Publié le 22 Dec 2023 - 11:54
DOSSIER SUR LES SAISIES RECORD DE COCAÏNE

Les méandres du trafic au Sénégal

Les saisies record de cocaïne inquiètent plus d’un, dans le pays. Qu’il s’agisse de celles effectuées sur terre ou en mer, elles pulvérisent les records. Circulant sur le territoire sénégalais, notamment dans la capitale, cette poudre blanche a une clientèle assez spéciale. ‘’EnQuête’’ a mené des investigations pour cerner les contours du trafic et de la consommation de cette drogue qui coûte 80 000 F CFA le gramme.

La cocaïne est un alcaloïde tropanique extrait de la feuille de coca. Célèbre psychotrope, elle est un très puissant stimulant du système nerveux central. Sa consommation est extrêmement addictive. Elle constitue également un vasoconstricteur périphérique. Elle est classifiée comme stupéfiant par la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Sa possession, son trafic et sa vente sont réglementés dans tous les pays.
Cependant, certains États ont dépénalisé, voire légalisé sa possession pour un usage personnel. C’est le cas en République tchèque, au Portugal ou en Colombie. D'autres pays ultra-restrictifs peuvent appliquer la peine de mort comme l'Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis.

Contrairement à l'héroïne, il n'existe pas encore de traitement de substitution. Un vaccin anti-cocaïne a été testé avec succès chez l'animal et chez l'homme, sans effets indésirables graves. Il semble être un traitement porteur d'espoir contre l'addiction à ce produit, sous réserve que des études faites à plus grande échelle confirment son innocuité.

La cocaïne est présente en quantité infime dans le maté de coca, boisson traditionnelle de la civilisation andine ainsi que d'une manière un peu plus importante dans la feuille de coca, mâchée également dans la cordillère des Andes. La feuille de coca joue alors le même rôle social et culturel que le café ou le thé dans d'autres cultures. Elle a, de plus, une utilisation rituelle et médicinale. La culture de la coca et son usage traditionnel, déjà communs sous l'Empire inca ainsi que la commercialisation de feuilles de coca (et non de cocaïne extraite sous forme de poudre) sont ainsi légaux au Pérou et en Bolivie.

Loi Latif Guèye
Au Sénégal, depuis 2007 et le vote de la loi Latif Guèye, le trafic de drogue et sa consommation sont criminalisés. Les suspects encourent une peine minimale de 10 ans de réclusion assortie d'une amende triple de la valeur de la drogue saisie. Une politique répressive dénoncée par les spécialistes de l'addiction.
Malgré cela, le trafic de la drogue, d’une façon générale, et de cocaïne en particulier, est devenu monnaie courante dans ce pays. Des saisies record de cette poudre blanche ont été constatées. En mer, des bateaux ont été arraisonnés avec des occupants majoritairement venus de pays de l’Amérique latine et/ou de la sous-région. Le maitre d’œuvre de ces saisies est souvent la marine nationale, une entité de la grande marine.

Sur terre, elles sont faites par la gendarmerie nationale, la douane et les éléments de la Direction de l'Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants (Docrtis) et ses différentes antennes régionales. Les plus grosses saisies ont été opérées principalement à Dakar, Thiès, Tambacounda et dans les zones frontalières. Là aussi, souvent, de grosses quantités sont saisies.

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CIRCULATION DE COCAÏNE À DAKAR

Un marabout, un musicien et un snapeur dans le collimateur des FDS

Concernant la circulation de la cocaïne dans la capitale sénégalaise, des sources renseignent qu’un trio sort du lot. Il s’agit d’un marabout, d’un célèbre musicien et d’un snapeur. Ils sont dans le collimateur des forces de défense et de sécurité (FDS).

