Publié le 25 Aug 2020 - 19:47
CRISE AU SEIN DE LA MAGISTRATURE

Les dessous d’une guerre latente

 

Au-delà de l’affaire Dia-Kane, se cache un mal bien plus profond qui oppose magistrats supposés privilégiés et ceux qui se disent un peu ostracisés.

 

Un ‘’bad buzz’’ qui n’en finit pas de défrayer la chronique. Dans la magistrature, le moral est au plus bas pour certains acteurs qui ne sont nullement surpris des derniers développements dans leur corporation, d’habitude si silencieuse en dehors des prétoires. ‘’C’était désespérément prévisible’’, confie un magistrat avec amertume.

En fait, depuis quelque temps, un conflit latent sévit au sein de l’institution judiciaire. De plus en plus, jeunes et vieux se regardent en chiens de faïence. Pendant que les premiers estiment que certains parmi les anciens jouissent de privilèges indus, les seconds voient en quelques-uns des jeunes un certain empressement. A en croire ce procureur, il n’en est rien. ‘’S’il y a un conflit, il faut surtout le poser en termes de magistrats privilégiés, surtout ceux qui bénéficient de la prolongation de la retraite, et magistrats discriminés qui estiment être victimes d’une injustice. Et ces privilégiés qui se retrouvent également au Conseil supérieur de la magistrature, ne font rien pour mériter le respect de leurs pairs. Comme ils sont choisis de manière discrétionnaire, parfois même arbitraire, ils ont l’habitude de s’aligner sur toutes les décisions présentées par l’Exécutif. Même les plus iniques comme celle concernant le magistrat Ngor Diop. Donc, leur comportement ne permet pas parfois aux plus jeunes de les respecter. C’est cela le nœud du problème’’.

Nonobstant cette précision, il faut relever que ceux qui bénéficient de la loi sur la retraite, c’est généralement quelques anciens, mais pas tous les anciens. Il s’agit principalement des chefs de cour aux termes de l’article 65 de la loi organique n°2017-10 du 17 janvier 2017. Lequel dispose : ‘’La limite d’âge des magistrats soumis au statut, est fixé à 65 ans. Toutefois, est fixé à 68 ans la limite d’âge des magistrats occupant les fonctions de premier président, de procureur général et de président de chambre à la Cour suprême. Il en est de même des magistrats exerçant les fonctions de premier président et de procureur général d’une cour d’appel.’’

La racine du mal : loi sur la retraite des magistrats

Selon certains de nos interlocuteurs, voilà la racine du mal. Du fait de cette loi inique, une césure très profonde a été créée au sein même du corps. Malgré la demande d’une majorité de magistrats en faveur d’une harmonisation de l’âge de la retraite, l’Exécutif est resté insensible.

De ce fait, des magistrats au seuil de la retraite disposent de deux options. Soit vous êtes à une des stations susmentionnées et vous avez droit à trois ans supplémentaires ; soit vous ne faites pas partie de cette clique et vous partez à 65 ans. Une situation qui les installe en permanence dans une grande incertitude. Et l’Exécutif maintient ainsi une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.

En ce qui concerne le premier président de la Cour d’appel de Kaolack, certaines sources renseignent qu’il est aujourd’hui âgé de 64 ans. Selon le bon vouloir du Conseil supérieur de la magistrature, qui obéit la plupart du temps aux désidératas de l’Exécutif, il partira soit dans 1 an, soit dans 4 ans. D’où les diatribes de nombre de magistrats contre ladite loi. ‘’C’est vraiment une loi qui asservit les magistrats. Tout dépend du ministre et du président. En outre, cela divise le corps. Les privilégiés, qui ne sont pas forcément les plus méritants, sont regardés d’une certaine manière. Dans les cours, ils ont du mal à s’affirmer’’.

A la Cour d’appel de Kaolack, l’ambiance est ainsi délétère depuis plusieurs mois. Au-delà même du juge Dia, le premier président a des bisbilles avec d’autres de ses jeunes collègues. L’ambiance, assure nos sources, est lourde dans cette juridiction. Et ce qui est valable pour Kaolack l’est également pour beaucoup de ressorts. ‘’Il y a une césure entre l’immense majorité, constituée de jeunes, de moins jeunes et de vieux aussi. Fondamentalement, c’est un problème de crédibilité et de légitimité qui se pose. Quand on est confronté à ces problèmes, on a beau être chef de façon formelle, mais on n’a aucune autorité sur les gens. On est juste le chef administratif de la juridiction’’.

Longtemps ébruitée dans les couloirs des différents tribunaux du Sénégal, cette guéguerre a été mise à nu par le premier président de la Cour d’appel de Kaolack, démissionnaire de l’Union des magistrats sénégalais (UMS). Dans sa lettre, il donnait le ton, s’en prenant vigoureusement aux jeunes qui, selon lui, ont repris les ‘’insultes’’ avec l’affaire Ngor Diop. Cette affectation controversée, affirmait-il, a été ‘’l’occasion pour les magistrats insulteurs de leurs ainés de reprendre du service. Une attitude pas nouvelle, d’après le premier président qui rappelle une assemblée générale de l’UMS au cours de laquelle de jeunes magistrats avaient abreuvé d’insultes de hauts magistrats.

