Youssou Ndour, chanteur et politicien à ciel ouvert
En l'absence de ses ex-collaborateurs Habib Faye et Jimmy Mbaye, et sans la présence pourtant annoncée de Baaba Maal, Youssou Ndour a tenu en haleine les populations de Mboumba et de la Mauritanie proche de cette commune rurale. Le festival «À Sahel ouvert» a tenu ses promesses, éclaté entre l'artiste-chanteur qui n'a rien perdu de son talent et le ministre aux discours souvent politiciens.
La deuxième édition du festival «À Sahel ouvert» de Mboumba, une commune rurale du Fouta à 350 km de Saint-Louis, a vécu avec la prestation du très mythique orchestre du Super Étoile. Son leader vocal, l’artiste planétaire Youssou Ndour, était au rendez-vous. Il a rechanté après un an de pause. L'enfant de la Médina, depuis avril 2012, est en effet un ministre de la République.
Mais en reprenant du service, «You» l'a fait en l'absence de ses plus proches anciens collaborateurs. Ni Habib Faye, bassiste, ni Jimmy Mbaye, son guitariste, encore moins Assane Thiam, son spécialiste du «tama», n'étaient à ses côtés. Mais cela n'a pas déteint sur la qualité du spectacle offert au public, pas plus d'ailleurs que sur la prestation du «Roi du Mbalax». Sur scène, Youssou Ndour a démontré à ses fans venus d'autres coins du Sénégal, d’Europe et surtout de la Mauritanie qu’il n’a pas perdu la...voix. Par son feeling, sa très belle voix, et une forme de jeunesse retrouvée, il a tenu en haleine durant deux tours d’horloge le public en revisitant son riche répertoire entamé avec «Bamba» et clos avec le tube fétiche «Salañ Salañ». Et tout ceci, avec les paroles «pimentées» de son «jumeau» Mbaye Dièye Faye dont certaines sources avaient avancé son absence.
Il était bien là, aux côtés de Moustapha Mbaye «Thio» à la percussion, et Yatma Thiam aux talking drums qui a remplacé son père Assane Thiam en voyage en Italie. Moustapha Gaye (Ous Band) et Alioune Guèye (Setsima group d'Alioune Mbaye Nder) ont assuré à la guitare et à la basse. Le reste du groupe était bien sur scène : El hadj Faye (percussions), Papa Omar Ngom (guitare rythmique), Ibou Cissé, Moustapha Mbaye (clavier), Thierno Kouyaté (saxo), Ibou Konaté (trompette), Wilfried (trombone), Djiby Sèye, Birame Dieng et Aïda Samb (chœur), en plus de Moussa Sonko (danse). C’est vers les coups de minuit que Youssou Ndour est monté sur scène du côté de la rive droite du fleuve Sénégal, le Doué. Ce qui a poussé les populations de la Mauritanie à traverser le fleuve en pirogue pour rejoindre le site du festival.
Les Mauritaniens «immigrent»
La prestation du ministre-chanteur a été globalement jugée de «haute facture», saluée par des étrangers venus pour la plupart de France. Comme Stéphane Lebon, un habitant du 17e arrondissement de Paris. «Il ne faut pas que Youssou arrête de chanter, il est phénoménal, s'extasie-t-il. Ce qui m’a vraiment séduit, c’est qu’il ait gardé sa voix et sa forme même après un an de pause. Comme pour lui répondre, Mbaye Dièye Faye rassure : «Youssou Ndour n’arrêtera jamais de chanter», dit-il. Ajoutant que «des choses se préparent pour faire plaisir aux fans. Cependant, il a tenu à préciser que si le ministre est aujourd'hui redescendu sur scène, c’est grâce au chef de l’Etat. «Nous le remercions de nous avoir permis de revoir notre leader, c’est une victoire pour le Sénégal et pour Mboumba.» Les nouvelles recrues, Yatma Thiam et Alioune Guèye, ont manifesté leur joie de jouer avec Youssou Ndour. «C’est un rêve qui vient d’être réalisé car il n’est pas permis à n’importe qui d’être dans le groupe du Super étoile, ce sont de véritables professionnels», disent-ils presque en chœur.
Youssou Ndour défend Macky Sall...
En remettant son manteau d’artiste, le lead vocal du Super Étoile n'a pas hésité à demander au public d'offrir un standing ovation au président de la République. Entre deux tubes, il a parlé aux populations de Mboumba comme si l'on était dans une campagne électorale. Des moments qui ont rappelé les péripéties du fameux «wër ndombo» (encerclement) contre Wade au deuxième tour de la présidentielle 2012. «Macky Sall est le président de l’espoir», «Le Sénégal peut compter beaucoup sur Macky Sall», «Le gouvernement est une solidarité», sont des slogans qui ont été transmis au public du Fouta. A l'endroit des femmes, le ministre-chanteur a annoncé que le gouvernement leur permettra de mettre en valeur une superficie de 14 hectares sur le Doué. En reconnaissance, les populations lui ont offert un cheval.
...Et se fâche contre les Américains
Alors que les échos de l'alerte à la bombe à Dakar étaient encore audibles, le ministre du Tourisme et des Loisirs a profité de la tribune du festival pour rassurer les touristes. «Le Sénégal est un pays en sécurité, nous ne sommes pas en guerre, a-t-il indiqué. (…) Cette paix, nous allons la sauvegarder (mais) je demande l'arrêt des confusions et des menaces à travers de fausses informations.» Une critique qui pourrait s'adresser aux services de l'ambassade des Etats-Unis à Dakar, auteurs de cette alerte à la bombe. Dans cette foulée, le ministre a justifié son choix de venir à Mboumba par sa volonté de favoriser le potentiel touristique de cette commune en vendant sa destination, en créant des activités dans ce secteur, ce qui pourrait attirer des devises au profit des populations. Pour faire du Sénégal un pays émergent, dit-il, il faut agir sur les localités reculées du pays. En compagnie de Me Fadel Ndiaye, maire de Mboumba, qui a salué la prestation du chanteur, Youssou Ndour a donné un coup de pouce au tourisme communautaire en procédant à la pose de la première pierre du projet touristique la «Maison de l’hôte».
Coup de pouce au tourisme communautaire
Mboumba, commune créée en 2008, a permis durant ces jours de débattre du thème «Partir de la culture pour faire du développement». Le «Festival à Sahel ouvert», né de la volonté d’artistes sénégalais et français de rendre la culture plus accessible aux populations de la région du Fouta, en association avec des ONG spécialisées dans le développement et la santé, est une vitrine du développement du tourisme communautaire.
L’un de ses initiateurs, Xavier Simonin, habitué du continent africain depuis plusieurs années, notamment en Mauritanie et au Sénégal, s’est dit enthousiaste. «Nous avons atteint notre objectif, surtout avec la prestation de Youssou Ndour» a-t-il dit. Et si le succès a été au rendez-vous, c’est grâce à des partenaires comme l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, les ministères de la Culture, de la Santé et du Tourisme. Des organismes tels que «Médecins du monde Espagne» et l’Ong française «Le partenariat» y ont également contribué en offrant leurs services aux populations, à travers des activités culturelles sur la tradition et l'identité Al Pular, la parade sur le fleuve («Fifire» en pular), et un vaste déploiement de richesses folkloriques. Le théâtre était aussi à l’honneur avec les enfants et des thèmes de sensibilisation liés à la lutte contre le VIH Sida et le paludisme, à la préservation de l’environnement, à la problématique des castes.
FARA SYLLA
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