Publié le 24 Aug 2017 - 03:09
MAMADOU MOUSTAPHA WONE, SOCIOLOGUE

‘’Les femmes ont l’apanage des deux violences, celle sexuelle et verbale’’

 

Même si c’est un sujet tabou au Sénégal, des hommes sont souvent maltraités au sein des couples. Dans cet entretien, le sociologue Mamadou Moustapha Wone revient en détails sur les différentes formes de violences que les femmes font souvent subir à leurs maris. Selon lui, ces dernières ont notamment l’apanage de la violence sexuelle et verbale.

 

On parle beaucoup de violences faites aux femmes et les Nations Unies leur ont même dédié une journée. Ce qui n’est pas le cas pour les hommes. Qu’est-ce qui explique cette disparité ?

Quand on parle des rapports entre homme et femme, on accorde souvent la prééminence à l'homme. S’agissant des violences, c'est également le cas. Dans nos sociétés, quand on voit un homme se battre avec une femme en public ou un enfant, on n'essaie pas de savoir ce qui se passe. On incrimine automatiquement l'homme. Parce que, depuis longtemps, l'homme a été considéré comme l'élément dominant de la société. Ça a fini par s'installer comme un ordre. On croit que la norme, c'est que l'homme taise ses sentiments et que la femme, elle, les extériorise. Dans le conscient des individus, quand on parle de violence, on pense qu'elle est faite à l'encontre des femmes. Même sur Internet, quand on fait une recherche et quand on tape ‘’les violences faites’’, ce qui sort automatiquement, c'est ‘’aux femmes’’. Jusqu'à présent, beaucoup de gens n'ont pas essayé de voir ce qui se cache derrière cette violence faite aux hommes. Aucune étude n'est encore faite au Sénégal. Mais quand on parle de violence, on pense aussitôt qu’elle est faite à l’encontre des femmes. Or, des études faites à travers le monde ont montré que presque 40 % des violences conjugales sont faites à l’encontre des hommes. Cette violence des femmes est beaucoup plus insidieuse. C’est rarement une violence physique.

Quels sont les différents types de violences dont sont victimes les hommes ?

Les violences que peut vivre un couple sont, en général, au nombre de cinq. Elles sont psychologiques, physiques, sexuelles et les femmes ont le secret de ces formes précitées. Il y a aussi la violence verbale dont elles ont également le monopole et celle économique. Généralement, les femmes ont l’apanage des deux violences, celles sexuelle et verbale. Quand on parle de violence sexuelle, ce n’est pas qu’elles violentent les hommes sur le plan sexuel ou les violent. Mais elles peuvent priver les hommes de ce plaisir pour plusieurs raisons. Elles peuvent se faire très belles le soir, au point que vous ayez envie d’elles. Mais, une fois au lit, elles refusent que vous les touchiez. Elles peuvent aussi rester jusque tard dans la nuit et le refuser en soutenant qu’elles vous ont demandé quelque chose dans la journée et que vous ne la leur avez pas donnée. Et l’homme, s’il n’est pas violent, va tempérer. C’est une arme que détiennent les femmes. Or, c’est très rare qu’un homme prive sa femme de sexe. Parce que c’est une forme d’extériorisation de ses sentiments. La violence la plus manifeste chez les femmes, c’est celle verbale. Alors que la parole déteint, joue sur le mental et même le moral de l’homme. Un homme qui a une femme qui passe tout son temps à parler, à crier à tort et à travers, est souvent traumatisé. Dans son lieu de travail, il risque d’être un homme qui n’est pas épanoui. La violence verbale est insidieuse, avec des conséquences beaucoup plus dramatiques.

Est-ce que le statut de ‘’sexe fort’’ de l’homme le pousse à subir des violences de la part des femmes sans réagir ?

Dans nos sociétés, et c’est pratiquement universel, quand une femme a tort, l’homme doit essayer de la raisonner et non pas de la violenter. Parce qu’il est plus fort qu’elle physiquement. L’homme ne peut pas profiter de sa supériorité physique. Il faudrait qu’il sache raison garder. Qu’il l’ignore carrément ou qu’il se détache d’elle pour aller ailleurs jusqu’à ce qu’elle revienne à de meilleurs sentiments. Nos religions et même nos coutumes nous demandent d’endurer ce que la femme fait. On a souvent tendance à se moquer des hommes qui sont violentés par les femmes. Parce qu’on les taxe d’hommes mous, qu’ils n’ont pas de caractère, qu’ils ne sont pas autoritaires, qu’ils sont dominés, etc. On dit aussi qu’ils ne sont pas virils. C’est pourquoi ces hommes ont souvent tendance à taire les violences qu’ils subissent.

Les idéologies telles que l’émancipation des femmes, la parité ont-elles ont un impact sur le comportement des femmes envers leurs maris ?

On a souvent tendance a pensé que l’égalitarisme dans les familles entraine non pas la cohabitation, mais la ‘’cohabitension’’ entre les deux conjoints. C’est-à-dire qu’il y a des tensions et des querelles. Contextuellement, dans les couples où on parle d’émancipation, d’égalitarisme entre les deux sexes, il y aura beaucoup plus de frictions. Parce que chaque partenaire pensera être dans son propre droit d’égalité à l’autre. Alors que dans les sociétés anciennes, il était instauré une forme d’inégalité qui était acceptée, aussi bien au sein de la famille entre l’homme et la femme, les adultes et les enfants, aussi bien que dans tous les secteurs. Tout le monde l’acceptait. Maintenant, on instaure une société où il y a l’égalitarisme. Ce qui a des répercussions sur les relations de couple.

