Publié le 23 Dec 2014 - 16:15
PROCÈS KARIM MEISSA WADE

Un procès à la croisée des chemins

 

C’est une toute autre ambiance qui règne au Palais de Justice de Dakar. Avec, la réapparition de Bibo Bourgi (cette fois sur ses deux jambes), la donne change totalement, dans ce qui était jusque-là un « stalemate » entre des prévenus volontairement silencieux et une procédure qui s’acharnait, vaille que vaille, à trouver (ailleurs) ses réponses.

 

Comme c’est souvent le cas à l’aube des grands changements, une sorte d’énergie, de tension nerveuse ou, si l’on veut, de sentiment commun d’expectative s’est ressenti hier, à la reprise du procès Karim Wade. Cette effervescence est due au fait que l’audience, qui s’est rouverte après un mois et demi de « congés forcés », a été la scène du retour, devant la CREI, d’Ibrahim Aboukhalil alias « Bibo » Bourgi.

En effet, réapparu en apparente bonne santé, quoique très amaigri, le coïnculpé et complice supposé de Karim Meïssa Wade revient d’un séjour en France de 45 jours pour raisons médicales. Du fait de la double nationalité dont l’intéressé se prévaut, les rumeurs les plus folles ont longtemps circulé quand à l’éventualité, de son retour au Sénégal, afin d’y être jugé. C’est néanmoins vêtu d’un costume bleu marine et les cheveux gris coiffés en arrière que Bibo Bourgi, à peine reconnaissable sans sa civière et ses perfusions, s’est bel et bien présenté, hier, à la salle 4 du Palais de Justice en compagnie de ses avocats.

Arrivé quelques minutes seulement après l’ouverture de l’audience, Bibo a rejoint d’un pas déterminé, quoique précautionneux, le siège qui est le sien parmi les autres coïnculpés et s’y est assis sans dire un mot. Il fut sans attendre invité à la barre par le Président de la CREI, Henri Grégoire Diop, qui a juste pris le temps de remettre la comparution des deux témoins du jour, Mansour Guèye et Souleymane Sy, au lendemain, avant de s’entretenir avec lui et de lui permettre, à sa demande, de faire une déclaration (voir ailleurs).

À la suite de cette déclaration, les magistrats, reprenant la parole, lui ont signifié qu’il pouvait rentrer chez lui jusqu’au lendemain, puisqu’il n’était pas concerné par l’ordre du jour, à savoir l’examen des demandes de liberté provisoire… Bibo Bourgi les a remerciés de cette attention, avant de dire que, « par respect », il assisterait au procès jusqu’à la pause de la mi-journée, afin de ne pas quitter l’audience pendant son cours.

« Arguments humains »

Le « point Aboukhalil » évacué, on est passé aux deux demandes de liberté provisoire formulées par Mamadou Pouye et Karim Meïssa Wade. La première à être examinée fut celle du co-fondateur d’AHS, représenté à la barre par ses avocats, avant d’être invité, en personne, à exposer ses arguments. Et c’est Me Leyti Ndiaye qui a ouvert le bal des plaidoiries, avec des « arguments humains » qu’il a exposés devant les juges, avant de citer Shakespeare via un monologue tiré de sa pièce « Le Marchand de Venise » : « La clémence (…) fait du bien à celui qui donne et à celui qui reçoit.

Elle est la puissance des puissances (…), et le pouvoir terrestre qui ressemble le plus à Dieu est celui qui tempère la justice par la clémence. Ainsi (…), bien que la justice soit ton argument, considère ceci : qu'avec la stricte justice, nul de nous ne verrait le salut. C'est la clémence qu'invoque la prière, et c'est la prière même qui nous enseigne à tous à faire acte de clémence», a ainsi récité l’avocat, dont le surnom « Me Boileau » ne semble décidément pas volé.

Quelques plaidoiries plus tard, il s’est révélé que le Parquet Spécial ne partageait pas cet avis. Haute littérature ou pas. Antoine Félix Diome a estimé qu’il « n’y a pas d’éléments nouveaux », depuis la dernière demande de liberté provisoire de Mamadou Pouye lui permettant maintenant d’y prétendre… Et cela, malgré le fait que cela fasse 616 jours que l’intéressé est en détention.

Lorsque Me El Hadj Diouf entre en scène

Même son de cloches chez les avocats de l’État, dont le plus vocal est sans conteste Me El Hadj Diouf. Le tonitruant parlementaire a, en effet, tenté de nous convaincre que ‘’qui se ressemble s’assemble’’, comme dit l’adage. Donc, que puisque certains des prévenus sont en fuite, il n’y a pas de raison que Mamadou Pouye, une fois libre, ne cherche pas lui aussi à « prendre la tangente »…

Bien qu’on vous fasse l’économie de certains des arguments dudit avocat de la Partie Civile, il semble que ses remarques étaient en certains points si désobligeantes que la Cour elle-même a dû, à plusieurs reprises, le rappeler à l’ordre, avant de se rabattre, en désespoir de cause, sur l’un des bâtonniers dans la salle pour que ce dernier mette le holà… Il nous avait manqué, notre avocat-parlementaire !

Lesdites frasques absorbées, et plus tard, sujettes à des répliques acerbes de la part de Me Baboucar Cissé, il revint à Mamadou Pouye lui-même de prendre la parole pour le mot final, avant que le délibéré, sur la question, soit renvoyé au 29 de ce mois.

Mamadou Pouye, de retour dans le box, ce fut à Karim Wade de se prêter au même exercice. De blanc vêtu, comme toujours, il est allé s’asseoir seul sur le banc des accusés, pendant que ses avocats, Mes Seydou Diagne, Clédor Ly, Madické Niang et Demba Ciré Bathily se chargeaient d’exposer les arguments en faveur d’une potentielle liberté provisoire dont il pourrait bénéficier.

Me Madické Niang tire sa révérence

Comme pour Mamadou Pouye, une liste d’arguments a été égrenée, avant que la parole ne soit donnée au Parquet spécial, puis à la Partie Civile, via les plaidoiries, entre autres, des deux anciens bâtonniers Mes Felix Sow et Yérim Thiam. Rien d’excitant jusqu’aux répliques, avec le 2e passage de l’ancien ministre des Affaires Étrangères  qui a fait une révélation : « Je pense pouvoir dire que ce dossier sera mon dernier, en termes de plaidoiries. Quand tout cela sera fini, je prendrai cette robe et je la rangerai quelque part pour me retirer dans mon cabinet et laisser à mes associés le soin d’aller plaider », a confié Me Madické Niang, à la suite d’un vibrant monologue.

L’avocat a été le dernier à s’exprimer de la journée, puisque la décision concernant la demande de son client a été également renvoyée à la semaine prochaine, avant que l’audience ne soit levée pour la journée.

Sophiane  Bengeloun

 

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