Au Sénégal, le gramme de cocaïne est généralement échangé à 80 000 F CFA. Ce qui fait que cette drogue n’est pas à la portée de tout le monde. Ainsi, sa clientèle est très sélecte.
Selon nos sources, la cocaïne circule dans le milieu du showbiz. Mais aussi aux Almadies et les quartiers huppés de Dakar. Des sources autorisées lèvent un coin du voile sur les contours de ce trafic.
‘’Il y a trois personnes qui sortent du lot. Nous avons des indices de preuves. On attend juste le moment venu pour les alpaguer. Il ne faut pas se précipiter. C’est des gens très rusés et qui ont une certaine notoriété. Ils ne sont pas n’importe qui dans ce pays. Pour ce genre d’oiseaux (suspects dans le jargon), il faut du tact et de la diligence pour les mettre en cage (arrestation et emprisonnement)’’, confient des sources qui n’ont pas voulu entrer dans les détails.

Après moult insistances et une kyrielle de rendez-vous, nos interlocuteurs se prononcent enfin. ‘’Nous avons trois catégories de personne qui sortent du lot, concernant ceux qui font entrer la poudre blanche à Dakar. Il y a un marabout qui a beaucoup de disciples. Je ne peux pas aller plus loin. Un musicien très célèbre aussi. Pour ce dernier, à chaque fois, qu’il organise une manifestation en Gambie, une saisie record est constatée. Ce qui nous permet de dire qu’il parvient à sortir de la drogue en Gambie en profitant de ses concerts. C’est un constat qui est là. Le marabout aussi, il pense qu’il n’est pas identifié, alors que oui. Le moment venu, il sera interpellé, advienne que pourra. Souvent, ils profitent de leur notoriété pour trafiquer cette drogue’’, confie un de nos interlocuteurs.
Il confie : ‘’L’axe Gambie - Sénégal est très prisé par les trafiquants de cette drogue.’’ Une fois sur le sol sénégalais, il faut une personne qui a ses entrées dans le milieu du showbiz et de la politique, pour écouler la cocaïne. ‘’Il y a un célèbre snapeur qui se charge de cette mission. Il profite de sa proximité avec les clients de cette drogue pour écouler. Il a la chance ou la malchance de fréquenter les plus grands consommateurs de cette drogue. Souvent, les Almadies et certains quartiers huppés sans oublier des hôtels de luxe sont les lieux où il trouve ses clients. Ce qui est sûr est que force restera à la loi. Cela peut prendre du temps, mais ils vont tomber, à moins qu’ils arrêtent ce trafic’’, confient nos interlocuteurs.

Politiciens, musiciens, mannequins, journalistes : les plus grands consommateurs de coke
À la question de savoir les localités où on l’on consomme le plus de drogue dans ce pays, nos interlocuteurs soulignent qu’elle est consommée sur presque tout le territoire, mais Dakar vient largement en tête.

S’agissant des catégories de personnes qui consomment le plus cette poudre blanche, nos investigations montrent qu’il s’agit de politiciens, de musiciens, de mannequins et... de journalistes. ‘’Ce qui demeure constant est que cette drogue coûte cher. Donc, si une personne à revenu modeste la prend - ce qui est rare - c’est qu’elle est parrainée par un riche. Des célébrités et des milliardaires la consomment. Parmi eux, deux célébrités qui sont chantées par les griots. De même que chez les politiques et un de vos confrères aussi. C’est juste un nombre très petit qui la prend. Ils copinent ensemble ; ils font affaire ensemble ; ils se marient. Une façon de vous dire que c’est un milieu très select’’, renseigne une autre source.
Selon elle, cette mafia est difficile à cerner. Ce qui rend leur arrestation difficile. C’est souvent les seconds couteaux qui sont alpagués. Mais les gros morceaux parviennent toujours à s’échapper, renseigne-t-on.

Un tour aux Almadies, un samedi soir, n’a pas permis de délier les langues sur ce trafic. Personne n’a été en mesure de donner plus d’informations sur ce trafic de drogue dans cette partie de la capitale dakaroise.

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