S’il n’y a pas de concertations, il y aura souvent des frictions qui sont des formes de violences soit physiques ou verbales. On peut supposer qu’effectivement, l’instauration de plus d’égalité dans les relations entre les conjoints peut susciter, envenimer ou causer réellement une violence plus accrue au sein du couple. La violence faite par les hommes est surtout plus insidieuse que le rôle accordé à la femme. Il y a beaucoup d’hommes qui sortent de leur maison pour aller à la ‘’grand-place’’, pour éviter les situations insoutenables qu’ils vivent à la maison. Quel que soit le contexte égalitaire ou inégalitaire entre l’homme et la femme, la violence faite à l’encontre des hommes a toujours existé. Maintenant, on ose tout simplement en parler. Parce qu’on s’est rendu compte qu’une personne, c’est une personne. Il n’y a pas une différence réelle au niveau physiologique, sentimental et mental. Par conséquent, s’il y a des hommes qui sont violentés, il faudrait qu’on en parle.

Peut-on donc en déduire que les femmes instruites et qui connaissent leurs droits exercent plus de violence sur les hommes que celles qui ne le sont pas ?

Ce ne sont que des hypothèses, parce qu’il n’y a pas d’études concrètes sur ce phénomène au Sénégal. L’égalitarisme est beaucoup plus observé dans les couples où les deux conjoints sont instruits. Ça, c’est objectif. Les femmes qui ne sont pas instruites ont moins de revendications par rapport à leurs droits dans la vie conjugale. Elles pensent plutôt qu’elles doivent être dociles, qu’elles sont ‘’la propriété de l’homme’’. C’est l’homme qui décide de tout. Mais on voit que les femmes instruites deviennent de plus en plus conscientes de leurs droits, au sein de la famille, du couple et de la société.

Dès lors, elles ont tendance à les revendiquer. Une revendication n’est jamais apaisée, elle peut se manifester de manière violente et parfois brutale. Par hypothèse, on peut supposer que, réellement, les femmes instruites sont plus promptes à revendiquer leurs droits. Celles qui sont dans les villages ont dans la tête que, si elles ont été emmenées chez leurs maris, c’est pour être dociles, endurer des choses. Alors que les femmes instruites pensent de plus en plus que le mariage, c’est un contrat, une forme de partenariat où les deux conjoints vont essayer de parler, de s’entendre sur tout. Quand on dit s’entendre, c’est se parler, négocier. Or, si l’homme sent son autorité trahie, il peut vouloir s’imposer et si la femme le suit dans cette logique, ça risque d’être violent. Ce qui fait que dans les familles où les conjoints sont instruits, il n’est pas dit qu’il y a toujours la guerre, mais on a observé qu’il y a beaucoup plus de tiraillements, de querelles, de revendications pour le respect des droits des uns et des autres.

Certains hommes interrogés soutiennent que, depuis qu’ils sont à la retraite, ils vivent le calvaire chez eux. Parce qu’ils n’ont plus d’argent et leurs femmes ne les respectent plus. Est-ce que l’argent influe sur le comportement des femmes vis-à-vis de leurs conjoints ?

Ce n’est pas l’argent, c’est le statut de l’homme. C’est lui qui entretient la famille. Si, pour plusieurs raisons, l’homme ne parvient pas à tenir cette responsabilité, automatiquement, on le lui fera savoir, que ce soit ses enfants ou sa femme, parfois même ses voisins. Peut-être que ces hommes n’ont pas ce degré de compréhension. Donc, ils font un jugement de valeur. Or, la société ne connait pas ça. Elle a juste accordé des rôles à chaque individu, qu’il doit assurer. Il faut qu’on évite de rendre sentimentales les relations entre les individus dans un couple. Ce sont des relations qui sont codifiées.

Il y a également des hommes qui soutiennent que les monogames sont plus violentés par leurs femmes que les polygames. Est-ce vraiment le cas ? 

Un homme qui a une seule femme, c’est vrai qu’il ne peut pas la fuir. Il peut même le faire, mais tôt ou tard, il va revenir à la maison. C’est peut-être beaucoup plus tolérable d’avoir plusieurs femmes. Parce qu’en cas de violence, il peut s’éclipser et aller vers l’autre. On peut même jouer sur la mentalité des femmes en leur disant, par exemple, que l’autre est plus douce, plus gentille, etc. Ce qui fait qu’il y aura une concurrence entre elles. Chacune va essayer d’être plus gentille avec son homme. Parce qu’elle sait que si elle est conflictuelle, l’homme va la laisser pour aller chez l’autre. Ça peut jouer. 

Est-ce qu’un homme victime de violences conjugales peut avoir le contrôle de son foyer et de ses enfants ?

Un homme qui est violenté par sa femme, sa compagne, devant ses enfants, peut perdre son autorité carrément, vis-à-vis de tout le monde. Parce que sa femme qui aurait dû donner l’exemple est en train de piétiner son autorité. Les enfants vont se rendre compte, tôt ou tard, que ce père qui aurait dû avoir une assise solide ne l’est pas. Quand cette autorité s’effrite, il la ressentira. Si la violence est toujours privée, on peut la supporter, pourvue qu’elle ne soit pas trop récurrente. 

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