Cette sortie aura le mérite de déterrer de supposés cafards. Dans la foulée, des accusations très graves portant sur sa personne ont été mises sur la place publique. Quelles qu’en soient les causes, ce conflit est juste ‘’répugnant’’, selon certains interlocuteurs. Et ils sont d’autant plus outrés par la nature assez dégradante des accusations. Mais pour certains, c’est surtout l’attitude du premier président de la Cour d’appel de Kaolack qui exaspère. Pourquoi a-t-il jugé nécessaire de faire une lettre de démission, alors qu’il n’est même pas membre du Bureau exécutif ? C’est comme si l’objet était juste de nuire. D’autant plus qu’il sait que sa présence ou non ne se ressent pas.

Il faut rappeler que cette sortie de Kane est la deuxième en l’espace d’à peine un mois contre des syndicats s’activant dans le système judiciaire. La première fois, c’était contre le secrétaire général du Sytjust, dont la grève causait d’énormes préjudices au service de la justice. Ce dernier étant de son ressort, Kane avait non seulement donné des instructions pour lui servir une demande d’explication en raison d’absence du service, mais aussi avait fait une sortie publique pour démonter le greffier en poste à Fatick. Ironie de l’histoire, c’est l’Union des magistrats sénégalais qui était monté au créneau pour le défendre face aux diatribes d’Ayé Boun Malick Diop. 

L’Igaj, une institution digne de confiance

Passif depuis le mois d’avril, alors même que le dossier était sur sa table, le ministre de la Justice s’est vu contraint de sévir, au regard des derniers développements dans l’affaire opposant les juges Dia et Kane.

A ceux qui seraient tentés de douter de la crédibilité de l’enquête ouverte et confiée à l’Inspection générale de l’administration de la justice (Igaj), des sources judiciaires rassurent : ‘’Ce sont des magistrats émérites, très crédibles, que personne ne peut manipuler. Leur crédibilité ne peut souffrir d’aucun doute. Maintenant qu’ils ont été saisis, il faut être sûr qu’ils vont faire le job.’’

A la tête de cette institution se trouve, en effet, le haut magistrat Cheikh Tidiane Lam, qui jouit d’une excellente réputation auprès de ses pairs. Il en est de même de son premier adjoint Hamidou Kane ainsi que du deuxième Mansour Diop. A en croire nos sources, le premier président de la Cour d’appel de Kaolack, Ousmane Kane, était attendu hier auprès de l’inspection.

Par le passé, l’Igaj a eu à mener des enquêtes et à prendre des décisions draconiennes contre des magistrats coupables de fautes lourdes. 

Mor Amar

Section: 
ÉMIGRATION CLANDESTINE : Une trentaine de jeunes partis depuis la mi-ramadan introuvables
AFFAIRE MOUSTAPHA DIAKHATÉ Le parquet requiert six mois de prison, dont trois ferme
AGRESSION CONTRE L’IRAN : Le Ris-Alwahda accuse Israël et appelle à une riposte collective
Saint-Louis CFEE 2025
POLITIQUE MIGRATOIRE AUX ÉTATS-UNIS : Ce que Trump reproche aux Sénégalais
TRANSPORT AÉRIEN : Faut-il liquider Air Sénégal ? 
VIOL ET PÉDOPHILIE SUR UNE MINEURE DE 14 ANS : Kh. Mbathie encourt 10 ans de réclusion criminelle
SAINT-LOUIS : 50e ANNIVERSAIRE DE L’ONG GUY SEDDELE : La jeunesse sensibilisée sur les impacts du numérique
UNTJ/SYTJUST
SAINT-LOUIS : OMVS-UGIH-CCNUCC : Le développement durable et l’innovation au cœur des échanges
FUITES DES ÉPREUVES AU LYCÉE MALICK SY DE THIÈS : Les enseignants tirent la sonnette d’alarme
MAMADOU IBRA KANE : “Tous les pays qui ont perdu une presse républicaine, libre et indépendante...”
THIÈS – FINANCEMENT DE LA SANTÉ MATERNELLE ET INFANTILE : Les élus locaux appelés à s’engager
MARCHE DE PROTESTATION À NDRAMÉ ESCALE : Eau, électricité, routes et structures de santé réclamées
PUFF, TABAC CHAUFFÉ, CIGARETTES ÉLECTRONIQUES : Progrès ou poison 
JOURNÉE DE L’ENFANT AFRICAIN : Le faux bond de Maimouna Dièye, Coumba Gawlo héroïne de la journée
EN COLÈRE CONTRE SON PETIT AMI MARIÉ ET PÈRE DE FAMILLE : F. Camara divulgue ses images intimes sur les réseaux sociaux
THIÈS – BACCALAURÉAT TECHNIQUE 2025 : L'adjoint au gouverneur déplore la baisse du nombre de candidats
À CAUSE DE LA MAUVAISE QUALITÉ DES ALIMENTS : 137 mille personnes meurent
CONCOURS NATIONAL MISS MATHÉMATIQUES / MISS SCIENCES 2025 : Le Men honore l’excellence féminine dans les disciplines scientifiques