Publié le 28 Jul 2021 - 21:47
RESEAUX SOCIAUX AU SENEGAL

Espace de désocialisation 

 

Les réseaux sociaux ont permis une démocratisation de la parole. Pourtant, il est noté sur les plateformes une absence de démocratie entre utilisateurs. Des groupes se forment et s’attaquent à d’autres suivant les appartenances politiques, religieuses, etc.

 

‘’Ils ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, avant, ne parlaient qu’au bar, après un verre de vin, et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite, alors qu’aujourd’hui, ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel’’. Ainsi s’exprimait le philosophe et essayiste italien Umberto Eco, parlant des réseaux sociaux. Ses propos avaient installé une polémique comme bien d’autres du même auteur sur les technologies de l’information et de la communication. Avait-il raison ?

Vu certains tweets, post Facebook, etc., on serait tenté de lui donner raison.  Les réseaux sociaux sont arrivés à démocratiser la parole, nul n’en doute. Aujourd’hui, tout le monde peut donner son avis sur n’importe quel sujet et surtout n’importe comment.

Il est noté des formes hétérodoxes de participation politique. ‘’Les frontières du champ politique s’en trouvent ainsi repoussées, donnant droit de cité à des catégories d’individus qui en étaient exclues, mais bousculant du même coup des règles de participation politique, formelles et informelles, réputées garantes de l’ordre public. Selon le contexte, et selon le jugement porté sur le caractère plus ou moins démocratique des règles ainsi transgressées, cette transformation du champ politique peut être considérée comme une menace (Morozov 2011 ; Sunstein 2001) ou comme une source salutaire de démocratisation (Cardon 2010 ; Shirky 2008). Ces points de vue opposés témoignent, en tout cas, d’une redistribution des cartes qui soulève de nombreux questionnements normatifs’’, écrit la politologue et sinologue, chercheuse associée au Médialab et ambassadrice du Médialab vers la Chine et l'Asie, Séverine Arsène.

Le Sénégal n’échappe pas à ces transformations. Au plan politique, elles sont devenues une menace, aujourd’hui. D’ailleurs, après les évènements de mars dernier, 133 personnalités sénégalaises, de divers domaines, ont signé une tribune commune pour attirer l’attention sur les menaces qui pèsent sur la liberté d’expression au Sénégal. ‘’Les régimes qui se sont succédé dans la gestion de notre pays ont en commun d’avoir été intimidants. De plus, les intérêts de quelques-uns l’ont beaucoup trop souvent emporté sur l’impérieuse nécessité de privilégier ce qui est appelé intérêt général et qui peut être défini comme la capacité des individus à transcender leurs appartenances et leurs intérêts pour exercer la suprême liberté de former ensemble une société politique’’, écrivent-ils. Ils reconnaissaient que la violence verbale et physique a toujours existé dans l’espace politique sénégalais, mais pas aux proportions notées dernièrement. ‘’La grande nouveauté, aujourd’hui, c’est la systématisation du risque de violence verbale et physique sur toute opinion divergente. Les réseaux sociaux sont devenus un lieu où règne à outrance cette pensée unique. Aucune opinion divergente n’y est plus admise. Le Sénégal ayant toujours été un pays de dialogue, de débat d’idées et de bouillonnement intellectuel, nous perdrions gros, si le débat contradictoire dans l’espace public (fora, télévisions, radios et réseaux sociaux) y devenait quasi impossible, par crainte de représailles, sous quelque forme que ce soit’’, regrettent-ils.

Sur les réseaux sociaux où sont présents presque tous les hommes politiques, des flèches sont décochées de toutes parts, tous les jours. Chaque homme politique sénégalais a ses lieutenants. Ils se font appeler ‘’Baye Fall’’. On retrouve dans ces espaces des ‘’Baye Fallou Sonko’’, ‘’Baye Fallou Tas’’, ‘’Baye Fallou Macky Sall’’, etc. Ils sont des répondeurs automatiques et donnent l’impression de passer leurs journées devant leurs écrans attendant que quelqu’un s’en prenne à leur leader pour décocher leurs flèches. Ils sont souvent d’une insolence, d’une virulence et d’une incorrection inouïe. Pourtant, rappellent les signataires de cette tribune commune sus citée, ‘’les militants et sympathisants des camps opposés peuvent discuter, arguments à l’appui, sans verser dans l’inacceptable’’. Mais ‘’lorsque nous en arrivons à ce que des journalistes et des intellectuels soient systématiquement insultés et menacés, pour avoir simplement donné un avis différent de celui d’autres, nous perdons ce qui, entre autres, a toujours fait la spécificité de ce pays : chérir la réflexion, l’analyse et le débat’’, dénoncent-ils.

Au-delà, de la politique, il a été enregistré des attaques contre des chefs religieux et des groupes ethniques. Ce qui est très dangereux pour la paix et la cohésion sociale.

Les choses sont telles qu’aujourd’hui, l’Etat a décidé de réglementer cet espace. Cela entrainera des restrictions naturellement. Mais en attendant, à cause de dérives, des gens ont été arrêtés. Ce fut le cas de la chanteuse Amy Collé Dieng qui avait tenu des propos irrespectueux à l’endroit du président Macky Sall dans un audio WhatsApp. Il y a eu également celle d’Oulèye Mané qui avait partagé un photomontage du président Sall dans un groupe WhatsApp. La liste est loin d’être exhaustive. C’est une utilisation à mauvais escient des réseaux sociaux qui leur avait valu un séjour carcéral.

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