la société. M. Sanoko explique aussi, que dans des zones à forte urbanisation, il n’existe pas de sociabilité entre les individus, parce qu’ils ne se sentent pas liés par une parenté ou tout autre sentiment. ‘’ À Dakar, tout le monde est étranger. On ne se connaît pas. Ça fait émerger ce sentiment d’insécurité en zone urbaine ; c’est peut-être pour cela qu’à travers ces agressions, les gens restent insensibles à la souffrance de l’autre’’, souligne le sociologue. 
 
La sécurité humaine est en danger
 
S’il est d’avis que l’idéal reste de porter assistance aux autres, Khadir Sanoko rappelle qu’on ne peut toutefois pas demander à autrui ‘’ce qu’on ne lui offre pas’’.  ‘’Il faudrait, qu’en temps de paix, cultiver une certaine sociabilité entre les humains. A Dakar, on peut se croiser sans se saluer. Comment peut-on solliciter le secours d’autrui, alors qu’en temps de paix, on ne le salue pas’’, s'interroge le sociologue.
 
Il est donc important à ses yeux de revaloriser le concept de famille et de partage, ‘’car ce genre de situation peut arriver à n’importe qui’’, prévient-il. ‘’Le communautarisme et le collectivisme ont tendance à disparaître, au profit de l’individualisme, argue-t-il.  Un phénomène qui s’avère ‘’très dangereux pour la sécurité humaine’’.  
 
ANTOINE DE PADOU
 

 

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